Avec l'effondrement, en 1991, de l'empire soviétique, toute la chaîne énergétique, alors fortement centralisée et gérée directement par la haute direction politique du régime, a été totalement bouleversée. La dislocation qui s'en est suivie a donné lieu à une recomposition multi-Etats dans la production et la distribution au détriment de certaines Républiques. Pour sa part, la Russie a, malgré quelques insuffisances, reçu en héritage l'essentiel : les robinets d'alimentation qu'elle peut ouvrir ou fermer, à sa guise. Elle est décidée, aujourd'hui, à reprendre le plein contrôle sans partage de sa chaîne énergétique. Il lui faudra dans l'immédiat résoudre son différend avec la Biélorussie qui conteste une augmentation de prix du gaz que veut lui imposer Moscou : quadruplement du prix à 200 dollars les 1000 m3 au lieu de 46,70 dollars actuellement. Pour rappel, c'est à travers la Biélorussie que transite le gaz russe, à raison de 20% pour l'Europe. Pour l'heure, on joue à se faire peur : si la petite république ne cède pas, elle sera évidemment la première à en subir les conséquences et l'Europe ne recevra pas non plus de gaz. L'importance de l'enjeu est évidente et tout laisse supposer que Gazprom révisera à la baisse ses prétentions financières envers la Biélorussie. Rien ne s'opposera plus alors à la poursuite du processus engagé, notamment avec la « renationalisation » des gisements pétroliers et gaziers cédés à des firmes étrangères comme Ioukos, Sakhaline... Les actions menées tous azimuts tendent à asseoir la pleine autorité de Gazprom sur tout ce qui concerne la recherche, la production, le transport et la distribution des ressources énergétiques de l'Etat. Cela s'entend, bien sûr, des réserves, des infrastructures de transport, des gazoducs et oléoducs implantés chez les anciennes républiques soviétiques. Et qui passe par des concessions sur les augmentations de prix comme cela a été le cas, l'an dernier, dans le litige entre Moscou et Kiev qui s'est terminé par un accord autour de la gestion du réseau de gazoducs ukrainien à travers lequel transitent 80% du gaz à destination de l'Europe, désormais assurée par une entité russo-ukrainienne. Et si Gazprom reprenait Beltrange, il contrôlerait l'intégralité du réseau de gazoducs « jusqu'aux portes de l'Europe ». On imagine alors la formidable puissance russe. En ce qui concerne le pétrole, Moscou entend en contrôler tous les aspects. Par l'entreprise étatique Transneft, le transfert vers l'Europe s'effectue déjà à raison de 80%, le reste étant transporté par rails. La Russie dispose d'un quasi monopole sur l'évacuation de ses propres hydrocarbures et même sur ceux extraits en Asie centrale, malgré un récent litige avec l'Azerbaïdjan et la Turquie assimilé à un coup de canif pour l'instant. En plus de ces actions internes, Gazprom a lancé une vaste opération de prise de participation dans les réseaux nationaux de distribution en Europe : désormais seuls les pays qui acceptent de lui céder une partie de leur réseau gazier pourraient espérer participer au développement des formidables ressources énergétiques de la Russie. Avec l'Italie, un parfait accord : ENI investira 10 milliards de dollars en Russie avec Gazprom lequel a été autorisé au préalable à vendre son gaz directement en Italie. Dans le domaine de partenariat à usage interne, Gazprom n'acceptera pas systématiquement toutes les offres : il rejette celles qui lui paraissent insuffisantes. C'est ce qu'il vient de faire à propos du développement du gigantesque gisement de gaz de Chtokman dans la mer de Barents qu'il assurera seul. Il en est capable. Au moment de mettre sous presse, nous apprenons qu'un accord est intervenu entre la Russie et la Biélorussie relativement au prix de cession de gaz.