Une autre matière fait désormais son entrée dans le système éducatif national : la levée quotidienne des couleurs nationales. Une directive de la tutelle a été adressée, récemment, à toutes les directions de l'éducation de wilaya et aux établissements scolaires, tous paliers confondus, les contraignant à hisser, chaque matin, et à ramener, chaque fin de journée, le drapeau national. Comme à la caserne. L'instruction du département de Boubekeur Benbouzid a, semble-t-il, pour objectif de rattraper le retard en matière de nationalisme chez les jeunes générations et « promouvoir le sentiment patriotique ». Elèves et enseignants sont tenus de passer quotidiennement par la cour pour saluer les couleurs nationales avant de rejoindre les classes à 8h. Alors que cette cérémonie n'est organisée, jusque-là, que deux fois par semaine (samedi et jeudi), le ministère veut astreindre l'école à un régime digne des institutions militaires. Ayant subi à outrance les critiques du président de la République concernant la qualité du système scolaire et « le recul » du sentiment national chez les jeunes, Benbouzid semble avoir trouvé la parade. « Les jeunes qui avaient dix ans en 1990 n'ont vu que l'horreur de la destruction et de la violence. Comment peut-on leur parler du 1er Novembre ou de la patrie. L'école se comporte comme si le patriotisme était un instinct. N'est-ce pas si Boubekeur ? », a lancé le chef de l'Etat à l'adresse du ministre de l'Education nationale dans un discours prononcé le 26 décembre 2006, au Club des Pins. Promptement et maladroitement, le département de Benbouzid a pris « les mesures nécessaires » en recourant à la solution extrême. Sommée de revoir sa politique en vue d'élever le niveau de l'éducation, la tutelle a décidé de lever l'emblème national. Est-ce vraiment la solution ? A-t-on mesuré l'effet qu'engendrera cette décision sur les enseignants et leurs élèves, qui ne prendront cette mesure que pour une corvée supplémentaire ? Qu'a-t-on fait pour améliorer les programmes scolaires pour former des têtes bien faites et des citoyens exemplaires ? Quelle place est réservée à l'enseignement de l'histoire et de l'éducation civique dans notre système éducatif ? Rien, sinon le verrouillage des portes du dialogue devant les syndicats autonomes des enseignants qui se sont engagés à apporter leur réflexion pour une véritable réforme. Au lieu de s'ouvrir à toutes les critiques émanant des professionnels — qui sont en confrontation avec la réalité du terrain — le ministère a choisi d'interdire les mouvements contestataires et d'engager des poursuites judiciaires contre des enseignants. Des pratiques qui ne causent, en réalité, que des désagréments aux instituteurs, aux élèves et à l'école. Pour redresser la barre, il faut accorder de l'attention à la culture, à l'histoire, à la technologie. Il est désolant de constater, aujourd'hui, que les jeunes générations ne connaissent pas Kateb Yacine, Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Feraoun et les autres sommités de la culture nationale.