Tailler des croupières, étouffer les délires bassement mercantiles des « seigneurs » des marchés ne peuvent que soulager et rassurer le citoyen, longtemps soumis à des diktats insupportables. Après les cris, les protestations et la fureur, s'installe la résignation amère devant le fait accompli. Il semble que les pouvoirs publics, objet de moult réprimandes, de quolibets, d'anathèmes lancés contre eux par une population exaspérée, sont décidés à en découdre et à croiser le fer avec les spéculateurs. A ce titre, le mois sacré du Ramadhan peut servir de test. Les citoyens ont pris l'habitude de redouter les retombées néfastes d'un négoce au-« dessus » des lois. Flambées brutales des prix, cavalcades effrénées derrière le gain facile. Instruits par une expérience quasi prémonitoire, ils se cantonnent dans l'évasif et le dubitatif. Pis encore, le consommateur se méfie grandement d'une « stratégie » de la spéculation réglée comme du papier à musique et capable de contourner les mailles du filet. N'a-t-on pas déploré l'inanité et la puérilité d'un dispositif paré de toutes les vertus et qui, au moment fatidique, vole en éclats, s'écroule comme un château de cartes, c'est que la riposte a souvent manqué de punch, de fermeté, de vigilance pour tuer dans l'œuf toutes visées malsaines. Devant la frénésie des « hérétiques », le plan bat de l'aile. Il se fissure et les lézardes s'affichent au grand désappointement des consommateurs. Le bon sens capitule devant l'attrait perfide et vénéneux de la spéculation. Le dos au mur, on se contente de grogner et de vitupérer, de rouler des yeux éperdus. Que la force publique se décide à brandir son glaive est de bon augure. Peut-être que la « bacchanale » ne sera pas au rendez-vous cette fois-ci. C'est tout le mal qu'on espère.