Une année de travail a suffi à la Gendarmerie nationale pour se rendre à l'évidence : le patrimoine culturel matériel national est à l'abandon, livré au pillage. Le premier bilan des cellules chargées de la protection de ce patrimoine, créées officiellement par ce corps de sécurité en juillet 2005, fait état d'atteintes aux sites historiques et de trafic de pièces archéologiques. Les exposés présentés, hier, par les chefs de ces structures, au siège du Groupement de la gendarmerie d'Alger, sont formels : les sites anciens, même classés comme patrimoine national ou mondial, ne bénéficient d'aucune protection. Le problème se pose surtout dans les régions du Sud. Le commandement régional de Tamanrasset a relevé, à cet effet, le vol de sable et de pierres dans le site classé du Tassili. Il a été enregistré également des inscriptions (graffitis) sur des gravures préhistoriques. Ces dernières font l'objet de pillage par des touristes, notamment. La cellule de Ouargla, dont le champ de compétence englobe 6 wilayas, a noté un autre type d'infraction : les pièces archéologiques sont proposées à la vente dans les kiosques et les magasins de la ville de Ouargla. Selon le chef de cette unité, le fort Morand de Laghouat est dans un état de laisser-aller. « Une antenne relais, appartenant au réseau de Djezzy, a été placée sur ce fort. Un logement y a été aménagé pour le gardien. Il est difficile de savoir qui a donné l'autorisation pour effectuer cette installation qui date de 2002. On ne cesse de saisir le ministère de la Culture afin qu'il réagisse, mais sans résultat », se désole-t-il. Le travail de la cellule de Constantine (15 wilayas) a permis la récupération de 544 pièces archéologiques durant l'année dernière. Cette région du pays abrite de nombreux sites historiques de renommée mondiale, tels que El Djamila (Sétif) et Timgad (Batna). « L'importance » de ces lieux de mémoire n'a pas convaincu pour autant les pouvoirs publics et la société civile à œuvrer dans le sens de leur préservation. Résultat : la population locale considère ces ruines comme de simples carrières. Elle y puise de la pierre pour la construction d'habitations, parfois situées dans le même périmètre. Le bilan global dressé par les 4 cellules (Constantine, Oran, Ouargla et Tamanrasset) mentionne la récupération de 1031 pièces archéologiques et 96 pièces de monnaie. Un résultat « positif », se réjouit le lieutenant-colonel Bakhti Boudraâ, de l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) implanté à Bouchaoui (Alger). « Le travail annuel de ces unités dépasse ce qui a été fait par les structures du ministère de la Culture entre 1994 et 2004 quant à la protection du patrimoine archéologique », fait-il remarquer. Les cellules ont été créées suite à un accord entre le ministère de la Défense et celui de la Culture. La référence juridique est la loi n°98-04 du 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel. Leur effectif est cependant réduit à 3 éléments par unité (12 en tout). Trois autres structures seront créées cette année pour « une protection suffisante des sites archéologiques répartis à travers le territoire national ». Une carte archéologique nationale, fait-on savoir, est en cours d'élaboration.