Trente-cinq mille Algériens effectuent actuellement le pèlerinage aux Lieux saints de l'Islam, dans des conditions assez décentes. La majorité d'entre eux pour la première fois. Makka accueille, cette année, plus de 4 millions d'hommes et de femmes venus des cinq continents — le chiffre pourrait être revu à la hausse compte tenu des arrivées massives — à l'aéroport international de Djeddah qui ne désemplit pas. La bureaucratie est si pesante ici que nous avons passé la nuit dans l'enceinte, ballottés entre un service et un autre à la recherche d'un hypothétique cachet… C'est simple, nous avons accompli la prière d'El-Fedjr (aurore) à quelques mètres du tarmac, superbement ignorés par les uns et les autres. La lenteur de cette administration a même failli déclencher un incident diplomatique mardi dernier à l'arrivée du ministre des Affaires religieuses, contraint lui aussi de subir la longue attente. M. Bouabdallah Ghoullamallah a d'ailleurs réuni mercredi, après la prière d'El-Aâsr, à l'hôtel Koussour-Dahabia, les personnalités religieuses pour les instruire d'inviter les pèlerins à prier à la mémoire des victimes des derniers attentats terroristes. Dans ce même cadre, les membres de la mission religieuse chargés des fatwas se sont réunis au siège de la biâtha et ont adopté une déclaration dans laquelle ils appellent les pèlerins algériens à renouveler leurs prières sur le mont Arafat. S'agissant de l'organisation de la prise en charge des pèlerins, la mission s'est scindée en plusieurs cellules qui opèrent à Djeddah, à Médine et surtout à Makka, où elles doivent, en principe, loger, encadrer et orienter nos concitoyens, tâche ingrate et pas toujours facile. Les 750 bénévoles et permanents affectés à ce travail sont d'ailleurs largement dépassés par la complexité des problèmes qui se posent chaque jour sur le terrain. Cela va du vieux pèlerin qui a perdu ses compagnons après le Tawaf de la Kaâba et que ramène un policier au siège de la mission, à celui qui a perdu sa clé d'hôtel ou qui ne retrouve pas son chemin, en passant par la hadja qui perd connaissance dans une rue dans cette incroyable mégapole, jusqu'au pèlerin qui vient pleurer parce qu'on lui a annoncé la mort de son épouse au pays. Les morchidate, à l'accent prononcé de Annaba, l'entourent et tentent de le consoler, en vain. Sur le plan sanitaire, il faut signaler quatre décès et l'évacuation dans une semaine d'au moins huit personnes pour des raisons de santé… mentale. Les médecins et les membres de la mission religieuse vont décider, en effet, si oui ou non il leur sera permis de continuer leur pèlerinage conformément aux préceptes de l'Islam. Une remarque cependant, et qui nous a même été faite par les Saoudiens : nos pèlerins pour la plupart sont âgés et parfois malades. Conséquence : ils se repèrent si difficilement qu'ils perdent le sens de l'orientation. Tous ne sont pas accompagnés par de proches comme le voudrait le simple bon sens, ils sont donc livrés à eux-mêmes et aux aléas de la rue. On devrait sérieusement réfléchir à la question. La mission a recensé plus de 700 cas de ce genre. Quant aux hôtels où logent nos compatriotes, à six par chambre, la promiscuité ajoutée aux grosses chaleurs ont conduit à des situations invraisemblables en ce qui concerne la vie commune. Indépendamment de ces petits soucis passagers que l'on commence à gérer et à régler entre pèlerins, nos compatriotes se portent bien pour l'instant. Ils s'organisent. Enfin, notre mission serait bien avisée si elle tournait un peu plus souvent dans les centres de vie de nos pèlerins. Elle pourrait résoudre des malentendus qui éviteraient des faux problèmes. Une mort “miraculeuse” Parmi les quatre morts recensés chez notre communauté, l'une des victimes avait souhaité de son vivant mourir à La Mecque. C'est l'histoire de deux frères, des Algérois, en pèlerinage. L'aîné avait proposé à son cadet de partager leurs biens à leur retour au pays. Il rêvait en effet de s'installer définitivement dans la ville sainte. Dieu l'a entendu. Il a exaucé son vœu. Il est mort en priant à El-Masdjid El-Harram… M. M.