Le secteur pharmaceutique dans le monde arabe va connaître prochainement un bouleversement avec la prochaine mise en production d'une unité de fabrication de médicaments, née d'un consortium algéro-jordano-saoudien qui concurrencera les multinationales spécialisées dans le secteur. En effet, outre le partenariat contracté avec Solupharm pour la réalisation d'une unité de fabrication de médicaments dans la wilaya d'El Tarf, dans la commune de Benmhidi, Saidal a également dans son portefeuille de coopération l'ambitieux projet Taphco (Tassili Pharmaceutical Company), la seule et unique multinationale arabe créée il y a de cela quatre ans, selon Ali Aoun, PDG du groupe Saidal, en association avec le groupe saoudien Spimaco et le groupe jordanien JPM Acdima. Un ambitieux investissement s'élevant à 27 millions d'euros et dont la partie algérienne détient la majorité. Selon notre interlocuteur, l'entrée en lice de l'unité de production de ce futur géant arabe de fabrication des médicaments, située dans la zone industrielle de Rouiba, est prévue au cours de l'année 2007. Forte de son expérience dans le domaine pharmaceutique en sa qualité de leader national de la production nationale en produits génériques, Saidal veut, à ce titre, investir le marché arabe où les enjeux financiers sont très importants. Partant, le groupe aspire à grignoter les parts de marché des concurrents en offrant aux malades des produits de qualité à des prix compétitifs. « Nous n'avons pas peur de la concurrence loyale », a affirmé, à cet effet, Ali Aoun. Pour d'aucuns, avec le projet Taphco, le groupe prendrait sa revanche puisqu'en dépit de ses 212 produits finis enregistrés et sa présence sur le marché international, notamment en Afrique, au Yémen et au Mexique, Saidal ne semble pas bien « cotée » à l'échelle nationale, « boudée » vraisemblablement par les pouvoirs publics, à leur tête le département de la santé, lequel, a-t-on appris, aurait préféré passer une commande de Saiflu (produit destiné à lutter contre la grippe aviaire) auprès des laboratoires Roche alors que Saidal avait déjà entrepris de préparer un stock de sécurité. S'interrogeant sur le sort des commandes faites par la tutelle, Ali Aoun a soutenu, par ailleurs, que « Saidal peut répondre aux besoins de l'Algérie en matière de lutte contre la grippe aviaire, pour peu qu'on soit sollicité ». Et bien que le groupe ait soumis une proposition à la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) pour la vente du Saiflu, aucune sollicitation n'est venue, jusqu'à présent, du département de Amar Tou, lequel n'a pas, en outre, manqué de semer le trouble, le mois dernier, en remettant en cause la politique nationale du médicament et la promotion du générique. L'on se rappelle, à cet effet, les propos sentencieux de Amar Tou qui avait déclaré, lors de l'ouverture des travaux portant sur l'évaluation des études de stabilité des médicaments organisés à l'Institut Pasteur le 25 novembre 2006, que « certains produits existants sur le marché national ne répondent pas aux normes », doutant, en outre, de « la fiabilité de la qualité de ces produits ». Remboursée, mais non commercialisée Cela dit, pour quelle raison exacte, s'interroge-t-on, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a-t-il fait appel à un laboratoire étranger au lieu de se procurer du Saiflu à moindre coût auprès de Saidal, d'autant que la qualité du produit est, assure-t-on, irréprochable ? Par ailleurs, l'on s'interroge aussi au sujet de l'absence sur le marché de l'Insudal fabriquée depuis avril dernier par l'unité d'insuline de Constantine alors que 600 000 flacons ont déjà été produits. Ayant nécessité une enveloppe financière de 1,3 milliard de dinars et 13 millions d'euros, cette usine, dont la capacité de production est de 5 millions d'unités vente par an, a pour objectif de réduire le coût de l'importation de l'Algérie en insuline et d'assurer une disponibilité permanente du produit. Or la réalité est tout autre. Les chambres froides de la zone de stockage de l'usine d'insuline sont quasi saturées alors que, paradoxalement, aucun flacon d'Insudal n'est vendu dans les officines. « Aucune unité n'a été vendue jusqu'à présent. Les grossistes ne sont pas venus s'approvisionner. Pourquoi ? Nous l'ignorons », a affirmé, à ce propos, le directeur de l'usine d'insuline de Constantine. D'après le directeur des projets du groupe Saidal, « l'insuline fabriquée en Algérie est meilleure du point de vue qualité que celle qui est importée. En plus, son prix est plus abordable ». Moins de 500 DA, avance-t-on. Le plus aberrant, c'est que l'Insudal est… remboursée depuis septembre 2006 par la sécurité sociale alors qu'elle n'est toujours pas commercialisée dans les officines ! Dans ce climat obscur entretenu par le département de Amar Tou, des délégations étrangères continuent à « s'inviter » à l'unité d'insuline pour négocier une coopération éventuelle, notamment des propositions relatives à la fourniture de matière première, avec les responsables du groupe Saidal. A ce titre, force est de constater, toutefois, que cet engouement suscité chez les étrangers par le leader pharmaceutique algérien contraste curieusement avec les hésitations étranges des responsables du ministère de la Santé pour faire la promotion d'un produit national reconnu comme hautement compétitif.