Le royaume de Belgique est mort. Le roi Albert II quitte le trône… La Flandre a proclamé unilatéralement son indépendance. Consternation ! Ce n'est pas une vérité, mais un scénario, un peu osé, simulé par la chaîne de télévision publique francophone (RTBF). Les téléspectateurs belges l'ont, en tout cas, cru jusqu'au bout. C'était mercredi soir à 20h21. Alors que les téléspectateurs, qui viennent de regarder le JT, s'apprêtent à suivre deux reportages de « Questions à la une » à forte connotation communautaire (va-t-on supprimer les indemnités de chômage en Wallonie ? et les Flamands sont-ils plus corrompus que les Walons ?) que la RTBF a interrompu ses programmes pour diffuser un flash d'information urgent : « Le Parlement flamand (région du nord de la Belgique) vient de voter la sécession de la Flandre du royaume de Belgique ». Le flash spécial a duré, selon le quotidien Le Soir (Belgique), une heure et demie. Une période durant laquelle se sont succédé, autour du présentateur du JT et d'Alain Gerlache, directeur de la télévision, des journalistes qui interviennent en direct, qui du Parlement flamand, qui du Palais royal déserté par Albert II, en fuite à l'étranger (la rumeur prétend qu'il a pris la direction de Kinshasa), qui du Parlement wallon, qui de l'Atomium où se sont réfugiés les ministres du gouvernement bruxellois. Le scénario est bien ficelé. Selon le même quotidien, la préparation du « Canular » a duré deux ans, sans que le secret ne soit divulgué. Une équipe de journalistes de la chaîne en question a travaillé sur cette « folle idée » ayant pour code : « Karine et Rebecca », les deux gamines qui chantaient le répertoire de Saint-Nicolas. Avec des témoignages de plusieurs personnalités politiques qui ont joué le jeu et des reportages sur le terrain, l'équipe de RTBF a présenté une situation catastrophique dans tout le pays. Cela avant qu'un insert annonce que « tout cela était une fiction ». Une fiction qui a mis, non seulement les Belges, mais aussi les ambassades des pays étrangers, en effroi. Place aux réactions. L'émission a valu à la chaîne la réprobation unanime du monde politique. L'exercice de politique fiction auquel s'est livrée la RTBF est, selon les politiques, « irresponsable » et « incivique ». Convoqué par la ministre de l'Audiovisuel, Fadila Laanan, l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, a déclaré, lors d'une conférence de presse, jeudi après-midi, qu'il assume pleinement ce programme. Expliquant avoir « pris un risque » pour lancer un débat crucial sur l'avenir de la Belgique, menacée par les tensions entre les partis de la Flandre (néerlandophone) et de la Wallonie (francophone). Les Flandres réclamaient, rappelons-le, depuis longtemps l'autonomie linguistique. Jean-Paul Philippot a reconnu, toutefois, que la forme avec laquelle l'émission a été présentée pouvait poser question. « Les signes d'avertissement censés permettre aux téléspectateurs de comprendre rapidement qu'il s'agissait d'une fiction n'ont pas suffi à dissiper l'ambiguïté », a-t-il dit en s'excusant auprès « des personnes submergées par l'émotion ». Pour sa part, la presse belge n'a pas critiqué le travail de la chaîne, exception faite du quotidien populaire, La Dernière Heure qui regrettait que « la RTBF ait cru malin de lancer ces fausses nouvelles ». La libre Belgique jugeait au contraire la démarche de « salutaire ». La Nouvelle gazette est allée plus loin en posant la question : « Si c'était vrai, que ce passerait-il ? » Ce journal a conclu que « le coup de force prêté au Parlement flamand n'est pas conforme à la culture du pays ».