En octobre 2001, un accord de partenariat est conclu entre l'entreprise familiale Djurdjura et la multinationale Danone des produits laitiers frais. Cinq ans plus tard, soit en juin dernier, le groupe français rachète 44% de parts aux Batouche, propriétaires de Djurdjura, et porte ainsi son actionnariat à hauteur de 95% contre une part marginale de 5% pour l'entreprise locale. Pourquoi et comment une alliance à parts presque égales a évolué en cet intervalle de temps en une absorption quasi-parfaite ? Chronique d'un partenariat inédit où, c'est une première, un privé local est « privatisé » par une multinationale. Rester à Akbou pour protéger l'emploi. « C'est en effet dans cette localité de Béjaïa distante de quelque 400 kilomètres d'Alger que Danone compte bien mettre sur pied sa deuxième usine. Il y a cinq ans, il y avait lancé sa première unité conjointement avec son partenaire local, l'entreprise Djurdjura. L'Algérien et le Français ont alors pu donner corps en octobre 2001 à un accord de partenariat pour le lancement d'une joint-venture (co-entreprise) avec une part de 51% pour Danone et 49% pour Djurdjura appartenant à la famille Batouche. Aujourd'hui, le leader français des produits laitiers frais est en train de mener les négociations avec les autorités locales à l'effet d'obtenir une assiette foncière sur laquelle il va bâtir sa nouvelle unité de fabrication de pots de yaourt. Prévue pour 2008, cette usine va lui permettre de doubler ses capacités de production dans un délai de quatre ans, nous a affirmés le DG, Paolo Maria Tafuri, au siège social de l'entreprise à Alger. Ainsi cinq ans après son entrée en Algérie, le groupe français de l'agroalimentaire semble avoir le vent en poupe et décide de laisser apparaître ses ambitions. Son cheminement sur le marché local ainsi que son évolution d'avec son partenaire Djurdjura nous offre à constater un cas singulier de partenariat. En effet, le cas d'exemple de ce mariage entre Danone et Djurdjura constitue en soi une première dans le catalogue algérien de mise en relation d'affaires entre une multinationale et une entreprise familiale. Quand en octobre 2001 les chemins du groupe Danone et de la Sarl Laiterie Djurdjura se sont rencontrés pour donner naissance à un partenariat algéro-français qui répond au nom de Danone Djurdjura, rien ne laissait présager de sa vie de couple. Pour Paolo Maria Tafuri, le groupe Danone a profité de la connaissance du marché dont jouit Djurdjura. Ce dernier a dû servir d'éclaireur. Car, selon lui, « si on ne connaît pas on risque de se faire mal ». Ainsi les deux partenaires ont chacun misé sur l'effet de compensation de l'autre. C'était donc la stratégie de rampe de lancement. L'alliance, née d'un besoin de complémentarité, est motivée par le fait suivant : « Les Batouche ont compris que l'expertise était côté Danone tandis que de l'autre, y avait connaissance du marché algérien. Ils nous ont permis de nous épargner beaucoup d'erreurs. La connaissance de la distribution », nous explique l'Italien Paolo Maria Tafuri. Cette stratégie propre à Danone-Djurdjura s'est avérée payante. Puisqu'en 5 ans, le chiffre d'affaires de l'entreprise a presque doublé. « Nous sommes passés de 40.000 t à près de 100.000 t par an », nous a-t-il déclaré. Notre interlocuteur est affirmatif : « Pour nous ça été une réussite, c'est une expérience de succès. » Et pour le partenaire Djurdjura ? Nos tentatives de les joindre sont restées vaines. En juin 2006, un grand événement au sein de l'actionnariat de cette co-entreprise crée la métamorphose. En effet Danone accapare presque la totalité des actions avec une part de 95% et Djurdjura 5%. Une évolution pour le moins surprenante du point de vue de la symbolique. Car en réalité, le groupe français fort de ses 51% des parts au départ était déjà en position de majorité au sein du conseil d'administration. Ce qui lui donnait ainsi le pouvoir de la décision. Pourquoi donc cette absorption ? Réponse du premier responsable de Danone-Djurdjura qui explique la stratégie de la multinationale dans le monde : quand le partenariat est solide, Danone souhaite « prendre le contrôle ». Le partenaire, lui, « souhaite rester dans l'entreprise » pour profiter de la croissance, a-t-il ajouté. Il s'agit ainsi rien moins que d'une « privatisation » d'une entreprise privée ou plutôt d'une quasi-absorption de l'entité locale qui ne dispose que d'une part marginale dans le portefeuille des actions. Ce résultat est-il finalement le couronnement naturel d'une vie en partenariat ? Le mariage en question a fonctionné tel les évolutions d'une vie de couple traversée par un moment de crispations. Un cas qui n'a pas épargné loin s'en faut, Danone-Djurdjura de l'aveu même de son DG actuel. Des perturbations dans les relations des partenaires sont effectivement apparues il y a quelques années quand Danone a voulu réinvestir la totalité des bénéfices de la co-entreprise. « Les prévisions de Danone étaient trop fortes. Danone voulait réinvestir 100% des bénéfices ; les Batouche n'en voulaient pas. Finalement on a réinvesti une partie », nous a-t-il confirmé. Le partenaire local a-t-il fini par admettre, de guerre lasse, de laisser l'initiative au groupe français ? « Peut-être qu'il sait qu'il ne sera pas meilleur que Danone », ainsi que nous l'apprend non sans surprise Paolo Maria Tafuri. « Ou qu'il a préféré prendre de l'argent et… aller faire autre chose », a-t-il ajouté l'air sérieux. La cession des 44% parts de ses parts au profit de Danone est en tous cas à méditer tant il est vrai que l'entreprise a pendant toutes ces années enchaîné de bons résultats. Et ladite cession n'a pas été prévue dans le contrat de 2001. Il est à noter que les actions vendues par Djurdjura à Danone ont en tous cas pris de la valeur avec la croissance de l'entreprise. La valeur de l'action a en effet surenchéri. Ce qui fait un bon pactole donc au cédant.