Du monde pour la rentrée littéraire de la librairie Mauguin et ses Causeries blidéennes, devenues une tradition et pour cette première de la saison une nouveauté avec une thématique jamais abordée : la poterie et sa symbolique dans l'espace méditerranéen. MM. Metref et Silem, respectivement organisateur de colloques et d'expositions de la poterie de Maâtkas et second responsable de l'édition A livre ouvert, ont eu à expliquer et à répondre aux nombreuses interrogations de l'assistance puis animé un débat d'où ressortait l'intérêt porté par les présentes et présents à la chose culturelle dans son expression artisanale. La causerie a démarré à partir de l'ouvrage de Jean-Bernard Moreau, céramiste de profession et ayant longuement vécu en Algérie - jusqu'en 1978 - avant de repartir en France où il se trouve pris en charge dans une maison appropriée au genre de handicap l'obligeant à une assistance continue à plus de quatre-vingts ans. Le grand mérite qui lui revient est d'avoir autorisé la réédition de son ouvrage Les Grands symboles méditerranéens dans la poterie algérienne paru aux éditions de la SNED en 1977 et dont les droits ont été cédés aux expositions d'abord de bijoux de Beni Yenni et ensuite à la poterie de Maâtkas. Blida accueillant la poterie... kabyle par-dessus le marché : c'est l'ouverture sur un genre, une pratique et une société, permettant de surcroît l'initiation à une symbolique toute nouvelle et remontant à la période avant Jésus-Christ, et aux signes et systèmes des èpoques mésopotamienne et berbère, se rencontrant dans les arts grecs et de l'Orient, faisant fi des frontières conçues selon les intérêts des puissances du moment, ennoblissant le travail de la femme, l'outil assurant la survie : le pot à traire la chèvre, la roue agraire, le tissage et autant d'animaux et d'objets de la vie quotidienne. Rendre cela accessible aux novices et recenser les différents modèles, formes et dessins n'a pas été une mince affaire. J. B. Moreau écrit déjà en 1977 que « cet ouvrage veut être un cri d'alarme pour que se constituent sans attendre des équipes de chercheurs qualifiés, dotés de moyens appropriés pour étudier et préserver un patrimoine culturel méditerranéen essentiel, survivant encore par miracle » (page 43 de la nouvelle édition) et les présents à cette causerie, parmi lesquels Mostefa Kara, directeur de l'artisanat pour les wilayas de Blida et de Tipaza, débattront longuement du patrimoine approprié par les pays voisins, le Maroc et la Tunisie, et devenu un label commercialisé avec forts bénéfices dans les pays européens et asiatiques. La question pour les présents était de savoir si l'Etat avait un rôle à jouer ou seulement laisser « faire » les associations ; quelle était la place de l'artisanat à l'ère de l'industrialisation et comment concilier modernité et tradition. Certains exigeaient de l'Etat une politique qui fasse venir les touristes, d'autres ripostaient que le citoyen algérien était également touriste hors de sa région ; le débat, riche par sa thématique, opposait ceux qui croyaient à la revalorisation du travail manuel à celles et à ceux qui prônaient une organisation moderniste capable de multiplier la production et d'imposer ainsi par le prix la présence du label algérien même dans les foires internationales. Plus méthodique, une personne connaissant bien le domaine proposera l'idée d'un besoin de deux marchés, l'un commercial et qui a ses circuits et l'autre culturel, capable d'imposer une image authentique de l'estampillage algérien. A l'assistance blidéenne, habituée à la musique andalouse, aux gâteaux traditionnels marqués - eux aussi - par le label turc tels les qnidlet, le fannid, la samsa et la baqlaoua (le Ramadhan approche), il a été donné à entendre, grâce à l'aimable sollicitude de Chantal Lefèvre, une discussion-débat sur une symbolique chaleureuse où il a été appris que ce qui était représenté par une toile d'araignée n'était en vérité que l'expression des rayons du soleil dans un pays méditerranéen.