Le conseil de l'Ordre des médecins de la région de Ghardaïa dénonce les dérives de la pratique médicale dans sa région. Plus de 80% des médecins du sud-est du pays sont en porte-à-faux avec la loi en exerçant illégalement la profession. Quatre plaintes ont été recensées durant les cinq derniers mois. Ils sont quelque 1200 praticiens de la santé, toutes spécialités confondues, à exercer cette profession dans les cinq wilayas relevant du conseil de l'Ordre des médecins de la région de Ghardaïa. Celle-ci englobe Laghouat, Ghardaïa, Ouargla, Illizi et Tamanrasset. Depuis son élection le 21 décembre 2006, le conseil s'est aussitôt attelé à l'application des textes réglementaires pour remédier à certaines dérives de la pratique médicale dues à quatre années de gel de l'instance ordinale, à commencer par l'inscription au tableau des médecins qui affiche le taux dérisoire de 20% seulement. Le premier souci est donc l'application de l'article 204 du décret exécutif 95/276 du 6 juillet 1992 portant code de déontologie médicale qui stipule que nul ne peut exercer la profession de médecin s'il n'est pas inscrit au tableau, et considère ainsi comme en exercice illégal de la médecine, ceux qui s'y dérobent. Et là le chiffre est d'autant plus révélateur qu'il concerne 80% des médecins, explique le docteur Gaceb Mostefa, président du conseil de l'Ordre des médecins de la région de Ghardaïa et vice-président du conseil national de l'Ordre des médecins qui, tout en reconnaissant que ses confrères sont devenus hors de contrôle, entend bien user de ses prérogatives pour interpeller, rappeler à l'ordre et traduire devant la commission de discipline régionale tout récalcitrant. Reste la question du nombre qui est de taille, sachant que l'inscription et la réinscription des médecins qui se fait après saisie officielle des directeurs de la santé n'a pas franchi les 10% depuis son lancement et a largement dépassé les délais légaux. Le citoyen, maillon faible de la chaîne L'étendue géographique de la zone couverte par le conseil régional, le déclin de la culture d'organisation ordinale au sein de la communauté médicale et le peu d'enthousiasme de certains responsables de la santé pour la mise en pratique de la campagne de réinscription seraient les principales causes de ce désintérêt apprend-on. En parallèle, à la réorganisation interne, une campagne médiatique à travers la presse et notamment les radios locales voudrait toucher le citoyen. Mais la campagne en cours voudrait surtout sensibiliser au rôle du conseil de l'Ordre dans la gestion des conflits qui opposent le malade au médecin et l'éclairer sur la possibilité de saisir cette instance en cas de contentieux comme voie de recours avant d'opter pour les instances judiciaires car « l'erreur médicale ne peut-être individualisée et cernée que par un conseil des médecins qui sanctionne en cas de constatation d'une erreur ». Ainsi, une dizaine de plaintes ont été déposées dont trois déjà été traitées lors de la première session de la commission régionale de discipline tenue en décembre 2006 à Ghardaïa. Interrogé sur les interventions faites par les médecins spécialistes privés qui opèrent dans le secteur public et se font payer par les malades, le président régional du conseil de l'Ordre indique que quatre plaintes de citoyens vont être étudiées lors de la prochaine réunion du conseil. Il réaffirme la position du conseil « qui ne fait pas le policier mais intervient sur plainte du citoyen en droit de la saisir chaque fois qu'il se sent lésé ». Le docteur Gaceb précise, par ailleurs, que le code de déontologie ne prévoit pas le conventionnement des médecins privés avec les secteurs sanitaires car « le bi-jambisme n'entretient que flou et amalgame », dit-il mais le besoin en spécialistes est si urgent que la seule voie de recours était ce type d'accord. L'affectation de quelque 200 médecins à travers les cinq wilayas du Sud-Est a comblé un vide, mais n'a pas résorbé les disparités dans la couverture médicale entre les wilayas du nord du Sahara et celle de l'extrême sud. La commission des statistiques prépare un rapport dans ce sens et propose de prendre l'avis du conseil de l'Ordre, vu sa connaissance réelle du terrain et des besoins des populations. Cette situation motive une stratégie d'orientation qui pourra désormais conseiller les médecins désireux de s'implanter sur le choix de leur installation par rapport au nombre d'habitants et la présence éventuelle d'autres praticiens dans la même spécialité. Hidjama, roquia et médecins étrangers clandestins ! La propagation de la médecine parallèle est plus que jamais d'actualité. Hidjama, roquia et pseudo-acupuncture font légion, vu la forte demande enregistrée à Ouargla, à Ghardaïa, à Laghouat et à Touggourt. Des régions où la culture locale favorise la médecine traditionnelle et parfois le charlatanisme. Et là, questionné sur ce genre de pratiques en usage, le docteur Gaceb insiste sur la teneur de l'article 45 du code de déontologie médicale stipulant clairement que « le médecin s'engage à prodiguer à ses malades des soins de qualité conformes aux données récentes de la science, d'autant plus que notre pays a résolument opté pour une médecine moderne et universelle en rupture avec la médecine archaïque ». Notre interlocuteur affirme que le conseil a recensé les cabinets et cliniques médicales pratiquant ces soins et en a informé les directions de la santé. A Ouargla, des visites inopinées sont en cours et une pseudo-clinique, située en plein centre-ville, vient d'être fermée après le constat du manque des règles les plus élémentaires d'hygiène ainsi que la pratique de la hidjama. D'autres cabinets où cette pratique est notoire suivront à Ouargla comme dans les autres villes, affirme-t-on au conseil qui veut un assainissement radical de la profession. D'autres préoccupations importantes prévalent en ce moment de renouveau où il a été constaté la venue de plusieurs délégations de médecins étrangers pour effectuer des consultations spécialisées ou des interventions au niveau des cliniques privées de la région. Le président du conseil régional de l'Ordre qualifie ce phénomène « d'exercice illégal de la médecine et de la chirurgie pratiquées par des médecins étrangers qui viennent à titre individuel en dehors d'une coopération intergouvernementale et de toute réglementation en vigueur ». Il va sans dire que c'est le citoyen qui paye les conséquences néfastes des interventions lourdes dont le suivi médical post-opératoire n'est souvent pas assuré par ces praticiens qui quittent le pays avec de l'argent illégalement perçu. Parallèlement, une vague de recrutements douteux de médecins est observée dans les sociétés pétrolières étrangères à Hassi Messaoud, à Hassi R'mel et à In Aménas, évidemment sans inscription au tableau. Selon un rapport du conseil de l'Ordre, ce sont des multinationales renommées qui s'inscrivent impunément en dehors de toute réglementation en employant des médecins recrutés en tant qu'infirmiers, d'autres emploient des infirmiers ou secouristes agissant en tant que médecins qui assurent actuellement des permanences médicales. Comme tout un chacun peut l'observer, l'installation des cabinets de médecins ainsi que la pose de leurs plaques ne répond à aucune logique. La commission exercice et qualification de l'Ordre prétend pourtant être en mesure de maîtriser sous peu le nombre de cabinets privés dans le même quartier, le même immeuble, et par rapport au libellés. Des malades en attente d'une échographie contraintes d'uriner dans un jardin Idem pour les indications et les qualifications libellées sur les plaques des cabinets médicaux dont certaines comportent le titre de médecin généraliste rehaussé d'une spécialité auto-accordée, de la pratique illégale de l'échographie ainsi que d'autres qualifications importées selon des diplômes étrangers ou des stages individuels non reconnus par la commission exercice et qualification de l'ordre. La confusion des plaques est telle que le citoyen ne s'y retrouve pas, tant les lieux de pose sont invraisemblables et leurs dimensions dépassent allégrement les 25 cm x 30 cm réglementaires. L'autre point noir des cabinets privés du Sud est celui de ne répondre à aucun standing. Un concours du cabinet le plus laid pourrait être organisé dans une ville comme Ouargla où la désolation des lieux est un summum dans des endroits ou l'hygiène est le grand absent et les murs en décrépitude à l'endroit même ou le patient s'étend pour être ausculté. Des malades en attente d'une échographie sont contraintes d'uriner dans un jardin, d'autres supportent tant bien que mal la poussière repoussante dans des bâtisses en nette dégradation. La position du conseil de l'Ordre est celle de remettre cette préoccupation somme toute légitime au dénouement des problèmes liés à la pratique médicale en tant que telle, mais le docteur Gaceb promet de s'y pencher au plus vite et les manquements constatés sanctionnés par des proportions de fermeture à la DSP.