Les autorités locales et centrales ne ratent aucune occasion pour mettre en relief « l'important effort financier » qui a été consenti par l'Etat en faveur de cette région martyre qui a beaucoup souffert du terrorisme et de la marginalisation. Qu'en est-il au juste ? Quel est l'impact de cette manne financière sur les conditions de vie des citoyens ? L'a-t-on bien utilisée et pour quel usage ? Autant de questions que se pose le commun des Chélifiens à travers la wilaya, où le taux de chômage est estimé officiellement à 25,20%. Officiellement, pour les cinq dernières années (de 2000 à 2005), les actions lancées au titre des différents programmes de développement ont englouti pas moins de 5700 milliards de centimes, selon les chiffres officiels. Ce montant ne tient pas compte, évidemment, des grands projets gérés directement par les ministères concernés, tels que le tronçon de l'autoroute Est-Ouest, les ouvrages hydrauliques et les stations de dessalement de l'eau de mer, lesquels font l'objet d'un financement centralisé. Il apparaît, donc, que l'enveloppe consacrée globalement à ce volet est largement supérieure aux chiffres communiqués par les autorités locales. Selon l'exécutif, tout cet argent a été réparti entre les différents secteurs ayant un lien direct avec la vie quotidienne des populations, notamment en matière d'hydraulique, d'agriculture, des routes, de santé, d'habitat, d'enseignement supérieur, d'éducation et de forêts. L'on énumère, à ce titre, une série de « grandes œuvres qui ont vu le jour depuis 2001 », date d'installation de l'actuel wali, tels l'aéroport, la trémie, la radio locale, le musée régional, le port de pêche d'El Marsa, le transfert des eaux du barrage vers le Nord et le lancement de 35 630 logements dont 12 000 ruraux. Il est fait état également de la réalisation d'un nouveau pôle universitaire à Ouled Farès et de l'agrandissement de la route du littoral et celle reliant Ténès au chef-lieu de wilaya. On attribue aussi à l'exécutif en place la relance d'un vieux projet consistant à éradiquer progressivement les 20 000 logements en préfabriqué réalisés suite au séisme d'octobre 1980. Cependant, pour beaucoup de Chélifiens, le budget colossal injecté dans le développement local est loin d'avoir produit l'effet escompté sur leurs conditions de vie. A El Marsa, par exemple, le nouveau port de pêche, lancé en 2002 dans le cadre du plan de soutien à la relance économique, traîne toujours en longueur et n'atteint qu'un taux de réalisation de 70%. De même, des disparités flagrantes persistent en matière de répartition de projets socio-économiques au niveau des villes et villages ; de nombreuses zones montagneuses, à l'image de Breira et de Beni Bouttab, continuent à sombrer dans l'oubli et la misère et il n'y a qu'à voir les réclamations quotidiennes de leurs habitants pour se rendre à l'évidence de l'ampleur de la détresse humaine. Les 15 000 habitations précaires érigées autour des chefs-lieux des communes, depuis l'apparition du terrorisme dans la région, demeurent toujours présentes, faute d'une prise en charge effective de ce problème. De nombreux douars demeurent ainsi désertés par leurs habitants depuis la décennie noire, car les projets d'accompagnement de leur retour tardent à être mis en œuvre. Selon les informations officielles en notre possession, seulement 6300 logements sociaux sur les 8400 mis à la disposition des APC, ces dernières années, ont pu être distribués à travers la wilaya. En plus de la crise du logement, la région est frappée également de plein fouet par le chômage galopant qui touche une bonne partie de la population. Les investissements privés lancés durant la période considérée se comptent sur les doigts d'une seule main pour des raisons bureaucratiques et d'indisponibilité foncière. La plupart des projets initiés et lancés dans ce cadre l'on été avant la venue du wali actuel, comme, par exemple, les unités de production de matériaux de construction et agroalimentaire. Les dix zones d'expansion touristique que compte le littoral, long de 120 km, sont laissées en jachère malgré l'engagement et les propositions de professionnels désireux y investir. Et comme un malheur ne vient jamais seul, les rares entreprises publiques encore en activité disparaissent l'une après l'autre, dans l'indifférence générale. A la veille des fêtes de l'Aïd El Adha, 97 travailleurs vacataires du secteur sanitaire de Chlef ont été mis à la porte au motif qu'il n'existe pas de postes budgétaires pour cette catégorie d'agents. 80 autres travailleurs appartenant à une filiale de la SNTR sont à leur tour menacés par le licenciement après la décision de l'administration locale de déloger leur entreprise du siège qu'elle occupe depuis plusieurs années. Aussi, devant le monopole exercé en matière d'attribution des marchés publics, beaucoup d'entreprises de réalisation ont dû quitter la région pour aller s'installer dans d'autres wilayas dont le « climat est favorable » dans ce domaine. Comme on le constate, l'argent à lui seul ne peut suffire s'il n'est pas utilisé à bon escient, de concert avec les élus et la société civile, et placé là où il le faut.