Deux semaines après l'ouverture de la campagne électorale et à la veille de sa clôture, il semble bien que l'opinion nationale — et dans une moindre mesure internationale — n'a pas vraiment été tentée par un engouement, voire un quelconque enthousiasme suscité par la chose politique, plus spécialement le discours politique développé par les uns et les autres en rapport avec l'échéance présidentielle de jeudi prochain. Si avant le début de cette campagne, nombre d'observateurs pronostiquaient déjà que les jeux sont faits par ce même système de déséquilibre sur la scène politique entre les compétiteurs annoncés, il s'avère aujourd'hui, hélas, qu'en matière de personnel politique de haute stature, l'Algérie est trop sérieusement affaiblie pour que la tendance puisse être renversée, alors que la campagne tire à sa fin. Le ton reste monotone, le langage emphatique. Les séquelles des années du parti unique continuent-elles à cimenter les horizons ? Le programme de Ahd 54 du candidat Fawzi Rebaïne n'apporte rien de plus nouveau qu'on ne connaît, depuis que le pays est indépendant et souverain. Quand ce programme définit la cellule familiale comme “le socle de la société, sa structure de base”, ou que le mouvement associatif nécessite une refonte “sur des bases qui répondent à la préoccupation citoyenne”, ou bien que l'état des lieux sur le système d'enseignement et de formation se résume à une seule phrase vague qui constate qu'il y a eu “diverses réformes et ajustements qui ont conduit à la dévalorisation du niveau de formation…”, ce programme demeure, dans sa globalité en vérité, loin des exigences avérées et urgentes du monde contemporain. Or, il s'agirait bien de présenter plutôt aux Algériens des solutions-clés qui collent précisément aux préoccupations citoyennes : le pouvoir d'achat, l'emploi, le logement, la santé, l'enseignement, les loisirs ! Tous les hommes politiques sont d'accord sur ces éléments qui, mis bout à bout, devraient chaque fois constituer le centre de préoccupation de ceux ou de celles qui aspirent à être des élus du peuple. Ici en Algérie et ailleurs. Dans ce contexte, quand Moussa Touati parle de “pouvoir qui doit revenir au peuple”, s'il n'a pas tout à fait choisi un concept entièrement neuf, il s'engage en outre dans un débat à n'en plus finir sur “qui est le peuple ?” “d'où provient le pouvoir ?” etc., c'est-à-dire dans un débat quasiment philosophique ou à la limite démagogique qui l'éloigne des vérités qu'attendent de lui des citoyens préoccupés par des soucis plus terre à terre, et que le candidat Touati élude volontairement ou non. Par ailleurs, la dévalorisation de la conduite en politique, entamée par le parti unique par le moyen d'un langage unique et de l'opportunisme tous azimuts durant de longues décennies, a fait le vide et développé des habitudes qui s'expriment encore en masse aujourd'hui. Les partisans de l'élection de Bouteflika ne sont pas ainsi tous logés à la même enseigne, et d'aucuns manifestent leur sympathie par tous les moyens possibles et imaginables jusqu'à contribuer, en fin de compte, plus à desservir le candidat et à gêner toutes les marges de manœuvre du staff de campagne de Bouteflika que d'apporter une contribution sereine et intelligente. Nombre d'observateurs ont pu s'apercevoir très vite que des soutiens se sont constitués à cet effet partout, spontanément pour certains, réfléchis et politiquement mesurés pour d'autres. Tout cela amène forcément à penser, également, qu'une action novatrice en politique, au demeurant propre à l'évolution du courant d'échanges régional et mondial, est encore à faire en Algérie en vérité. Car il ne s'agit rien d'autre que de se débarrasser de cette routine qui consiste à dire la même chose depuis des dizaines d'années, comme si le personnel politique algérien, toutes tendances confondues et à quelques rares exceptions près, appréhende indéfiniment de poser les vrais problèmes, au plan stratégique : la prédominance des recettes en hydrocarbures dans l'économie nationale et les perspectives à moyen et à long terme, l'intégration du pays dans un ensemble magrébin, régional, et dans le processus de la mondialisation, la privatisation, etc., et au plan microéconomique : la sectorisation des vecteurs les plus performants, le rôle d'autres facteurs de croissance tels que le tourisme, l'artisanat… Partant de là, il est clair que les discours sur la scène politique, cette fois aussi pour la plupart des candidats qui se sont engagés dans la course électorale, peuvent paraître manquer de prise en charge des réels problèmes qui se posent, et du plus urgent d'entre eux à l'heure présente : mobiliser les électeurs, non pas seulement pour une échéance réussie, déterminante pour l'avenir de l'Algérie, mais aussi pour faire de l'isoloir le meilleur endroit de pouvoir dire son sentiment. ZOUBIR FERROUKHI