La guerre américaine en Irak a, tout compte fait, une face cachée que des déclarations et autres coups de colère de personnalités irakiennes de bords différents ont parfois esquissée sans jamais la dévoiler totalement. Ils y procèdent rarement de manière directe, mais tout converge vers l'avenir politique encore en discussion, le pouvoir ainsi que la personne ou le groupe qui en sera le véritable détenteur. On se rend compte, par ailleurs, que l'élection présidentielle organisée samedi en Afghanistan, théâtre d'une autre guerre américaine, inspire encore cette démarche contestatrice, avec ce constat que la consultation a été, en fait, un passage en force d'une personnalité dont le succès était connu d'avance. Bien entendu, il s'est trouvé des observateurs pour dire que tout a été pour le mieux, même si l'essentiel, c'est-à-dire un fichier électoral, n'existait pas. Et pour que cela soit, il faut d'abord avoir une connaissance réelle de la population, c'est-à dire un recensement, et la question se pose aussi en Irak, mais elle est évacuée pour des raisons évidentes de sécurité. Comme il est toutefois évident qu'une telle opération révélerait dans l'Irak actuel le poids des éléments composant cette mosaïque. Dans ce contexte, deux responsables irakiens ont écarté l'organisation d'un recensement général de la population en octobre en raison de difficultés techniques et de l'insécurité qui frappe encore plusieurs régions du pays. « Plusieurs difficultés d'ordre technique empêchent pour le moment l'organisation d'un recensement », a déclaré Kassem Daoud, ministre sans portefeuille chargé de la Sécurité nationale. Selon lui, l'impossibilité d'organiser un tel recensement n'est pas de nature à affecter les élections générales prévues en janvier 2005 car, a-t-il souligné, « l'ONU a décidé de dresser les listes électorales sur la base des cartes d'approvisionnement du programme - pétrole contre nourriture - mis en place en 1996 ». Le dernier recensement en Irak remonte à 1997, sous le régime de Saddam Hussein. L'Irak comptait alors 23,8 millions d'habitants. Depuis la chute de ce régime en avril 2003, beaucoup d'Irakiens sont rentrés d'exil, mais beaucoup d'autres ont aussi quitté le pays en proie à la violence. Les recensements organisés en Irak depuis la fin des années 1950 ne tenaient pas compte de la confession religieuse des habitants, et il n'est pas précisé si cette question serait inscrite au questionnaire du prochain recensement. La question se pose désormais avec une certaine acuité avec l'émergence des communautés, qui n'avaient pour dénominateur commun jusqu'en mars 2003 que la chute de l'ancien régime. Cette question étant réglée, est apparue celle de la succession, ou encore l'exercice du pouvoir à peine esquissé dans la Constitution provisoire qui a tenté de consacrer ou au moins prendre acte d'une question jamais traitée comme telle dans l'Irak contemporain, mais qui constitue désormais une sérieuse menace pour son existence. Les Kurdes, à titre d'exemple, tentent de renforcer l'autonomie dont ils jouissent déjà depuis 1991, et les chiites rappellent qu'ils constituent la première communauté en Irak, et c'est pourquoi, ils sont parfaitement à l'aise dans leur revendication d'une élection libre et sans contrainte. Ils sont persuadés que si le principe « un homme, une voix » est appliqué, le pouvoir leur reviendra. Les Américains à titre d'exemple, qui ont décidé de prendre en compte une telle hypothèse, ont été jusqu'à dire qu'ils accepteraient l'instauration d'un régime islamique, comme l'intention est prêtée aux leaders de la communauté chiite qui a déjà aux instances provisoires irakiennes ses principaux dirigeants dépourvus, toutefois, de légitimité et de crédibilité. Dans un autre registre, les minorités ne veulent pas être considérées comme telles et perdre leur identité. C'est le nouveau défi auquel font face les Irakiens, occupés encore à compter leurs morts et à ramasser les armes.