«Définitivement fermé» par l'ex-président Zeroual, ce dossier a connu le même traitement sous Bouteflika. La sortie médiatique de l'ancien président de la République, même si elle paraît conforme à ses positions sur la question de la décennie noire, n'en étonne pas moins nombre d'observateurs du fait qu'elle va à contre-courant des positions du chef de l'Etat, notamment sur le sujet relatif au parti dissous. Intronisé officieusement comme parrain de la réconciliation nationale par la présidence de la République, Ahmed Ben Bella semble jaloux de son indépendance, puisqu'il ne cherche même pas à faire évoluer son discours dans le sens de celui développé par les sphères officielles de l'Etat. Ainsi, l'ancien président ressort le dossier de l'ex-FIS, mais avec la différence cette fois qu'il s'exprime en sa qualité d'homme actif sur la scène politique nationale par rapport à l'un des dossiers les plus importants du second quinquennat de Bouteflika. A ce titre, les propos de Ahmed Ben Bella ne peuvent en aucun cas passer inaperçus et contiennent leur lot de polémiques qui ne manquera sans doute pas d'éclater dans les tout prochains jours. En effet, la remise sur le tapis du dossier du parti dissous est de nature à susciter les réactions les plus diverses. Et pour cause, «définitivement fermé» par l'ancien président Liamine Zeroual, dans le milieu des années 90, ce dossier qui a lourdement pesé sur la scène nationale, a connu le même traitement sous la première mandature de Bouteflika qui a réaffirmé la détermination des sphères dirigeantes quant à leur refus catégorique de voir un tel parti réinvestir le terrain sous quelque forme que ce soit. Dans ses multiples discours, depuis la mise en branle de la démarche de réconciliation nationale, le président de la République a clairement affiché la couleur. Pour Bouteflika, ceux qui, par leurs discours, ont jeté de l'huile sur le feu, ont certes le droit de vivre dans leur pays, mais cela ne leur donne pas le droit à une activité publique. D'ailleurs, le fait que Ali Benhadj et Abassi Madani n'aient bénéficié d'aucune mesure de grâce durant tout le temps de leur peine, est en soi révélateur d'une convergence de vues en haut lieu sur la gestion de la question de l'ex-FIS. Cependant, avec la déclaration de Ahmed Ben Bella, le consensus semble rompu, à moins que l'ancien président ne bénéficie pas du soutien des instances dirigeantes du pays, sur cet aspect précisément. Cela dit, la théorie sur le partage des rôles est également recevable, au sens où le discours de Ben Bella est destiné à une consommation étrangère, histoire de donner toute sa crédibilité au personnage qui, rappelons-le, a participé au conclave de Sant'Egidio, lequel a débouché sur le Contrat de Rome qui préconise une réhabilitation de l'ex-FIS, comme condition sine qua non à toute sortie de crise. En tenant ce genre de propos, l'ancien président de la République montre une grande liberté de mouvement dans l'action qu'il mène pour le compte de la réconciliation nationale. Une action menée, par ailleurs, par d'autres acteurs, résolument opposés au retour de l'ex-FIS à l'activité politique, à l'image de Ahmed Ouyahia et ses compagnons au sein du RND, ainsi que d'autres associations de victimes de terrorisme. Ce qui pourrait passer pour une contradiction profonde au sein même de la famille «réconciliatrice», servira, au contraire, les desseins de la présidence de la République qui, à travers un «débat contradictoire», pourra brasser large au niveau de toute la classe politique, laquelle sera présente, toutes sensibilités confondues, dans la démarche de la réconciliation nationale.