Quel est l'état de santé réel du chef de l'Etat cubain Fidel Castro ? La question revient avec insistance depuis de nombreux mois. La réponse, s'il faille la considérer ainsi, est une somme de supputations ou d'informations vite dénoncées par les autorités cubaines. Même le renseignement américain s'y est mis, mais sans succès, car les informations distillées ont été démenties de source médicale indépendante. Très exactement par un chirurgien espagnol sollicité par les autorités cubaines. Mais depuis quelques jours, l'état de santé en question est décrit de manière extrêmement sombre cette fois par le sérieux quotidien espagnol El Pais, et à bien le lire, ce bilan laisse mal augurer un quelconque retour au pouvoir du leader cubain, une perspective exclue désormais par la plupart des diplomates à La Havane. En moins de six mois, le fondateur du régime aurait eu à subir, à 80 ans, trois lourdes opérations chirurgicales et autant d'anesthésies générales, une péritonite, l'ablation du côlon et des complications au niveau de la vésicule biliaire, selon les sources médicales citées mardi par le journal. Commentant ces informations, un gastro-entérologue parisien, le Dr Gilles Lesur, a estimé que « cette succession de complications graves chez un homme âgé, multi-opéré et probablement dénutri pose à court ou moyen termes la question du pronostic ». Un diagnostic fait à distance et sans contact avec le malade. Et hier, El Pais maintenait sa position en soulignant cette fois que l'option chirurgicale choisie par le dirigeant cubain et par son entourage pour traiter une inflammation aiguë du gros intestin a débouché sur d'importantes complications. « Castro souffrait en été d'hémorragies intestinales et d'une infection sévère (péritonite) causée par l'inflammation du gros intestin, ce qui en terme médical s'appelle diverticulite », explique le journal citant des sources médicales de l'hôpital Gregorio Maranon de Madrid. Il se trouve que les informations d'El Pais ont été aussitôt démenties par le médecin espagnol qui a examiné le chef de l'Etat cubain le 25 décembre, le Dr José Luis Garcia Sabrido, cité mardi par CNN. « Fondées ou non, ce n'est plus le problème. La seule certitude, c'est qu'il affronte de graves complications et que son retour n'est plus d'actualité, ni à court ni à moyen termes », a déclaré mardi un diplomate occidental. Peu après l'annonce de sa passation de pouvoir à son frère Raul le 31 juillet, quatre jours après sa première opération, le discours officiel sur son « rétablissement » s'accompagnait volontiers de l'assurance que « Fidel reviendra » une fois guéri. La formule a depuis disparu du langage officiel et notamment après sa dernière apparition télévisée le 28 octobre. « C'est clair, il est désormais impensable que son état lui permette de reprendre un jour les rênes », a déclaré un autre diplomate occidental, sans se prononcer sur le pronostic de Washington, qui évalue en mois sa durée de vie. Officiellement, il n'y a toujours ni « transition » ni « succession » à Cuba, et Raul Castro, ministre de la Défense, est toujours présenté comme le « numéro deux » du parti communiste et de l'Etat lors de ses rares apparitions. Dans les quelques messages télévisés ou lus en public du chef de l'Etat, ce dernier a assuré qu'il continuait à veiller de près aux affaires du pays, tandis que son « fils spirituel » en Amérique latine, le président vénézuélien Hugo Chavez, affirme converser régulièrement avec lui au téléphone. Omniprésent durant près d'un demi-siècle, Fidel Castro est le seul chef de l'Etat que 70% des 11 millions de Cubains aient connu. Le 26 janvier, Cuba entamera son sixième mois passé sans avoir revu en public son vieux chef révolutionnaire. Mais Castro c'est bien plus que cela. Il a une dimension qui dépasse les limites de son pays, avec son opposition demeurée intacte au puissant voisin américain, et son rôle dans le mouvement des pays non alignés. Il apparaît à ce point important que d'autres dans le sous-continent américain s'en sont inspirés et en assurent cette fois la continuité.