Une permissivité des responsables algériens qui a fortement accentué la contrebande au point où, selon un rapport de la Chambre de commerce, d'industrie et de services de Oujda, établi en 2012, «70% de l'économie de la région orientale dépend de la contrebande. Nous estimons le chiffre d'affaires moyen de cette activité à 6 milliards de dirhams par an (…). Le secteur informel emploie plus de 10 000 personnes et couvre l'essentiel des besoins de consommation de l'Oriental...». S'apercevant de cette saignée légalisée, les autorités algériennes ont décidé de tuer ce trafic en creusant des tranchées profondes sur le tracé frontalier. En face, leurs homologues marocaines ont érigé un grillage. L'effet a été immédiat : «l'import export» illégalement légal entre les deux pays a cessé, hormis — et c'est curieux — celui de la drogue qui a continué. Comme si un deal quelque part a été signé entre des protagonistes, dont on ignore les noms et ne connaît pas les visages. Mais cela est une autre histoire. Ainsi se retrouvant, du jour au lendemain, livrés à eux-mêmes, des habitants des localités frontalières, notamment Souani, Bab El Assa, Marsat Ben M'hidi et Beni Boussaïd, ont interpellé le gouvernement pour leur trouver une alternative. Vainement. Il y a une semaine, des jeunes et moins jeunes de la commune de Souani se sont fait entendre en obstruant avec des branchages, des pierres et des pneus, l'avenue principale desservant quatre autres agglomérations importantes (Maghnia, Ghazaouet, Bab El Assa, Marsat Ben M'hidi) pour protester contre ce qu'ils appellent «des dépassements et de l'abus du pouvoir des services de sécurité». En fait, l'étincelle qui a déclenché ce mécontentement, c'est, comme nous l'avaient déclaré des témoins oculaires sur les lieux, «lors d'une course-poursuite, pas moins de 140 balles ont été tirées au quartier du marché vers 23h30, ce qui a provoqué une panique et une peur générales chez les habitants. Des femmes et des enfants ont été choqués. Deux mères de famille ressentant des malaises ont été évacuées vers les services de santé de la localité». Les douilles ont été remises aux éléments de la Gendarmerie nationale, selon eux. Il n'en fallait pas plus pour que ces mêmes habitants sortent dans la rue pour revendiquer leur droit de vivre. «Nous sommes Algériens à part entière, on veut faire de nous des malfrats, mais nous ne demandons que nos droits. Nous n'appelons pas à la réouverture de la frontière, parce que nous savons que la fermeture est une décision politique que nous ne contestons pas, mais nous avons été abandonnés depuis le durcissement des mesures sécuritaires sur le tracé frontalier. Nous n'avons plus aucune ressource pour vivre. Nous ne pouvons plus payer nos factures d'électricité, ni acheter des médicaments. L'Etat a le devoir de trouver une solution aux jeunes qui n'ont aucune occupation. Ils sont une bombe à retardement…» affirment avec colère les frontaliers. Trois jours plus tard, des habitants du village de Betaim, dans la commune de Maghnia, ont coupé la RN7A qui donne sur le tronçon autoroutier, créant un arrêt monstre de la circulation. Les revendications ne diffèrent pas de celles de Souani, même si principalement, selon les manifestants, «le budget alloué au goudronnage des routes par l'APC est jugé insuffisant» et d'allonger la liste des revendications ayant trait au développement local de leur agglomération. Quoi qu'il en soit, même si ces actions de protestation se sont estompées suite à l'arrivée sur place des autorités locales, dotées de promesses, il n'en demeure pas moins que les préoccupations des frontaliers sont vraiment sérieuses et nécessitent tout un programme de réinsertion. «Nous avons longtemps été nourris par ces activités qui arrangeaient tout le monde ; aujourd'hui, nous n'avons rien. C'est à l'Etat de nous trouver des solutions pour vivre dignement !» réclament des habitants du tracé frontalier.