Ils sont plus d'une dizaine de ministres, d'anciens ministres et de hauts fonctionnaires de l'Etat à effectuer en ce moment le pèlerinage aux Lieux Saints de l'Islam. Nous avons été surpris hier de croiser dans les escaliers du siège de la mission algérienne à La Mecque, à la rue El Ghaza, Amar Ghoul, notre ministre des Travaux publics, en tenue de pèlerin. Le ministre était flanqué de Son Excellence l'ambassadeur d'Algérie en Arabie Saoudite, Lahbib Adami, qui n'est autre que l'ancien président du mouvement islamiste Ennahda. Le « hamasiste » et le « nahdiste », qui ne partageaient pas grand-chose en tant qu'acteurs politiques, semblent revenir à de meilleurs sentiments. Si le premier est ministre depuis trois années au moins, l'autre est également ambassadeur d'un pays qui abrite les Lieux Saints de l'Islam. La Mecque a donc cette magie de réconcilier ceux que la politique a longtemps séparé. Et à La Mecque, il n'y a pas que Amar Ghoul. Le cabinet de Abdelaziz Belkhadem peut allégrement se réunir presque au complet ici à La Mecque, tout au moins un conseil interministériel. On y trouve le ministre des Finances et le grand argentier du pays Mourad Medelci, le ministre des Moudjahidine Chérif Abbas, le ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication Boudjemaâ Haïchour, le ministre de la Pêche Smaïl Mimoun et bien sûr le ministre des Affaires religieuses Bouabdallah Ghlamallah. Certaines indiscrétions évoquent même l'arrivée « imminente » de Belkhadem. Le chef du MSP, Bouguerra Soltani, a, quant à lui, élu domicile à La Mecque depuis quelques jours déjà, mais loin des regards… Quelques mauvaises langues ici au siège de la mission n'ont pas hésité à faire le parallèle entre les histoires de corruption évoquées récemment en Algérie et cette arrivée en « masse » de ministres en exercice aux Lieux Saints pour se purifier le corps et l'esprit. Il faut cependant noter que les ministres issus du MSP et d'Ennahda sont assidus du pèlerinage. « De toute façon, ce n'est le ministère qui les prend en charge, ils ont dû payer leur place… », assure un cadre de la mission. Nos ministres, qui bénéficient d'un quota de passeports hadj, sont donc venus de leurs propres moyens. Il y a aussi quelque 41 personnes envoyées par le président de la République pour accomplir le hadj, tous frais payés. Cette liste dont les noms ne sont pas rendus publics comprend des sportifs, des hommes politiques, des artistes... Jusqu'à hier, nous avons rencontré l'ex-ministre de la Communication, Mahieddine Amimour, qui réside à l'hôtel de la mission algérienne. Il partage le même palier avec Kamel Alioui, le SG de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA). Dans le même hôtel résident également quelques figures connues de la protesta dont le mouvement El Islah de Djaballah. Il est question notamment du très médiatique Mohamed Boulahia qui anime le front anti-Djaballah venu ici se « ressourcer » avant de décider s'il doit regagner les rangs d'El Islah ou les quitter définitivement. Mais aussi, la grande curiosité aura été incontestablement la présence du directeur général de l'APS, Nacer Mhal, qui arborait fièrement hier son « abaya » marocaine marron et chaussait des babouches de même couleur. C'est dire qu'impossible n'est vraiment pas algérien. D'autres figures plus ou moins connues du landernau politique algérien profitent de ce hadj pour se remettre en question ou carrément faire le grand écart… !