Les termes des diverses crises qui secouent nombre de secteurs de la vie nationale n'ont pratiquement pas changé depuis la dernière rentrée sociale. Les luttes syndicales ont pris les contours d'une guerre d'usure, celle du citoyen et des corporations concernées. «On se dirige vers l'inconnu», a déclaré, dans notre édition d'hier, un membre du Collectif des médecins résidents en grève et en cours de boycott des sessions du DEMS, ajoutant que leur structure syndicale «ne peut pas faire machine arrière». C'est, en clair, l'impasse. L'équation de cette crise dans le secteur de la santé publique est faussée dès lors que l'on affirme, par ailleurs, qu'en cas d'année blanche et d'absence de nouvelles promotions de médecins spécialistes, ce seront «les hôpitaux et le ministère de la Santé qui seraient perdants». Evacué du débat national par le système politique en place, le simple citoyen risque de se retrouver doublement ostracisé et éloigné des questions qui le concernent en priorité. Fidèle à sa nature manœuvrière, le gouvernement n'hésite pas à opposer les protestataires aux populations des zones les plus déshéritées, en manipulant les revendications des médecins résidents. Au sujet de la prime d'installation des praticiens spécialistes dans ces mêmes zones, dans le cadre du service civil, le gouvernement a proposé de puiser cette indemnité dans le budget des collectivités locales, qui n'est rien d'autre que les subventions allouées dans le chapitre du développement local. Dans le contexte politique actuel, les démarches éparses des syndicats sont fatalement dévoyées. Le pouvoir en place, rendu inopérant par le manque de légitimité démocratique, ne saborde pas uniquement l'économie du pays, mais annihile également le front social. Le mouvement de protestation dans le secteur de l'éducation est symptomatique de la déstructuration qui frappe tous les pans de la vie nationale. Si les autorités feignent d'être catastrophées par la perturbation de la scolarité de milliers d'élèves, l'opinion publique est désarçonnée d'apprendre que le retour à la grève et à la paralysie des écoles est dû au «prélèvement sur le salaire du mois de mars qui s'ajoute à la ponction sur la prime de rendement du premier trimestre». A quelques mois de la fin de l'année scolaire, force est de constater que le mouvement de grève dans le secteur de l'éducation s'est passablement déconnecté des questions éducatives et pédagogiques, qui devraient être les premières préoccupations nationales. La ministre de tutelle, qui avait à cœur de mettre en œuvre le projet de réforme des programmes scolaires dans le sens de la modernisation, a fini par camper le rôle d'une directrice de la Fonction publique qui licencie les grévistes avant de les réintégrer dans des circonstances aléatoires. Le pourrissement social se nourrit de la crise politique. Dans le système de gouvernance en vigueur, la réforme dans le secteur de la santé, telle que réclamée par le mouvement des résidents, ne serait qu'un cautère sur une jambe de bois. Les promesses n'engageraient que d'éventuels interlocuteurs. En outre, la réforme de l'école aura été, au final, ramenée à une simple mesure de report des examens du bac après le Ramadhan, à l'issue d'un incroyable test référendaire conçu comme un alibi face aux islamistes. Dans la cacophonie qui marque le débat public, l'appel à un dialogue politique général est celui qui coïncide avec un début de solution pour dépasser une impasse systémique.