Des dizaines de milliers de Palestiniens ont assisté aux obsèques des victimes de la barbarie israélienne. Seize morts et 1416 blessés, tel est le lourd bilan du massacre israélien perpétré vendredi dans la bande de Ghaza. Tous ces morts et ces blessés ont été les victimes de la répression par les forces de l'armée israélienne de «la grande marche du retour», organisée à l'occasion de la Journée de la terre en Palestine occupée, commémorée annuellement depuis le 30 mars 1976. Ce jour-là, 6 Palestiniens pourtant de nationalité israélienne (Arabes d'Israël), appartenant à la communauté palestinienne ayant réussi à rester sur ses terres à l'issue de la guerre israélo-arabe de 1948, avaient été froidement abattus par des agents de sécurité israéliens au cours des manifestations de protestation contre la confiscation de terres palestiniennes. La grande marche du retour, faisant allusion au retour des réfugiés palestiniens sur leurs terres qu'ils ont été forcés de quitter en 1948, s'est déroulée dans les zones frontalières de la bande de Ghaza avec l'Etat hébreu, à proximité de la clôture de séparation qui tient lieu de ligne de frontière. Selon les Nations unies, plus de 3000 citoyens des deux sexes et de tous âgés y ont participé. Son caractère pacifique, beaucoup plus que les manifestations organisées chaque vendredi depuis le 6 décembre, lorsque le président américain a pris la décision de considérer la ville d'Al Qods comme capitale de l'Etat hébreu, où la présence populaire est nettement inférieure, ne lui a pas évité d'être durement réprimée. Les soldats israéliens et les dizaines de snipers, postés du côté israélien de la clôture, n'ont pas hésité à exécuter les ordres de leurs supérieurs, le chef d'état-major Gadi Eisenkot en premier, qui consistaient à tuer et à blesser le maximum de manifestants, bien qu'ils soient désarmés et ne représentaient aucun danger pour leur sécurité. D'ailleurs, comment pouvaient-ils être en danger, abrités aussi bien qu'ils l'étaient avec en face, à des centaines de mètres, des jeunes n'ayant que des pierres pour arme. Les déclarations de Gadi Eisenkot à la presse israélienne, dans lesquelles il dit ouvertement qu'il supervisera personnellement la répression de la grande marche du retour à coups de balles réelles, devraient le mener devant un tribunal international et être jugé pour crime de guerre. Journée de deuil national Une grève générale a paralysé, hier, les villes palestiniennes de Cisjordanie occupée et de la bande de Ghaza, décrétée, par le président Mahmoud Abbas, journée de deuil national à la mémoire des martyrs tombés la veille. Des dizaines de milliers de Palestiniens ont assisté aux obsèques des victimes de la barbarie israélienne. Dans une allocution diffusée tard dans la soirée de vendredi par la chaîne de télévision palestinienne officielle, le président Abbas, dont la colère était visible, a fait porter l'entière responsabilité de la mort des 16 citoyens palestiniens civils au gouvernement israélien. Il a également réclamé, comme il l'avait fait à plusieurs reprises auparavant, la mise en place d'un système de protection internationale du peuple palestinien désarmé face à l'armée d'occupation israélienne. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a pour sa part réclamé une enquête indépendante et transparente sur les incidents sanglants qui se sont produits à Ghaza, près de la frontière avec Israël. Par la voix de son porte-parole adjoint, M. Guterres a également appelé les personnes concernées à «s'abstenir de tout acte susceptible d'entraîner de nouvelles victimes et, en particulier, de prendre des mesures susceptibles de mettre en danger les civils». La veille, avant la marche et les manifestations prévues à Ghaza, le coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient, Nickolay Mladenov, avait exhorté toutes les parties à faire preuve de retenue et à prendre les mesures nécessaires pour éviter une escalade de la violence. L'appel du secrétaire général de l'ONU est resté sans écho. Le Conseil de sécurité de l'ONU n'a même pas été capable de s'accorder sur un communiqué dénonçant Israël. Les Etats-Unis, fidèle allié de l'Etat hébreu, se sont opposés à toute dénonciation d'Israël. Une position critiquée par la direction palestinienne. Nabil Abou Roudeina, porte-parole de la Présidence, a déclaré dans un communiqué publié hier que «l'opposition américaine au Conseil de sécurité encourage Israël à poursuivre son agression et à défier les décisions de la légitimité internationale à mettre un terme à l'occupation».