Les nouvelles mesures adoptées depuis deux mois par le parquet d'Alger ont « réduit sensiblement » le taux de criminalité dans la capitale. C'est ce qu'a déclaré, à El Watan, le procureur général près la cour d'Alger, Douadi Medjrab. Le magistrat, installé à son poste depuis septembre 2006, a expliqué que « le défi de sa juridiction est de lutter efficacement contre la corruption, les détournements de deniers publics, les chèques sans provision, les vols à la tire, le trafic de drogue, les agressions physiques, le port et l'utilisation d'armes blanches, etc. ». Selon lui, il est question d'appliquer la loi « dans toute sa rigueur » en matière de criminalité quelle soit petite ou organisée et la rendre plus dissuasive pour éviter toute récidive. « Quelques réticences ont été observées au début, mais elles ont fini par avoir de bons résultats sur le terrain ». Il s'agit d'abord d'éloigner les personnes condamnées définitivement pour les faits sus-cités de leur lieu de résidence en les transférant dans des établissements pénitentiaires des wilayas du Centre, comme par exemple Bouira, Sour El Ghozlane, Aflou, Berrouaghia, Chlef et Ténès. « L'éloignement du lieu de résidence permet en fait de couper le délinquant de sa famille, mais aussi de ses voisins et amis. Nous avons remarqué que les détenus n'avaient plus peur de la prison. Serkadji et El Harrach sont devenues des lieux de rencontre entre délinquants, dont les familles ne les privent jamais de couffins, d'argent et autres privilèges. Ce qui n'est pas fait pour dissuader les plus réticents et augmente de ce fait le taux de récidives. Depuis que nous avons commencé, vers la deuxième quinzaine du mois d'octobre, à appliquer ces mesures au niveau de tous les tribunaux d'Alger, le nombre des présentations aux parquets a sensiblement diminué », a déclaré M. Medjrab. « redonner confiance… » Cette baisse a été constatée, a-t-il indiqué, surtout lors des descentes combinées entre les services de la gendarmerie et de la police dans les quartiers qualifiés de points noirs, du fait de l'absence de sécurité. « Habituellement, ce genre d'opérations finissent souvent avec 120 à 140 présentations, mais depuis l'application de ces nouvelles mesures, le nombre dépasse rarement les 40 présentations. Pour nous, il s'agit de résultats très positifs », a noté le magistrat. Sur la question de savoir si les citoyens se sentent impliqués dans cette lutte, le procureur général a répondu par l'affirmative : « Allez constater de visu la situation dans des quartiers comme Bachedajrah, Belcourt, Boumaâti, où les gens faisaient l'objet d'agression en plein jour. Je ne dis pas que la sécurité règne à 100%, mais les citoyens circulent librement sans avoir peur de se faire voler du fait de l'omniprésence des agents en civil et en tenue, mais aussi des nombreuses arrestations et condamnations des délinquants qui avaient le contrôle de la rue. » Le magistrat a tenu à préciser qu'il ne s'agit pas là « uniquement d'une campagne » mais d'une « première étape » de la stratégie de lutte contre la criminalité à l'échelle nationale, puisque de nombreuses autres grandes villes ont adopté les mêmes mesures, lesquelles ont donné des « résultats probants » sur le terrain. Ces derniers sont perçus à travers de nombreux indices au niveau des tribunaux. « Les victimes confrontent aujourd'hui leurs agresseurs sans avoir peur des représailles. De plus en plus de témoins viennent au secours des victimes ou tout simplement pour aider les services de police. Le juge ne les entend qu'une seule fois et donc ils ne sont plus obligés de revenir à chaque fois pour faire état de leur témoignage. Ceci nous a permis de redonner confiance aux gens qui viennent plus facilement dénoncer un fait qu'ils ont jugé illicite. Sans eux, nous ne pouvons pas éradiquer ce fléau. En tant que procureur général, je reçois beaucoup de citoyens et de commerçants qui se plaignent de certains faits, mais aussi pour remercier les services de sécurité d'avoir rétabli l'ordre et la sécurité dans leur quartier. » Pour notre interlocuteur, cette « guerre » n'est pas menée seulement contre les délinquants, auteurs d'actes de violence, de vol ou autres, mais également contre ceux qui s'arrogent le droit sur la chaussée et les trottoirs pour en faire des parkings. « De quel droit un jeune impose son diktat pour racketter les automobilistes à chaque coin de rue ? De quel droit aussi un commerçant ou un quelconque citoyen peut-il s'approprier le trottoir, un espace public qui appartient à la collectivité en dressant des obstacles pour que personne ne stationne devant sa porte ? L'autorité d'un Etat commence par l'application stricte et rigoureuse de la loi. Il n'est plus question de tolérer de tels agissements et de laisser les prérogatives de l'Etat aux autres. De nombreux jeunes autoproclamés gardiens de parking pour ne pas dire de trottoirs ont été déférés devant les tribunaux, en situation de flagrant délit. » Pour le magistrat, « ces gardiens » de parkings tiennent les citoyens en otages. « Nous avons eu des cas où des automobilistes ont été poignardés parce qu'ils ont refusé de payer 50 ou 100 DA. C'est un phénomène qui a pris de l'ampleur et aucun des Algérois n'a été épargné. C'est le cas aussi des marchés informels qui ne doivent plus exister de par leur illégalité. Vous avez remarqué que de nombreux marchés ont été fermés, et même la mendicité, qui est interdite par la loi, a diminué. Nous disons donc que la loi doit être appliquée et respectée afin que la sécurité des biens et des personnes soit rétablie et que la force ne soit qu'au droit. » Image du pays Le procureur général a également rappelé à propos des marchés, que la vente des téléphones portables d'occasion est interdite. « Les descentes des services de sécurité dans les magasins de téléphonie se multiplient de plus en plus et des arrestations ont été opérées parmi les vendeurs pour recele et dissipation de produits volés. Là aussi, il est important que les citoyens fassent attention parce qu'en achetant des produits volés, ils encouragent le vol à la tire des portables et les agressions à l'arme blanche. Vous savez très bien qu'aucun de nous ne peut céder son téléphone portable à un voleur si ce dernier ne nous menace pas avec un couteau. Souvent ces agressions finissent par des drames. De nombreuses jeunes filles ont eu le visage lacéré parce qu'elles ont refusé de céder aux voleurs. Il y a eu même des personnes qui ont succombé à leurs blessures par arme blanche à la suite d'un vol de portable. Y a-t-il plus grave que ces cas ? De plus, ce qui est grave dans ces affaires, c'est le fait que les jeunes délinquants, qui utilisent les armes blanches, s'organisent en bandes et transforment des épées en couteaux dissimulables. » A ceux qui ont qualifié les peines de 5 ans de prison pour les vols de portables de lourdes par rapport à celles prévues contre ceux qui vident les banques publiques, le procureur général a répondu : « La vie humaine n'a pas de prix. Les agressions physiques sont plus graves que les détournements. Ceux qui volent avec des couteaux viennent avec l'idée de prendre l'objet convoité quelles que soient les circonstances, même au prix de la vie de la victime ou de sa santé physique. Nous appliquons la loi en la matière. Si la loi relative à la répression des délits économiques et de la corruption ne prévoit pas des peines lourdes, il faudra saisir les législateurs, pas les magistrats. Notre rôle est de faire appliquer les textes. » M. Medjrab a également précisé que les agressions contre les ressortissants étrangers sont sévèrement punies, « non pas par ségrégation, mais parce qu'il s'agit des hôtes de l'Algérie et il y va donc de l'image du pays à l'étranger. Il faudra que les étrangers qui viennent en Algérie se sentent en sécurité et puissent repartir avec de bons souvenirs ». Revenant sur la question de la corruption et des dossiers de détournement des deniers publics, actuellement au niveau de sa juridiction, le procureur général a indiqué que « toutes les affaires sont en cours d'instruction, certaines prennent plus de temps parce qu'elles dépendent souvent des commissions rogatoires transmises à des pays étrangers ». Pour ce qui est du risque de la prescription, il a noté que les juges prennent toutes les mesures nécessaires pour éviter de tomber dans ce piège, car, a-t-il expliqué, ils sont conscients de la lourde responsabilité. Sur la question des chèques sans provision, M. Medjrab a été explicite. « Ce problème a encouragé le marché informel de la monnaie. Personne n'accepte les chèques du fait des lenteurs au niveau de la justice après un dépôt de plainte pour chèque sans provision. Aujourd'hui, la procédure est simple et permet d'agir rapidement en cas de chèque sans provision. » Quant aux nouvelles mesures contre la criminalité, M. Medjrab a mis en garde contre ceux qui manquent de respect aux agents de l'ordre ou les agressent dans leur fonction. « Ces atteintes sont sévèrement punies. De même lorsque celles-ci sont commises par les agents à l'encontre des citoyens. »