Kamel Bouchama communique son optimisme et son volontarisme à tous ses interlocuteurs. C'est donc demain que s'ouvre la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe», un événement majeur s'il en est. Le fait que M.Kamel Bouchama ait été nommé à la tête du commissariat qui drive la manifestation, est, en soi, une bonne chose, car on avait assisté durant toute une bonne partie des années 2005 et 2006 à une passe d'arme malheureuse qui avait fait craindre, un moment, une débâcle du siècle. Après avoir invité à Alger les frères arabes, on leur aurait montré un visage à ne pas voir de l'Algérie, celui de l'échec et de l'improvisation. Dès l‘arrivée de M.Bouchama, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, ancien ambassadeur, les choses sont fort heureusement rentrées dans l'ordre et l'on a vu que le programme a été discuté, enrichi, adopté, pour embrasser les différentes facettes de la culture algérienne. L'homme apportait autant son expérience que son volontarisme. Celui qui a participé de près à l'organisation du grand Festival panafricain d'Alger, à la fin des années 60, a également publié beaucoup de livres, autant d'essais qui font de lui l'un des observateurs avertis de la scène culturelle et du mouvement intellectuel en Algérie. Pour preuve, le matin du lundi, Kamel Bouchama inaugurait une nouvelle librairie dans un quartier populaire d'Alger; plus exactement à Bab El Oued, un espace qui offre toutes les commodités, d'autant plus qu'il est situé entre les lycées Emir Abdelkader, Frantz Fanon, et Okba, de collèges et d'écoles primaires. Pour ne pas faire dans la langue de bois et ne pas trahir l'esprit de la rubrique «A coeur ouvert avec L'Expression» M.Bouchama, commissaire de la manifestation, s'est livré de bonne grâce au feu roulant des questions-réponses de rigueur. D'où il ressort que c'est sur mandat de la Ligue arabe même qu'il a été décidé de faire d'Alger la capitale de la culture arabe pour cette année 2007, après Le Caire (1996), Tunis (1997), Shardjah (1998), Beyrouth (1999), Ryadh (2000), Kuwait city (2001), Amman (2002), Rabat (2003), Sanaa (2004), Khartoum (2005), Mascate (2006). C'est donc une opportunité qui est offerte à l'Algérie, après une dizaine d'années de violence terroriste, au cours desquelles des intellectuels et des artistes de valeur ont été assassinés, comme Matoub Lounès, Abd El Kader Alloula, Azzedine Medjoubi, Tahar Djaout, Cheb Hasni, pour ne citer que ces quelques noms illustres, mais tant d'autres ont payé de leur vie leur attachement à l'Algérie plurielle et démocratique. Pour revenir à l'idée même de la manifestation, il faut savoir que la paternité de l'initiative en revient à l'Unesco en 1982. Les Nations unies lui emboiteront le pas en 1984. L'idée faisant son chemin, ce sont les capitales européennes qui célèbreront les premières manifestations. Puis, ce fut au tour des pays arabes de s'inscrire dans cette dynamique pour montrer toutes leurs potentialités en matière de culture. Pour les Algériens donc, cette année culturelle 2007 sera un défi contre la sclérose qui a entouré le monde de la culture jusqu'à il y a quelques années. «Un défi, dira M.Bouchama, à tous les nouveaux prophètes qui nous présidaient une descente aux enfers et l'anarchie». Cela dit, quels sont les dividendes que l'on peut attendre de cette manifestation? Pour le commissaire de l'organisation, les dividendes ne sont que culturels et politiques. Il est question de déterrer notre culture, ajoute-t-il, qui existe, qui est ancestrale. Nous étions petits, colonisés, mais nous sommes grands du fait de notre histoire, notre culture, notre patrimoine, profondément enracinés. Et là, affirme M.Bouchama, on ne s'arrêtera pas au cinéma et au théâtre, mais on s'intéressera à des aspects comme le costume, le bijou, le festival arabe des déserts, la cavalerie, l'armement, etc. «Il n'y pas d'objectif commercial, affirme M.Bouchama, l'Etat va dépenser à fonds perdus». Il s'agit de renouer notre jeunesse avec la chose culturelle. «Il y a beaucoup de talents, et nous allons les montrer» affirme le commissaire d'«Alger, capitale de la culture arabe». Et M.Bouchama de rappeler qu'avant 1830, l'Algérie avait un formidable potentiel culturel. Le taux d 'alphabétisation était de 93%. Au lendemain de l'indépendance, la tendance s'était inversée, il y avait 93% d'analphabètes. Comme l'avait déclaré un général français: «Les barbares que nous sommes venus civiliser sont plus instruits que nous.» Après la léthargie forcée à laquelle a été soumise l'Algérie durant plus d'une décennie, le moment est venu de saisir cette opportunité qui est offerte de donner une nouvelle chance aux créateurs, aux artistes, aux artisans, de démontrer ce dont ils sont capables, pour le plus grand bonheur des amateurs, surtout des jeunes. D'autant plus que dans le domaine des infrastructures, on annonce beaucoup de projets, comme cette salle polyvalente de 12.000 places, à l'instar, pour venir renforcer ce qui existe déjà. Quand on connaît l'état de délabrement dans lequel se débattent les salles de cinéma, on ne peut que saluer ce sursaut. Tardif, mais salutaire.