"Tout a été construit par des Algériens, hormis la partie engineering. La raffinerie a été faite en six mois, et c'est pour cela qu'il faut décomplexer les Algériens." C'est en ces termes que le jeune Salim Rebrab a préféré clore une visite guidée au sein des unités de production du complexe Cevital qui s'étale dans l'enceinte portuaire de la coquette ville de Béjaïa. Directeur général de l'un des plus importants complexes industriels privés algériens, le fils du big boss Issad Rebrab fera remarquer que dans toute l'usine "aucun salarié étranger n'est à signaler, hormis quelques-uns au niveau de l'administration-". Et c'est non sans une note de fierté, malgré cette modestie qui frise la timidité qui le caractérise, que Salim a précisé qu'avant l'implantation de ces unités imposantes, "l'endroit était un véritable dépotoir". La saga Cevital de Béjaïa a vu sa naissance un certain 8 mai 1998. Sur le prolongement du port de Béjaïa, la première unité de conditionnement en PET et cinq lignes automatisées d'une capacité de 12.000 bouteilles/heure et par ligne sont implantées. Une année après, la partie raffinerie de sucre a été installée. Aujourd'hui, et sur une superficie de plus de dix-huit hectares, le complexe agroalimentaire regroupe, en plus des silos de stockage d'une capacité de 182.000 tonnes et d'un terminal de déchargement portuaire de 2000 tonnes par heure, 3 unités de production : la raffinerie d'huile, la raffinerie de sucre et la margarinerie et huiles végétales. Et par souci d'optimisation maximum des ressources et de rentabilisation des équipements, le complexe fonctionne H24 et emploie quelque 1800 personnes, dont un millier pour la partie exploitation, selon le DG. Conditionnement : Projet de fabrication de la résine pour PET Dans l'unité de conditionnement en PET, ce sont cinq lignes automatisées qui sont installées. Une seule ligne produit quelque 12.000 bouteilles l'heure. Sur les cinq lignes, deux sont destinées aux bouteilles de 1 litre, deux pour celles de 2 litres et une ligne pour les bouteilles de 5 litres. Si l'unité fabrique de l'emballage, il n'en demeure pas moins que la matière première constituée de résine pour PET est, elle, importée. Et par souci d'intégration globale, Cevital envisage, selon le DG, de lancer un projet de fabrication de cette matière prochainement puisque, considère-t-il, "elle peut être fabriquée en Algérie". Sur des installations ultramodernes, nécessitant peu d'intervention humaine, la résine permet de produire la préforme, une sorte de bouteille en miniature, qui passe dans des souffleuses. Une fois les bouteilles ont pris forme, elles passent dans les remplisseuses, puis dans les bouchonneuses, et après dans les détecteuses pour les étiquetages. Les bouteilles passent ensuite dans la fardeleuse, puis dans les falitiseurs pour les mettre en palette. Elles passent en phase finale dans la boudeleuse. Dans l'unité margarinerie, cinq lignes assurent le conditionnement et la production, qui vont de pair. L'usine importe les huiles brutes, passent dans tout un process pour former la margarine. Cevital produit deux marques : Matina et La Parisienne. Après la préparation de la phase graisseuse et de la phase aqueuse, le procédé de fabrication de ce produit passe par cinq étapes : la formulation qui consiste en la préparation du mélange des corps gras et des différents ingrédients ; la cristallisation où le produit issu de ce mélange subit une pasteurisation à température adéquate ; le passage dans des refroidisseurs équipés de rotors munis de racleurs, puis le malaxage qui donne la texture finale à la margarine. Et près de chaque unité de fabrication, le laboratoire effectue des prélèvements et des analyses tout au long de la chaîne de fabrication pour assurer la qualité du produit. Il est à remarquer que la plupart des laborantins sont issus de l'université de Béjaïa, dont le partenariat avec Cevital est des plus mis en pratique. Même en matière d'emballage, Salim Rebrab a assuré que Cevital "essaie d'intégrer de fournisseurs algériens". La moyenne d'âge des employés de l'usine se varie de 33 à 35 ans, selon ses dires. Le smen est fabriqué "à la manière de nos grands-mères, mais de manière automatisée", dira notre guide et non moins DG du complexe. En effet, et après la préparation de la phase graisseuse, le procédé de fabrication passe d'abord par la phase dite formulation, où se fait la préparation du mélange des corps gras et des différents ingrédients, en plus des ajouts de l'arôme, du bétacarotène et l'enrichissement en vitamines A, D, et E, le produit passe par la cristallisation, où le produit est mis dans des refroidisseurs, puis malaxé pour donner la texture finale au ghee. Le ghee Medina, automatiquement dosé et emballé, est transporté sur des tapis convoyeurs vers la cartonneuse automatique. les cartons sont ensuite convoyés vers les descendeurs automatiques qui les achemineront vers la palettisation. Tout près du laboratoire lié à l'unité de fabrication et de conditionnement, où des essais physico-chimiques et le contrôle avant commercialisation liés au goût, texture, qualité et autres indices physico-chimiques sont assurés, une ligne pilote, sorte d'usine en miniature, permet de faire de la recherche et développement sur le produit. Avec un matériel de dernière génération, dont le coût dépasse les 1 million de dollars USD, selon Salim Rebrab, cette ligne permet, dit-il, "de séparer la production de la recherche, pour ne pas entraver le processus de production". A côté des bacs de stockages pour huiles brutes et raffinées, et aussi imposante que les autres unités, la raffinerie de l'huile s'illustre par sa colonne de désodorisation. Trois lignes, dont deux de 400 tonnes/jour et une autre de 1000 tonnes/jour, assurent la production. Le laboratoire veille au raffinage du process et à la qualité du produit fini. Les études, dira notre interlocuteur, se font en fonction des besoins du marché. Il citera à cet effet les huiles exportées vers la Libye et faite à base de maïs sur demande des Libyens, selon ses dires. Sur le marché national, Cevital a mis les huiles Fleurial, Elio2 et Fridor, faites à base d'huiles végétales, comme le tournesol, les huiles de Soja, de colza et/ou de palme. Le raffinage de l'huile passe des étapes dites de dégommage, consistant à éliminer les phospholipides et les autres impuretés présentes dans l'huile brute, et ce, grâce à des centrifugeuses autodébourbeuses. L'autre étape consiste à débarrasser l'huile des acides gras. L'huile ainsi séparée des impuretés, subit des lavages et à la fin, l'huile est convoyée vers le sécheur sous vide de 50 tours minimum, qui éliminera l'humidité. La décoloration est une phase indispensable pour débarrasser l'huile brute des pigments de carotène et de chlorophylle. La dernière opération consiste à débarrasser l'huile décolorée et filtrée des matières odorantes et ceci grâce à un système d'injection. L'huile désodorisée passe dans les échangeurs pour être refroidie avant de rejoindre le bac intermédiaire de stockage des huiles raffinées. A sa sortie de désodorisation, l'huile obtenue est exempte d'impuretés, d'humidité et de produits oxydés, selon les explications du DG. Selon lui, Cevital a une capacité de production en huiles végétales de l'ordre de 570.000 tonnes par an, soit environ 14% des besoins du marché national, alors qu'en margarinerie et graisses végétales, la production est de 180.000 tonnes par an, soit 12% des besoins du marché. Des produits exportés vers l'Europe et le Moyen-Orient. 6 hectares gagnés sur la mer La raffinerie de sucre dispose d'infrastructures et d'équipements modernes qui lui permettent de produire jusqu'à 1600 tonnes par jour de sucre blanc raffiné. Un hangar pour sucre brut permet de stocker des quantités énormes de sucre brut importé du Brésil. Le sucre roux déchargé des navires vraquiers de 25.000 à 30.000 tonnes est déversé dans des trémies, puis transportés par tapis dans les silos de stockage. Les silos sont impressionnants et atteignent les 40 m de hauteur. Des silos verticaux utilisés généralement pour les céréales et les silos horizontaux pour le sucre. Dans la partie conditionnement, le sucre est mis dans des sacs de 50 kg. Salim fera remarquer que depuis l'année dernière, et "pour la première fois depuis son histoire", l'Algérie exporte du sucre vers des pays comme la Libye, la Suisse et l'Italie, et ce, a-t-il tenu à préciser, "même si à des quantités encore modestes". Selon les explications qui nous sont fournies, le sucre roux passe l'affinage et la refonte pour être débarrassé des impuretés, puis envoyé vers la section carbonatation. Le produit passe ensuite par des phases de décoloration, de concentration, puis de cristallisation pour arriver enfin au séchage. A la sortie de la cristallisation, le sucre est envoyé vers le séchage, dans un cylindre d'air chaud. Après son refroidissement, le sucre est convoyé vers des silos de maturation où il séjourne au moins 48 heures. De l'air chaud est soufflé de bas en haut des silos pour éliminer l'humidité résiduelle que contiennent encore les cristaux de sucre. Le sucre raffiné est conditionné dans des sacs de 50 kg et des big bags de 1000 kg. Notre avant-dernière halte fût la station de traitement et d'épuration des eaux dont dispose le complexe. Une station qui permet à Cevital, selon son premier responsable, d'être conforme aux normes environnementales. Si l'investissement global pour un tel joyau industriel représente près de 80% du total investissement du groupe qui est de plus de 519 millions de dollars, selon les chiffres communiqués par Issad Rebrab, le chiffre d'affaires de Cevital de Béjaïa représente pas moins des 2/3 de celui du groupe, soit près de 63 milliards DA. Cevital qui connaît une croissance de 50% depuis sa création en 1999, se sucre avec cette machine bien huilée. Et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. En effet, le groupe venait juste de recevoir les autorisations nécessaires pour l'entame d'une série d'autres projets d'extension sur le site. Faisant de l'optimisation de la gestion des espaces leur credo, Cevital a "gagné" près de 6 ha sur la mer, et ce grâce une joint-venture avec la société allemande Keller. La technique a consisté en l'utilisation de l'équivalent de 315 km de colonnes ballastées, afin de viabiliser le terrain, selon Salim Rebrab, qui a tenu à souligner que "tout a été financé sur les fonds propres de l'entreprise". La même technique a été utilisée avant même l'implantation de l'usine Cevital. "Avant, une bonne partie a été marécageuse, et il a fallu reconstruire sur 18 m de profondeur grâce à des colonnes ballastées injectées dans le sol pour le stabiliser", a-t-il ajouté. Cette extension sur la mer permettra à Cevital d'entamer les projets en suspens, à savoir 2 lignes de conditionnement de sucre ; trituration des graines oléagineuses de 3,3 millions de tonnes par an ; l'extension de la raffinerie de sucre de 0,6 à 1,8 million de tonnes et deux centrales électriques en cogénération. Des projets dont le matériel est en attente depuis près de deux années sur des containers au port de Béjaïa. Une extension qui permet aussi à Cevital de stopper les poussées de la mer qui menacent le complexe, nous explique-t-on. Cevital qui semble bien faire sien l'adage qui dit que la meilleure défense est l'attaque, est un groupe qui ne cache pas son ambition d'évoluer sur l'international. Par l'analyse permanente de la réalité des marchés et de leur évolution, la recherche et la mise en œuvre des savoir-faire technologiques les plus évolués et le réinvestissement systématique des gains dans des secteurs porteurs et à forte valeur ajoutée, Cevital est décidément un groupe qui carbure à plein régime. Le groupe Cevital s'organise en holdingUne nouvelle organisation verra le jour au sein du groupe Cevital. En effet, et selon les explications fournies par M. Issad Rebrab, le PDG du groupe, quatre sous-directions dénommées stratégie et business développement ; finance ; ressources humaines et les directions centrales (achats, juridique, audit et communication) seront chapeautées par la présidence-direction générale. L'organisation s'articulera autour de quelque 16 entités opérationnelles, à savoir agroalimentaire, agriculture, verre, préfabriqué, construction, immobilier, distribution, Samha (Samsung), Véhicules (Hyundai), Véhicules industriels, Sidérurgie, Pétrochimie, Energies renouvelables, Moyens Construction, Logistique et enfin Transport maritime. Cevital a créé 2400 emplois à fin 2004, 1000 emplois en 2005 et 1500 en 2006. Sans compter plusieurs dizaines de milliers d'emplois générés par son activité.