L'auteur refuse depuis des dizaines d'années de donner à Hollywood accès à son œuvre. La ténacité du producteur indépendant, Scott Steindorff, a porté ses fruits. Le film est actuellement en tournage à Carthagène des Indes, en Colombie, sous la direction du cinéaste anglais Mike Newell, le réalisateur de Quatre mariages et un enterrement (Four Weddings and a Funeral) et du plus récent épisode des aventures d'Harry Potter. Le scénario, signé Ronald Harwood qui a remporté l'oscar du meilleur scénario pour Le Pianiste, a été annoté de commentaire « caustique » par l'écrivain colombien. Deux acteurs solides, quoique inconnus en Amérique du Nord, ont aussi été choisis pour camper les deux personnages principaux, l'Espagnol Javier Bardem dans le rôle de Florentino et l'Italienne Giovanna Mezzogiorno dans celui de Fermina. Et ce qui n'était au départ une rumeur, vient de se confirmer : la sulfureuse chanteuse colombienne, Shakira, contribuera avec 3 chansons pour la bande originale du film, à la demande de Marquez en personne, selon une agence colombienne. Le film, première production étrangère d'envergure à être tourné dans cette ville symboliquement marquezienne, dont la sortie est prévue dans une année, a toutes les chances pour être un succès, d'autant qu'elle bénéficie d'un budget de 50 millions de dollars US. Cependant, le travail de Mike Newell n'est pas de tout repos. Et pour cause, en plus du défi climatique (100% d'humidité !), le réalisateur a la lourde tâche de porter à l'écran une œuvre foisonnante de personnages et de situations, riche en images et en métaphores, peuplée d'oiseaux qui chantent et d'humains qui volent, une œuvre, comme toutes les autres œuvres de Marquez, où chaque détail a sa magie… « La tapisserie de ses romans est si riche que si j'essayais de la capturer sur film, je ne réussirais jamais à sortir du tapis », affirme-t-il à l'agence AP. Celle-ci rapporte aussi le fait que l'écrivain prix Nobel de littérature en 1982 n'a pas été tenté de visiter le plateau de tournage et qu'il refuse systématiquement de commenter le projet. La réticence de Garcia Marquez face à ce projet est perçue comme un lien avec sa fascination de longue date avec le cinéma. L'agence souligne, à ce propos, ses nombreuses tentatives d'écriture de scénarios et sa création d'une école de formation pour jeunes cinéastes d'Amérique latine à Cuba. Mais la raison pourrait bien être ailleurs. Marquez entretient de tels liens avec ses romans et ses personnages qu'il préférerait, peut-être, garder de la distance lorsque d'autres personnes se penchent sur ses œuvres. Ou peut-être simplement qu'il n'arrive pas à concevoir et cerner ses romans sur écran… On peut aussi évoquer le fait que Garcia Marquez s'inspire de sa propre vie dans ses romans, en l'occurrence, L'Amour au temps du choléra est largement inspiré de l'histoire de sa grand-mère. Quoi qu'il en soit, le film, El amor en tiempos de la colera ou Love in the Time of Cholera, est très attendu. Si la production est consciente de l'importance de sa mission, elle n'ignore certainement pas qu'elle risque de se « planter »… Mais accordons-lui le bénéfice du doute.