Les musulmans de France s'intègrent plus facilement à la vie occidentale moderne que ceux des autres pays d'Europe. Quel est le rapport qu'entretiennent les musulmans de France avec la question de l'intégration et de l'identité ? Comment perçoivent-ils les deux autres religions du livre ? Et comment vivent les autres musulmans d'Europe leur islamité ? C'est à toutes ces interrogations que le centre américain de recherche, spécialisé dans les pratiques religieuses, pewcenter, a tenté de répondre dans un rapport rendu public récemment. D'entrée, celui-ci estime que l'intégration des musulmans français fait figure d'exception en Europe. « Au Royaume-Uni, explique le rapport, ils sont 81% à se définir par leur croyance plus que par leur nationalité, et plus de la moitié perçoivent un conflit naturel entre le fait de pratiquer l'islam et le fait de vivre dans une société moderne. » En France, c'est plutôt l'inverse. 72% des musulmans ne voient aucune contradiction entre l'islam et l'occident. Et si 46% se définissent d'abord par leur religion musulmane, 42% se disent avant tout Français, selon le rapport. Il ajoute que « les musulmans français sont en revanche les plus ouverts aux autres religions : 91% des musulmans français ont une opinion favorable des chrétiens et 71% ont une bonne opinion des juifs, contre 32% des musulmans britanniques, 28% des musulmans espagnols et 38% des musulmans allemands ». Cette ouverture repose largement sur le modèle français que 78% des musulmans de France plébiscitent contre 41% en Angleterre et 30% en Allemagne. Toutefois, le rapport met un bémol en constatant que « le mouvement de sécularisation et d'intégration des populations musulmanes est sans cesse ralenti par l'arrivée de nouveaux immigrants souvent ancrés dans une pratique plus traditionaliste et non universelle ». Ainsi donc, l'islam individuel, fondé sur le libre arbitre, est souvent mis à l'épreuve par les convulsions de la société qui rendent parfois difficile de choisir ou d'assumer sa religion. Sauf chez les jeunes de moins de 35 ans qui sont 51% à affirmer facilement leur identité religieuse musulmane. Pour sa part, le ministère français de l'intérieur a révélé que sur 2000 lieux de culte qui existent en France, plus de la moitié diffuse un islam identique à celui pratiqué dans les pays d'origine. Ces lieux sont surtout fréquentés par les Marocains et les Turcs. Les Algériens, arrivés pourtant les premiers en France, semblent avoir un rapport plus distancié de la religion, analyse Bernard Godard, chargé des cultes au ministère. Le rapport juge aussi que « ces dernières années ont vu la montée en puissance d'une pratique religieuse collective qui privilégie les rituels plus que la foi individuelle, même si une certaine tendance spiritualiste passe toujours de façon inaperçue chez les jeunes des banlieues. » Enfin, le rapport note que les jeunes musulmans européens sont plutôt tournés vers les mosquées de tabligh, ce mouvement piétiste venu d'Inde. Apolitique en principe, le tabligh a surtout attiré, dans les années 1970, les travailleurs immigrés en quête d'un islam ancestral et apaisé. Avec la mondialisation et la perte des repères sociaux et culturels, les jeunes musulmans de l'hexagone semblent s'embarquer de plus en plus facilement dans un islam radical, revendicatif, et parfois même violent.