« Pour faire un film, un bon film, il faut trois choses : 1- un scénario ; 2- un scénario ; 3- un scénario. » F. Fellini. (Extrait d'une conférence de presse) Comme pour l'année précédente, ce Ramadhan 2008, je me suis fais violence pour suivre en partie, nationalisme quand tu nous tiens, les feuilletons algériens programmés par l'ENTV. Comme pour l'année précédente, ce Ramadhan 2008, je me suis fais violence pour suivre en partie, nationalisme quand tu nous tiens, les feuilletons algériens programmés par l'ENTV. Au-delà de la démonopolisation du commerce de l'image télévisuelle, initiative très louable en soi car perçue comme un prélude à une libéralisation du champ audiovisuel, le recours à des producteurs privés aurait dû inciter nos amis (es) du 21 bd. des Martyrs à se prémunir au préalable d'un garde-fou : un cahier des charges strict fixant les normes cinématographiques universellement admises. La barre placée à cette hauteur, cela aurait non seulement honoré ses auteurs mais permis une réelle décantation de la profession. Les pseudos-producteurs et autres affairistes s'éliminant d'eux-mêmes ne resteront plus alors dans la course que ceux animés d'un réel désir d'investir dans l'industrie cinématographique, mais contraints ici de faire appel à des spécialistes du 7e art pour voir leurs œuvres dépasser l'étape du comité de lecture et recevoir l'aval de la télévision algérienne, leur seul client aujourd'hui, avant de se lancer. Maintenant s'il est vrai qu'un bon film est la résultante du travail de toute une équipe de spécialistes entourant un réalisateur et chargés, entre autres, de ces très importantes et indispensables tâches de préparation et d'accompagnement allant de l'étude du découpage technique du scénario en séquences et plans, de la définition du profil psychologique des personnages, de la distribution des rôles et de la direction artistique des acteurs lors du tournage, avec une parfaite maîtrise de toutes les règles de la dramaturgie, il n'en demeure pas moins que la pierre angulaire de tout l'édifice, cette pléiade de techniciens et d'artistes tournés vers le même objectif, reste évidemment la disponibilité d'un scénario bien ficelé ; sachant qu'une œuvre littéraire, aussi célèbre soit-elle, ne pouvant donner un bon film si au préalable elle n'a pas fait l'objet d'une véritable réécriture cinématographique. Cela étant, il est épisodiquement tenté de faire accroire la thèse selon laquelle le « marasme » dans lequel se débat aujourd'hui le cinéma algérien est dû à une crise de scénarios. Brèves rétrospectives sur le cinéma d'une manière générale, ou quelques flash-back pour rester dans le langage cinématographique et essayer de comprendre de quoi il retourne exactement. De S. M. Eisenstein à Victor Fleming et de Cecil B. DeMille à Mehboub Khan, pour ne citer que ceux-là, ces monstres sacrés du 7e art qui ont marqué des générations de cinéastes du monde entier et dont les œuvres constituent des monuments du cinéma russe, hollywoodien et indien, souvenons-nous du cuirassé Potemkine, d'Octobre, des Dix Commandements, d'Autant en emporte le vent, et enfin de Mangala fille des Indes et de Mother India, ces deux films cultes qui regroupent à eux seuls tous les particularismes du cinéma hindou, nous retrouvons toujours à la base de leur travail le même dénominateur commun : un scénario. Bien sûr, le cinéma a connu depuis cet âge d'or du 7e art, une extraordinaire évolution, un prestigieux bond en avant allant de pair avec les nouvelles technologies cinématographiques, et les techniciens ne connaissent plus les mêmes problèmes de montage ni les fameux rapports son/image qu'il fallait synchroniser. De la « Guerre des mondes », la célèbre émission radiophonique d'Orson Welles (1938) adaptée du roman d'H.G. Welles et portée à l'écran par Byron Haskin (1953), à la Guerre des étoiles de Georges Lucas (1977), le chemin parcouru est prodigieux, considérable. Des images classiques de la Guerre des mondes, intégrant déjà des trucages et des effets spéciaux, résultat du seul savoir-faire d'habiles techniciens, le cinéma de Georges Lucas, le cinéma d'aujourd'hui, alliant une technologie audiovisuelle de pointe à l'imaginaire avec l'inauguration d'une vogue d'effets spéciaux, est passé aux images synthétiques, aux images tridimensionnelles, pouvant ainsi se passer des décors et, dans un futur proche, des acteurs eux-mêmes ; construisant des mondes intemporels doués d'une cohérence sans faille jusque dans les moindres détails et créant un imaginaire véritable, faisant ainsi du film une sorte de féerie pyrotechnique pour adultes et enfants. Seul impondérable dans cette nouvelle vision du 7e art où la rentabilité, bien plus que la beauté de l'image et le message à transmettre, demeure l'un des tout premiers soucis des producteurs pour faire un film, un bon film, il faut toujours un scénario, comme l'a dit Fellini. Qu'en est-il du cinéma algérien ? A son apogée à la fin des années 1970 et au tout début des années 1980, il se présentait comme celui qui avait connu le plus grand nombre d'honneurs et de retentissements de l'ensemble du cinéma du tiers-monde, allant d'une Palme d'or au Festival de Cannes (1975) pour Chronique des années de braises à de prestigieux autres grands prix tels que Le lion d'or (1966) à la Biennale de Venise pour La Bataille d'Alger et l'Oscar du meilleur film étranger (1970) à Los Angeles pour Z, pour ne citer que ceux-là. Le tour de manivelle du premier film dit long métrage, Une si jeune paix, fut donné en 1964 par J. Charby sous la direction de M. Bouchouchi. Sous l'effet d'entraînement de ce nouveau vent de la liberté qui soufflait à l'époque sur tout le pays, où tous les secteurs d'activité fourmillaient, les chantiers culturels foisonnaient, le cinéma algérien venait de prendre son envol avec la seule volonté d'une poignée d'hommes, de véritables pionniers qu'on ne remerciera, qu'on n'honorera jamais assez. Evoluant dans un environnement infrastructurel favorable avec un réseau de 400 à 500 salles de cinéma et porté par un public connaisseur, critique, avide de culture et friand d'images nouvelles, le jeune cinéma algérien connut son âge d'or durant la décennie 1970 où la production nationale atteignait une moyenne de deux à trois films par an, avec des pics de neuf films en 1972 et cinq films en 1978. Dans ces chiffres, il n'est pas tenu compte des films coproduits ni des feuilletons télévisés, dont certains de hautes factures, mériteraient de voir leurs réalisateurs honorés, (même à titre posthume). Puis vinrent les années de plomb pour le cinéma algérien qui eut à subir de plein fouet la crise financière et économique de la décennie 1980. Comme si les coupes drastiques dans les budgets et les subventions ne suffisaient pas, on procéda au cours de cette même décade, « la décennie noire », à la privatisation de toutes les salles de cinéma, à la dissolution de l'ONCIC et son remplacement par le CAAIC, d'une part, et à la restructuration de la RTA en deux organismes distincts, l'ENTV et l'ENPA, d'autre part. Après les incertitudes et les lassitudes des années 1980, et comme un malheur ne vient jamais seul, durant la décennie 1990 où le pays eut à connaître de graves événements, le secteur audiovisuel, cible privilégiée, connut un véritable désarroi, une asphyxie quasi totale de tout le secteur, notamment par la dissolution à la fin de l'année 1997 du CAAIC et de l'ENPA, sans autre alternative et avec tout ce que cela comporte comme impacts négatifs sur le cinéma algérien. Les films produits se comptent sur les doigts de la main et ne sont dûs qu'au courage, à l'acharnement et à la ténacité de leur réalisateur. Rendons à cette occasion hommage à la naissance du cinéma d'expression berbère pour La Colline oubliée (1995), Machaho (1996), La Montagne de Baya (1997) et Mohand u M'hand (2004) ; des lueurs d'espoir dans un monde de grisaille. Sur un autre plan, les réserves et craintes formulées par l'ensemble de la profession lors de la privatisation des salles de cinéma se confirmèrent. Cédées à des affairistes intéressés uniquement par le gain facile, celles-ci se transformèrent dans le meilleur des cas en vidéothèques auxquelles on a adjoint de sordides gargotes, faisant fuir du coup les derniers amoureux du 7e art. Aujourd'hui, il y a urgence à récupérer, à rénover et à sauver la quarantaine de salles de cinéma qui subsistent. Ainsi donc, bien plus qu'une question de scénario, une technique d'écriture ou de réécriture cinématographique et d'adaptation de textes à l'écran, la crise que vit le cinéma algérien aujourd'hui paraît multiforme, multidimensionnelle et se mesure à l'aune des difficultés que connaissent certains autres secteurs dits sensibles. A l'aube de ce nouveau siècle, à la brume de cette décennie finissante, la qualité des quelques productions déjà réalisées, prémices d'une nouvelle génération de cinéastes ambitieux, chevronnés, d'un nouveau levain d'artistes passionnés, présage-t-elle aussi d'un nouveau départ, d'une renaissance du cinéma algérien ? L'auteur est Ecrivain-scénariste