La scène politique est aujourd'hui telle que nombre d'observateurs se demandent s'il y a encore une classe politique en mesure d'apporter la contradiction et de contribuer effectivement au débat national. Les partis sont les premiers à être montrés du doigt et à se retrouver au banc des accusés. Certains spécialistes des questions politiques iront plus loin jusqu'à s'interroger sur l'existence réelle ou non des partis. Certes, le catalogue du ministère de l'Intérieur fait état d'une longue liste des formations agréées. Mais sur le terrain, l'activité de celles-ci semble être menée sans tambour battant. Pourquoi cette léthargie ? L'opposition est-elle vraiment laminée ou subsiste-t-elle encore ? Peut-on parler d'absence des partis de la scène politique ? Sinon qui est responsable de cette passivité politique et de l'absence de débat démocratique ? Les partis qui s'inscrivent dans l'opposition démocratique, du moins les plus influents, n'hésitent pas à faire porter le chapeau au régime en place, avec, bien entendu, leurs approches différentes. Le FFS, qui ne siège plus au Parlement, n'en dément pas la réalité. « Il y a quelque part une responsabilité des partis, mais elle est marginale. D'un côté, l'Algérie est en train de mener des réformes à tous les niveaux. De l'autre, le Pouvoir ferme tous les espaces de liberté d'expression. Chose qui ne touche pas seulement les partis, mais aussi les syndicats autonomes et autres associations », atteste le nouveau premier secrétaire du FFS, Ali Laskri. Pour lui, il est, certes, plus facile de pointer son doigt vers les formations politiques. Mais il se demande sur la même lancée : « Comment les partis peuvent-ils activer dans un environnement bureaucratique où l'on fait encore des mains et des pieds pour arracher une autorisation à même de pouvoir animer une conférence-débat dans n'importe quelle salle publique ? » A ses yeux, le plus urgent est de « faire réhabiliter le politique ». Pour y arriver, les hommes politiques « doivent d'abord être crédibles ». Cependant, le n°2 du FFS estime que son parti active, tant bien que mal, et essaie de contribuer au débat national en organisant des conférences-débats sur les questions sociales en Algérie. Et c'est du fait de l'absence d'un contre-pouvoir, dira-t-il, que « le gouvernement ne tend pas l'oreille aux autres acteurs de la scène politique ». Le RCD refuse qu'on lui reproche de n'avoir pas participé à l'animation de la scène politique sur les lancinantes questions d'actualité. « Le RCD est l'animateur principal de tous les débats, que ce soit sur le code de la famille, les réformes économiques ou encore sur les conditions sociales dans lesquelles vivent la plupart des Algériens. Nous avons toujours été des avant-gardistes », précise Djamel Ferdjellah, premier vice-président du parti. Mais il refuse que le RCD vienne au secours du président Bouteflika face à ses alliés. « Nous sommes pour l'abrogation du code de la famille, certes, car il s'agit de l'une de nos revendications qui remonte à 1989. Nous parlerons lorsque nous le jugerons nécessaire », ajoute-t-il. Loin de se tromper, l'opposition, souligne-t-il, est « réduite à néant ». Ce qui est dû essentiellement au « verrouillage effarant » des médias publics à toute forme d'expression politique libre. La classe politique est, pour le MDS, « en obsolescence ». « Elle est tétanisée, incapable d'agir sur la scène politique. Les partis sont en crise interne, et surtout en déphasage avec la réalité sociale. » Pour le secrétaire général par intérim, Hocine Ali, il y a face à cette crise « une société qui persévère et continue à se battre pour ses droits ». Mais comment faire face à cette situation d'inertie ? Le secrétaire général du MDS rejette la problématique de la « refondation totale de la classe politique ». Selon lui, il n'y a pas de véritables partis politiques : « Le peu qu'il y a subit actuellement des pressions, tandis que le FLN et le RND, appareils par excellence de l'Etat, servent le cercle au Pouvoir. » Le Parti des travailleurs (PT) estime, quant à lui, qu'il est présent sur la scène politique, non sans difficulté sur le terrain. Pour le parti de Louisa Hanoune, le maintien de l'état d'urgence pose des aléas énormes pour l'activité partisane et limite le champ d'action des partis. C'est ce qui a d'ailleurs poussé certains partis à « l'hibernation ». Les partis islamistes, le MSP et El Islah, suivent et respectent leur agenda. Ils estiment qu'ils accomplissent quotidiennement leur rôle politique, se référant à leurs multiples sorties et rencontres-débats, particulièrement sur le code de la famille, qui ont émaillé la scène politico-médiatique ces dernières semaines. « Notre attention est rivée sur les préparatifs du congrès qui aura lieu bientôt », indique Djamel Benabdeslam, chargé de la communication au parti de Abdallah Djaballah. Quant au MSP, acteur de la troïka présidentielle et membre du gouvernement, il se voit dans la peau d'un meneur de jeu. Conforté par sa position au sein du régime, il dira que son parti « est en mouvement permanent ». « C'est la couverture médiatique qui manque, car il n'y a aucune entrave pour l'activité politique », souligne Abderazak Mokri, cadre de ce parti.