Rabah Ameur-Zaïmèche est un jeune cinéaste algérien, vivant en France. Il fut révélé par un long métrage, Wesh Wesh, un succès d'estime très salué à sa sortie. Etrennant l'avant-première algérienne de son deuxième film Bled Number One ainsi que sa distribution par Sora Productions, il en parle avec flegme et sagesse. Quel est votre sentiment premier en présentant l'avant-première de Bled Number One en Algérie... D'emblée, c'est un grand honneur de venir présenter Bled Number One à Alger. Il y a comme un grand soulagement ! Parce que le film est sorti en France et dans le reste de l'Europe, au début du printemps. J'attendais avec impatience ainsi que toute mon équipe la sortie en Algérie de Bled Number One pour que le public puisse enfin le voir et dire directement ce qu'il en pense. Bled Number One a reçu un prix au Festival de Cannes... Oui, effectivement ! Nous avons reçu le prix de la Jeunesse d'Un certain regard au Festival de Cannes. Le film se « promène » un peu partout dans le monde. Dans votre film, vous portez un certain regard sur l'Algérie... C'est un film portant un regard pas du tout stéréotypé ou avec des clichés. Un regard sans a priori sur la réalité sociale. C'est aussi un hymne à la terre de nos ancêtres et un hommage à la femme algérienne. Et puis, ce message de tolérance ! Justement, l'actrice Mériem Saber porte le film et crève l'écran... Mériem Saber a été une agréable surprise pour nous. Dans ce film, nous avons décidé qu'elle chante du Billy Holliday dans une hôpital psychiatrique de Constantine où avait été tourné un très beau documentaire intitulé Aliénation. Quand nous sommes entrés dans cet hôpital à Constantine, nous avons été reçus avec joie et une immense générosité. De toute manière, le tournage de Bled Number One en Algérie a été réalisé avec tout simplement une autorisation du ministère de la Culture. On a tourné en totale liberté. A aucun moment, nous n'avons eu des difficultés. A chaque fois, les portes étaient ouvertes. Et il faut reconnaître ce grand mérite à notre pays (l'Algérie) de s'être ouvert au cinéma d'une manière aussi spontanée et libre. L'acteur Abel Jafri est aussi intéressant dans Bled Number One... Abel Jafri est franco-algéro-tunisien. Lorsqu'il est arrivé pendant le tournage, il a eu une manière de travailler comme les Américains. C'est-à-dire qu'il s'est immergé complètement dans son rôle et dans le village. Il a refusé de dormir à l'hôtel. Il a préféré rester avec ses nouveaux amis, les habitants du village. En les côtoyant, il a pris et imprimé leurs habitudes, leur accent, leurs tics... Et c'est ainsi qu'il est devenu presque un villageois à part entière. Ramzy y tient rôle aussi... Oui. Il l'a fait. Il est venu en Algérie avec plaisir. Le village est actant et acteur... C'est un village qui se situe au nord-est de l'Algérie qui s'appelle Loulouj à côté d'El Kala (wilaya de Annaba). Loulouj, c'est un village de farouches et d'irréductibles Algériens qui n'acceptent que le son et la mélodie de la liberté comme autorité. La comédienne Jeanne Balibar devait y figurer au casting... Oui. Elle voulait vraiment jouer dans Bled Number One. Mais le rôle que j'avais prévu correspondait à une autre. Vous savez, elle m'en a voulu. Mais ce n'est que partie remise. (Rires) . Dans Bled Number One il y a une place (plage) de choix de la musique. Surtout avec le psychédélique guitariste Rodolphe Burger, le rocker du groupe Kat Onoma... Oui, absolument. C'est Rodolphe Burger de Kat Onoma. Moi, je ne connaissais pas. C'est Jeanne Balibar qui me l'a présenté et fait découvrir. Le choix s'est porté sur Rodolphe Burger, c'était pour présenter ces paysages bucoliques de l'Algérie, et ce, à travers un son électrique surchargé et psychédélique. C'était pour monter cette élévation ou encore cette lévitation contemplative. Un projet en chantier, un film dans la tête... Actuellement, nous travaillons avec Louise sur un sujet qui est encore une fois assez polémique. C'est celui de l'Islam en France dans les quartiers populaires et dans le milieu du travail et qui va s'appeler Le dernier Maquis. A travers, une approche décalée et en essayant de mettre en valeur toute l'énergie mystique de notre religion.