L'exécution de Saddam Hussein dans des conditions et des circonstances qui restent largement contestables est de nature à exercer une onde de choc. Pas seulement dans le monde arabe, mais à l'égard des Etats-Unis dont personne ne peut croire qu'ils ne sont pas impliqués dans la sentence de mort contre l'ex-président irakien. La pendaison de Saddam Hussein risque de raviver un courant de ressentiment et peut-être plus contre l'Amérique qui continue à fouler au pied le principe de souveraineté des nations et les règles de droit. De ce point de vue, l'histoire contemporaine ne peut pas avoir la mémoire courte sur un certain nombre de faits qui renseignent sur l'irruption calamiteuse des Etats-Unis dans un certain nombre de régions du monde. Les précédents ne manquent pas pour illustrer la conception interventionniste désastreuse de l'Amérique dans les affaires intérieures de pays tiers dès lors qu'elle juge unilatéralement que sa sécurité est menacée. Les disparitions violentes de Maurice Bishop, qui fut Premier ministre de Grenade, de Salvador Allende, président socialiste élu du Chili, l'enlèvement rocambolesque du chef d'Etat panaméen, Raoul Noriega, témoignent de la brutalité expéditive de la méthodologie américaine. Le plus inquiétant est que cette grande nation qui entend étalonner la démocratie à sa mesure considère que ceux qui ne sont pas avec elle sont donc contre elle. Une vision réductrice des rapports entre les nations. Les peuples sont seuls aptes à traiter leurs affaires intérieures hors de toute emprise hégémonique de puissances étrangères. Le sort réservé à l'ancien président irakien aurait été différent si l'Administration américaine avait aidé à instaurer de la mesure dans un pays livré à la tourmente depuis qu'il a été envahi en 2003. Le président George W. Bush porte une responsabilité morale dans la liquidation sommaire de l'ex-président irakien qui n'a pu avoir lieu qu'avec son assentiment. Il ne pouvait pas faire comme si les affaires de l'Irak ne le concernaient pas alors que le monde entier sait qu'il endosse l'occupation militaire de ce pays si grandement éloigné de l'Amérique. Il y a dans cette exécution commandée à distance, une dimension effarante de cruauté mentale et une posture malsaine de voyeurisme. Pourtant, la mort de Saddam Hussein produit l'effet inverse de celui cherché par ceux qui l'ont ordonnée. Sans doute l'exécution de Saddam Hussein, prévue pour être une humiliation supplémentaire, aurait-elle été différée s'il était avéré par avance que l'ex-président irakien y ferait face somme toute avec courage et dignité. Et surtout que cette exécution susciterait un élan d'indignation et de compassion. Saddam Hussein a, d'une certaine manière, racheté sa vie par sa mort. A telle enseigne que les opinions publiques en sont arrivées à se demander qui, dans la tragique affaire irakienne, sont les victimes et qui sont les bourreaux.