L'université Kasdi Merbah de Ouargla abrite depuis le 12 mars courant, et ce, jusqu'à aujourd'hui (14) des premières rencontres doctorales du droit et des sciences politiques sous la forme d'un colloque scientifique ayant pour thématique «La recherche scientifique et les enjeux de la qualité». Organisé par le «Laboratoire des mutations politiques, économiques et sociales selon l'expérience algérienne» affilié à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de l'université de Ouargla, ce premier séminaire national scientifique sur le doctorat qui regroupe une vingtaine d'experts algériens et tunisiens, 160 doctorants venus de 27 universités du pays, pose la problématique de la mise à niveau internationale de la recherche scientifique doctorale et particulièrement dans les domaines des sciences juridiques et politiques. Il permettra entre autres aux doctorants présents d'exposer leurs thèmes de recherche, d'être aiguillés par des experts et de recevoir les orientations nécessaires. Le Pr Halilat Mohamed Tahar, recteur de l'université de Ouargla, a annoncé dans son allocution d'ouverture que ces journées doctorales ont été placées la veille sous l'égide du ministre de l'Enseignement supérieur, une décision de dernière minute qui donne pourtant à cette rencontre sa raison d'être et sa force de frappe en confortant les organisateurs dans leur volonté de contribuer à améliorer la qualité du programme de recherche à entreprendre dans ce domaine, qui reste le parent pauvre de la recherche scientifique en Algérie et au Maghreb. Une vérité blessante, affirmée par le Pr Souci, invité d'honneur représentant la Tunisie. Les sciences juridiques et politiques, un domaine d'excellence ? Mais est-ce le cas des doctorants en sciences juridiques et politiques ? L'équipe du Pr Bouhania Goui évoquera dans son intervention portant sur la «cartographie des connaissances juridiques et politiques en Algérie» le souci d'innovation par le soutien d'initiatives scientifiques ayant une cohérence et une pertinence par rapport à la réalité du terrain et aux besoins de la société d'aujourd'hui. Président des journées scientifiques doctorales de Ouargla, M. Goui estime que le doctorant doit absolument maîtriser le canevas de rédaction d'une thèse de doctorat qui est, selon lui, l'aboutissement d'un long cursus universitaire qui s'inscrit dans le cadre d'une démarche intellectuelle de recherche approfondie. «Nous avons voulu faire profiter nos doctorants de l'expertise scientifique de nos prestigieux invités d'honneur venus de l'université de Sousse qui ont une belle expérience dans ce domaine», dira-t-il expliquant que «l'université de Ouargla veut être la pionnière de la vision réformiste de la formation en sciences juridiques et apporter sa contribution à la prise de décision en matière de refonte de ce domaine de formation par des recommandations qui couronneront ces trois jours». Comment expliquer, dans ce cas, le déclin de la demande en formations en droit et sciences politiques à Ouargla ? C'est une tendance exponentielle qui a poussé l'ex-recteur à envisager sérieusement la suspension de la formation à une certaine époque. Le Pr Goui explique cet indicateur par l'ouverture de plusieurs cursus similaires dans les universités du sud, celle de Ouargla aurait naturellement perdu le flux d'étudiants venant du sud-est. Par ailleurs, la hausse de la moyenne d'admission située à 12 semble expliquer en partie l'orientation vers des branches moins cotées. Quel avenir donc pour la spécialité et quels enjeux de la qualité des travaux de recherche dans le domaine ? Un des principaux enjeux de la rencontre de Ouargla est le référencement international des établissements universitaires en Algérie. Pour ce faire, il est important de rédiger les travaux de recherche en anglais, d'où la programmation d'une session spécifique à la rédaction d'un article scientifique dans la langue de Shakespeare. «Ce séminaire veut bousculer les mentalités des juristes et politologues en révolutionnant le contexte actuel de la recherche dans ces domaines par l'apprentissage des langues, l'anglais en particulier», explique le Pr Goui à El Watan Etudiant. Empreinte maghrébine La communauté scientifique s'accorde à dire que les pays du Maghreb produisent peu de contenu dans les domaines juridiques et politiques, une réalité indéniable selon le Pr Soussi, spécialiste en droit public et coordinateur de l'unité de recherche de droit constitutionnel et fiscal maghrébin à l'université de Sousse en Tunisie. «Je fais partie de ces innombrables chercheurs qui produisent peu d'articles scientifiques censés enrichir le répertoire bibliographique universel», a-t-il reconnu d'emblée. Acerbe et pédagogique à la fois, le Pr Soussi a recadré l'assistance en soulignant que la recherche doctorale doit être relevée dans un processus dynamique d'examen des phénomènes actuels de nos sociétés. Les juristes se doivent de faire une immersion dans les problèmes posés par l'évolution démocratique de nos pays et trouver des réponses pertinentes à ces questions à partir d'investigations approfondies. «Nous appartenons à une nation qui ne lit pas, ne comprend pas et donc n'écrit pas», conclut tout bonnement le Pr Soussi qui qualifie le positionnement maghrébin en matière de production scientifique juridique de faible, voire d'inexistant et relayant une réalité juridique datant de plus de dix ans. L'objectif actuel est de développer la recherche dans les sciences juridiques et actualiser les connaissances en la matière. Il soulignera que des efforts conjoints devraient aboutir à une empreinte maghrébine juridique dans les revues scientifiques de référence. Au-delà de la carrière académique, c'est un plaidoyer pour la compétence juridique de haut niveau de maîtrise que le Pr Souci a présenté, faisant écho aux orateurs algériens, notamment le Pr Saïd Mkadem, membre du Conseil consultatif de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) qui a appelé les doctorants à revenir aux basiques de la recherche scientifique, à savoir l'esprit d'analyse et de synthèse et la rigueur scientifique. Le Pr Soussi a par ailleurs souligné que le juriste tunisien est actuellement confronté à un terrain de recherche vierge avec une nouvelle Constitution adoptée et un arsenal de plus de 5000 textes de loi de l'ancien régime. D'où la nécessité, selon lui, de défricher le terrain des nouvelles thématiques qui s'imposent aux juristes pour trouver des solutions aux problèmes de plus en plus complexes du droit dans le pays. Il mettra en exergue les caractéristiques primordiales du travail doctoral, qui doit non seulement apporter de la fraîcheur mais se doter d'une parfaite maîtrise de l'écriture, une rigueur de l'analyse et un sens de la méthode qui participeront à lui conférer un niveau d'expertise élevé. Tirer vers le haut un segment de chercheurs improductifs, c'est ce qui synthétise en gros le propos de ce chercheur tunisien qui reconnaît la complexité des questions juridiques posées à travers le Maghreb d'aujourd'hui. Mobilité internationale La formation doctorale dans le cadre de la mobilité internationale a été au centre de la conférence du Pr Mourad Korichi, vice-recteur chargé des relations extérieures, de la coopération, de l'animation à l'université de Ouargla, qui a mis en exergue le choix de l'excellence en orientant les doctorants de son université vers les échanges internationaux et l'universalité du savoir. La mobilité internationale des étudiants est un axe majeur du fonctionnement de l'université Kasdi Merbah, dira-t-il, rappelant les accords et les conventions bilatérales signées avec des universités et organismes scientifiques et de recherche du monde entier, les accords de co-tutelle et les programmes bilatéraux et multilatéraux de recherche et d'études inter-universitaires, notamment avec les universités européennes. M. Korichi soulignera notamment l'importance du projet Coffee qui s'articule autour de la co-construction d'une offre de formation à finalité d'employabilité élevée financée par le programme Erasmus et Capacity Building afin de permettre aux jeunes diplômés algériens de trouver un emploi. Compere-Averroès (Compétence projets Européens Réseau Averroès) financé par le programme Tempus de la Commission européenne vise, quant à lui, à développer la capacité des établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la région Maghreb, en leur transférant les compétences nécessaires, comme coordinateurs et partenaires, dans les projets européens de la période de programmation 2014-2020 (Erasmus + et H2020 notamment). M. Korichi soulignera à ce propos le programmes d'amélioration des aptitudes en langues étrangères afin de permettre aux doctorants de Ouargla d'accéder aux offres de mobilité internationale, soulignant le cas d'une étudiante en master avait pu décrocher une bourse en Hongrie avant d'être retenue pour finaliser son projet de doctorat dans le même pays.