La manifestation « Alger, capitale de la culture arabe 2007 » a été inaugurée, hier, une troisième fois — après le défilé de jeudi et le gala de vendredi soir — au Palais des nations au Club des Pins, sur la côte ouest d'Alger. Ouverture marquée par le discours du chef de l'Etat, précédé par, d'abord, l'intervention de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui a remercié le président Bouteflika – « en qui Dieu a déposé sa sagesse et que Dieu le garde » —, dit-elle, d'avoir alloué un important budget à l'occasion de « Alger, capitale de la culture arabe », estimé à 5,5 milliards de dinars. S'ensuit l'intervention de Monji Bousnina, secrétaire général de l'Organisation arabe pour l'éducation, la culture et les sciences (Alecso), qui appelle « tous les pays arabes à participer » à cette manifestation, deux jours après son ouverture. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, appelle, quant à lui, à faire face aux « attaques contre la culture arabe et l'Islam » en mobilisant « la rationalité, la sagesse, la modernité ». Le président Bouteflika, dont l'entrée en salle provoque applaudissements et youyous, réussit à parler des défis de la culture et de l'identité arabes sans s'attarder sur les crises que subissent la Palestine, l'Irak, le Liban, la Somalie et le Soudan. Le président se contente de déclarer, pour évoquer le réveil des extrémismes dans le monde arabe et musulman, que « l'indignation face à l'aggravation des violations des droits humains les plus élémentaires des Palestiniens et aux multiples agressions étrangères perpétrées au Moyen-Orient ont intensifié dans le monde arabe une radicalisation des mentalités peu propice à l'épanouissement culturel ». Abdelaziz Bouteflika expose trois équations : « Culture arabe-identité », « culture arabe-mondialisation » et « culture arabe-liberté ». Sur ce dernier volet, il cite l'apport d'Apulée Madaure, ce berbère du IIe siècle après J.-C. considéré comme le premier romancier de l'histoire et Mouloud Mammeri : « Le verbe ailé du poète qui échappe à la règle imposée ». Mais peut-on parler de liberté de création dans le monde arabe lorsque les créateurs font face à la censure et à l'auto-censure au sein d'Etats ou de Royaumes peu respectueux des droits et libertés ? Colonialisme, culture et langue Le Président ne va pas jusque-là. Sur un autre registre, Bouteflika revient sur la thématique anticoloniale : « L'occupation coloniale mit un terme à cette ouverture (l'ouverture de l'Algérie sur les cultures arabes d'est en ouest du bassin méditerranéen) et s'attela à éradiquer notre culture nationale, selon un processus répressif décrit avec une grande lucidité par Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre ». L'idée de « génocide identitaire », lancée par lui l'an dernier, refait ici surface. Mais M. Bouteflika insiste sur le distinguo entre le colonialisme français et la culture, la langue française. « Nous nous sommes réjouis de l'élection à l'Académie française de Assia Djebbar, dont nous apprécions hautement la contribution à l'universalisation de notre culture, exprimée dans la langue de Voltaire, mais avec l'Algérie dans l'âme », a dit le Président. Concluant, il propose plusieurs chantiers culturels comme la réédition du Festival du roman à Alger ou l'instauration de prix au niveau de la région arabe ou au niveau national avec une participation du secteur privé. Le Président salue la décision de la Ligue arabe de créer un Centre arabe de traduction dont le siège est à Alger. Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis, présent dans la salle, Robert Stephen Ford, prend note en arabe. Sans casque de traduction. Mme Toumi annonce le projet conjoint avec le ministère de l'Intérieur de doter chaque commune d'une bibliothèque. Jusqu'en 2009, date de fin de mandat de l'actuel Président. Ne serait-il pas plus judicieux d'assurer l'approvisionnement en ouvrages des bibliothèques communales déjà existantes ? Séance levée. Les ministres ont déjà été assaillis par les questions des journalistes avant le discours. « Ils ont beaucoup plus parlé de l'affaire Khalifa avec les ministres que de culture », commente Azzedine Mihoubi, DG de la Radio nationale. Maintenant, les ministres cherchent une issue au milieu de la foule pour quitter la salle de conférences. On remarque l'absence du DG de l'ENTV, Hamraoui Habib Chawki. Le président Bouteflika reçoit Amr Moussa en audience. On ouvre le banquet. Pas pour tout le monde. Il y a foule. Avant le déjeuner, le hall du Palais des nations sert d'aire de rencontres. Une troupe folklorique de Tébessa, ayant aussi assisté au discours avec d'autres troupes, improvise un spectacle dans le même espace, appuyée par des danseuses mauritaniennes. Sid Ali Kouiret cool, El Hadja Zahouania souriante sous son nouveau hidjab blanc, Farida Saboundji en grande dame, le réalisateur Lakhdar Hamina dit ne pas avoir été contacté pour la super-production sur l'Emir Abdelkader annoncée pour 2007, et peu de grandes figures arabes, à part Assaâd Fadha, le brillant comédien syrien. « Mais nous sommes tout le temps à l'hôtel du côté de Mazafran, on est loin d'Alger. C'est dommage », indique un jeune d'une troupe de danse syrienne. Bon appétit.