L'optimisme affiché de Kamal Bouchama, coordinateur général de la manifestation « Alger, capitale de la culture arabe », lors de ses quelques sorties médiatiques, semble mal cacher l'état de délabrement piégeant la chose culturelle en Algérie, notamment dans le domaine du théâtre et du cinéma. Car quel crédit donner à une logique qui veut que le Théâtre national algérien (TNA) qui peine à faire tourner ses productions — voir entretien avec Malek Laggoune — puisse par magie assurer, en comptant les théâtres régionaux et 28 coopératives privées, 45 pièces dans le cadre d'« Alger, capitale arabe » ? Quel crédit donner à une logique qui veut que ce même TNA, en proie à un grave conflit social — qui s'est soldé pour le moment par le licenciement de deux employés pour avoir signé une pétition réclamant leurs droits salariaux — puisse suivre la cadence. Pour rappel, les travailleurs du TNA, organisés en syndicat, mi-décembre 2006, ont ouvert le feu sur le directeur, Mohamed Benguettaf, réclamant une revalorisation de leurs salaires et une amélioration des conditions socioprofessionnelles. Ils réclament notamment la révision du statut du TNA que la ministre de la culture, Mme Khalida Toumi, a qualifié de dépassé. Ceci sans parler de la situation des comédiens contractuels dont le salaire avoisine difficilement le SMIG. D'aucuns craignent que le rendez-vous d'« Alger, capitale de la culture arabe » ne soit juste saisi par des rentiers de la production artistique qui sauront surfer sur le souci gouvernemental de « redorer le blason » de l'Algérie, un des objectifs officiels et déclarés de la manifestation. Concernant le cinéma, la situation n'est pas plus reluisante. Courageusement, le commissariat chargé de la manifestation se démène pour concrétiser la production de 22 longs métrages, 44 courts métrages et documentaires et 11 téléfilms. « Avec la déperdition des métiers du cinéma, la rareté du matériel, comment pourra-t-on réaliser tous ces projets ? Il faut faire encore appel aux techniciens étrangers, aux laboratoires étrangers ? », se demande le producteur et distributeur Boualem Ziani, de la société Sora Production, qui souligne l'absence de salles d'exploitation. « Il fallait commencer la préparation de cette manifestation avant 2006. Il faut aussi se demander ce qui se passera après le 31 décembre 2007 », dit-il regrettant que les autorités n'aient pas profité de l'occasion pour rénover les salles. Déficit flagrant en salles de cinéma Chantier qui connaît des retards. « Les budgets alloués aux films sont de 100 millions de dinars, à peine un tiers du montage financier. Cela suffit à peine pour le lancement de la production. En plus, il s'agit, pour certaines productions, de films déjà subventionnés dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France en 2003 ! », lance pour sa part le réalisateur Malek Laggoune. « Nous, on subventionne. C'est tout. Ce sont des aides à des productions qui n'ont pas pu finaliser leur montage financier », explique M. Aït Ouméziane, premier responsable du Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel (CNCA), qui opère également au sein du commissariat d'« Alger, capitale arabe ». Concernant le manque de matériel, notamment pour filmer en 35 mm, M. Aït Ouméziane explique que, comme leur nom l'indique, c'est aux producteurs de trouver les moyens de filmer. « Et même si le 35 mm fait défaut, il reste la technique de la haute définition (HD) », dit-il. « Mais où vont-ils organiser les semaines culturelles, les projections de films ? Il y a à peine cinq salles sur Alger », renchérit un distributeur. Aït Ouméziane, pour sa part, reconnaît un certain retard dans la finalisation de l'ouverture des salles. Mais il souligne les gros problèmes juridiques quant au statut de ces espaces. « Une seule note positive à cette manifestation, indique Boualem Ziani, ces jeunes qui vont faire des films, malgré les conditions aléatoires de travail avec le commissariat et les problèmes de communication ».