La guerre américaine en Irak revient sur le devant de la scène à la manière d'une étude particulièrement fouillée, mais aussi bien soutenue, puisque les parlementaires américains y compris les Républicains ont pris sur eux d'en dévoiler quelques secrets. Chaque rapport est accablant pour le président George W. Bush et son entourage, puisque tous les faits avancés dès 2002 démentant l'approche US ont été confirmés. Même les services secrets américains y sont allés avec leur analyse, laquelle ne manque pas de pertinence. Le débat est revenu mardi et inévitablement un débat autour des conséquences de la guerre en Irak pour la « guerre contre le terrorisme » a tourné à la polémique entre le président américain et l'opposition démocrate. Et à six semaines des élections parlementaires aux Etats-Unis, la bataille ne peut être que âpre. George W. Bush s'en est une nouvelle fois pris avec colère aux médias et à leurs informateurs, coupables de divulguer des informations confidentielles « pour des motifs politiques », dans le but de « créer la confusion dans l'esprit des Américains ». « Pour couper court aux spéculations », il a contre-attaqué en publiant les « principales conclusions » d'un rapport confidentiel élaboré par 16 agences du renseignement, dont certaines avaient déjà été décrites par le New York Times et le Washington Post. « Le conflit irakien est devenu une ‘'cause célèbre'' pour les djihadistes » et « le djihad en Irak façonne une nouvelle génération de dirigeants et d'agents terroristes », peut-on lire dans ce rapport, intitulé « Tendances du terrorisme mondial : implications pour les Etats-Unis ». En pleine campagne électorale, cette assertion a de quoi réjouir l'opposition démocrate, qui ne cesse de dénoncer la conduite de la guerre en Irak et d'accuser l'administration d'« induire en erreur » l'opinion publique. « Comme je le dis depuis pas mal de temps, la guerre en Irak nous a rendus moins en sécurité », a ainsi déclaré le sénateur John Rockefeller. Mais cette synthèse du renseignement donne aussi des arguments à l'administration Bush, qui assure qu'un retrait prématuré d'Irak reviendrait à offrir la victoires aux terroristes. « S'il y avait une perception de victoire djihadiste (en Irak), cela inspirerait plus de combattants à poursuivre la lutte ailleurs », estiment les services de renseignement ». A contrario, « si les djihadistes avaient l'impression et donnaient l'impression, en quittant l'Irak, d'avoir échoué, nous pensons que moins de combattants seront tentés de poursuivre la lutte ». Ces conclusions, sur quatre pages, ne représentent qu'un extrait d'un rapport confidentiel finalisé en avril. Elles ont immédiatement été exploitées par la majorité républicaine. Elles confirment que « le succès américain en Irak est clé pour faire en sorte que la menace terroriste ne grandisse pas. La confusion que les démocrates espèrent entretenir révèle tout ce qu'il faut savoir sur leur incapacité à formuler une vraie » politique de sécurité, a asséné le chef de la majorité à la Chambre des représentants, John Boehner. L'opposition, qui avait réclamé de « connaître toute l'histoire » sur ce rapport, avait dénoncé à l'avance une publication seulement partielle du document. « La dernière chose qu'il nous faut, c'est une publication sélective de certaines parties du rapport, dans une tentative désespérée de l'administration d'éviter de révéler la vérité », avait souligné le sénateur Edward Kennedy. La polémique a pris d'autant plus de relief que le scrutin du 7 novembre qui risque de coûter sa majorité à Bush, se joue largement sur les perceptions de la guerre en Irak - impopulaire - et de la politique antiterroriste - un point fort de l'Administration Bush et de sa majorité. Elle risque de se prolonger si, comme l'affirme une élue démocrate, Jane Harman, le rapport divulgué mardi en cache un autre. D'après Mme Harman, numéro deux de la commission du renseignement à la Chambre des représentants, l'Administration bloque en effet délibérément une synthèse des services de renseignement spécifiquement consacrée à l'Irak. Selon Mme Harman, cette deuxième synthèse a été « laissée à l'état de brouillon », et donc non communiquée aux parlementaires. « Parce que certains de nos responsables ne veulent pas que nous la voyions avant les élections », a-t-elle précisé. Talabani suscite la colère Nul doute que la polémique enflera encore plus à l'approche des élections du mid-term et qui risquent de coûter cher au parti républicain de George Bush. Quant aux Irakiens, cette guerre leur a déjà coûté leur pays, parce que et quoi qui se dise, cela se passe chez eux et l'avenir ne s'annonce guère brillant. Les propos du président irakien Jalal Talabani, en faveur du maintien d'une présence militaire américaine à long terme en Irak, laissent perplexe. L'influent Comité des oulémas musulmans, principale association religieuse sunnite irakienne, a « condamné ces propos irresponsables », estimant que M. Talabani « n'a fait qu'exprimer une demande américaine ce qui évite à Washington d'avoir à le faire ». Dans une interview au quotidien américain Washington Post, le président irakien, qui est kurde, a déclaré lundi que l'Irak « aura besoin des forces américaines pendant longtemps » et indiqué que 10 000 hommes et deux bases aériennes seront suffisants. De son côté, le député Hazim Al Araji, membre du bloc parlementaire du chef radical chiite Moqtada Sadr, a estimé que les déclarations du président irakien n'engageaient que lui. Président sans pouvoir, pour qui parle alors M. Talabani ? Il pourra se prévaloir au moins de son droit de dire ce qu'il pense. Est-ce réellement tout, ou alors une action déjà envisagée et qui demande à être appuyée de l'intérieur.