Le président nigérian, Muhammadu Buhari, a annoncé, dimanche dans un communiqué, qu'il ne se rendrait pas à Kigali, au Rwanda, où est prévu cette semaine un sommet extraordinaire de l'Union africaine pour signer le traité sur la Zone de libre-échange continentale (ZLEC). Le président Buhari, qui devait se rendre à Kigali hier, a créé la surprise en annulant son déplacement, durant lequel il devait signer le traité de libre-échange et assister à l'inauguration du sommet demain. «Monsieur le Président ne voyagera plus vers Kigali pour cet événement, parce que certains actionnaires nigérians ont fait savoir qu'ils n'ont pas été consultés», selon un communiqué de la Présidence publié dimanche. «Ils ont quelques réticences quant aux conditions de ce traité.» «La décision de Monsieur le Président veut permettre de donner plus de temps aux consultations», a précisé le texte. L'un des plus grands syndicats du pays, le Nigeria Labour Congress (NLC), a fait état de ses craintes quant à une ouverture du marché dans le pays et a demandé à être davantage impliqué dans les négociations. «Nous sommes choqués par le manque de consultation dans ce processus», a déclaré cette semaine Ayuba Wabba, secrétaire général du NLC. Avec une population de quelque 190 millions d'habitants, le Nigeria est un marché gigantesque. Premier producteur de brut sur le continent, le Nigeria était encore première économie en Afrique avant la chute du prix du baril en 2014. Pour sortir de la récession, le président Buhari a adopté une politique économique ultra-protectionniste, en établissant une liste très large de produits interdits à l'importation pour tenter d'encourager la production locale. Selon Ali Bey Nasri, président de l'Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), le Nigeria a eu le courage politique d'exprimer sa position vis-à-vis de certaines conditions contenues dans l'accord. Pour lui, la non-adhésion du Nigeria à cet accord va certainement impacter négativement les négociations, étant donné que le pays est considéré comme l'une des puissances économiques et commerciales de la zone de Cédao. Et de préciser que «beaucoup de pays africains savent qu'il est difficile d'instaurer une zone de libre-échange continentale», d'autant que les préalables à un tel accord ne sont toujours pas réunis, notamment en ce qui concerne la fédération des espaces économiques déjà existants, l'unification des législations et le rapprochement des marchés frontaliers. Quant à l'Algérie, le président de l'Anexal estime que le pays va adhérer à cet accord, mais son approche est «beaucoup plus politique qu'économique». Contrairement à cet avis, les pouvoirs publics disent vouloir adhérer à cet accord, mais en faisant impliquer d'abord les opérateurs économiques nationaux à travers des consultations élargies à toutes les filières. Lors d'une rencontre organisée la semaine dernière à Alger, le directeur général du commerce extérieur et négociateur en chef de la Zlec, Saïd Djellab, a annoncé que dans la perspective de l'adhésion de l'Algérie à la Zone africaine de libre-échange continentale, le ministère du Commerce compte lancer une série de rencontres de concertation avec les opérateurs économiques nationaux organisés en filières. Selon lui, les pouvoirs publics ont opté pour une nouvelle mécanique qui consiste à «faire impliquer et à se concerter avec les opérateurs économiques concernés dans toute négociation de libéralisation de notre commerce». Ce mécanisme, précise-t-il, «nous permettra de fixer la liste des produits à libéraliser et ceux que nous allons demander à libéraliser pour se placer sur le marché africain. Ce n'est qu'à ce moment qu'on pourra entamer les négociations avec des scénarios bien précis».