Qu'est-ce qu'il y a de plus lamentable quand, en pleine fête du patrimoine, les autorités chargées de la protections des sites historiques crient au gâchis ? La clôture du mois du patrimoine qui a eu lieu sans bruit le 18 mai dernier, a, en revanche, permis quelques constats aussi navrants que dangereux. Cette année, ce rendez-vous patrimonial est complètement passé inaperçu. Ni émission spéciale, ni rencontre inédite, ni visite sur site, ni conférences, ni débats non rythmés ce mois habituellement présenté sous toutes ses coutures. Hormis quelques rendez-vous plastiques au Musée national des beaux arts, le reste des sites sont restés bizarrement silencieux. Et la “ totale ” est venue du commandant Abdelhamid Kerroud, adjoint-chef de la cellule de communication auprès de la Gendarmerie nationale, qui a, pour la première fois, donné l'alarme quant à l'état des lieux de nos sites, appelé dans le jargon patrimonial, le patrimoine immatériel. Ce dernier, chargé de faire des inspections voire d'établir la protection des ces sites, a révélé la semaine dernière que de nombreux sites classés patrimoine culturel et historique, national ou mondial, ou non encore classés à travers le pays, sont à l'abandon. Pis encore, selon ce responsable, d'autres sites se trouvent dans un état de dégradation très avancée. Plusieurs de ces sites ont été répertoriés, comme “ laissés à l'abandon ”, par les éléments des cellules de la Gendarmerie nationale, chargées de la protection du patrimoine culturel et historique, à l'exemple d'un site “ archéologique à Laghouat et sur lequel un opérateur téléphonique a installé une antenne de transmission” indique-t-on. Le site de Sidi Mekhlouf à Oued El Hashaya, classé patrimoine national depuis 1982, a été inventorié, quant à lui, par les éléments de ces cellules, comme étant en état de dégradation, sans entretien et sur lequel plusieurs graffitis sont inscrits. Dans la wilaya d'Oran, les éléments des cellules chargées de protéger le patrimoine culturel et historique ont dû intervenir pour arrêter la construction, par un citoyen ayant bénéficié de surcroît d'un permis de construire, d'un complexe touristique dans la ville d'El Bounikia, classée site archéologique national. Après des fouilles et une expertise par les éléments des cellules, des restes d'ossements humains, de la poterie antique et diverses pièces archéologiques ont été découverts sur ce terrain. A Tlemcen, les gendarmes ont pu, également, récupérer la stèle funèbre de Suleymane Abdallah El-Kamel, frère d'Idriss Premier, fondateur de la dynastie idrisside, une semaine après son vol de la commune de Chetouane. Les pilleurs de cette stèle funéraire, a-t-il dit, l'avaient remplacée par une autre contrefaite. Il a fait savoir que les cellules de la Gendarmerie nationale, au nombre de quatre, réparties à l'échelle régionale (Constantine, Oran, Ouargla et Tamanrasset), ont été créées en 2005 pour établir, notamment un inventaire de tout le patrimoine culturel et historique du pays. Le responsable a précisé que ces cellules ont relevé, sur plusieurs sites, des pans entiers de murs et des colonnes pillés pour servir, selon lui, à décorer des villas appartenant à des particuliers, et constaté des écritures et gribouillis sur de nombreuses fresques. Nous ne pouvons être qu'étonnés devant tant de décrépitude, alors que les responsables de la culture ont toujours été les premiers à proposer le classemnt de nos sites par l'UNESCO, sans pour autant que leur protection soit assurée. L'organisation onusienne n'a t- elle pas ôté le site historique de Tipasa de sa liste du patrimoine classé ? L'UNESCO avait envoyé un expert sur place qui a constaté de visu l'état de délabrement de cet unique espace qui est relativement visité, suite au rapport lamentable de cet expert, l'organisation onusienne avait décidé d'enlever carrément ce site de la liste mondiale du patrimoine classé. Une décision qui a donné des sueurs froides au département du patrimoine au niveau du ministère de la Culture, qui a, d'ailleurs, même, politisé cette affaire. Au point où en sont les choses, ont est même tenté de croire que des forces obscures s'en prennent à des pans de la mémoire collective, soit tout ce qui peut élever une contrée au rang d'une nation. Georges Bush n'a-t-il pas détruit la plus prestigieuse civilisation du Moyen-Age ?