L'affaire Khalifa s'achemine petit à petit tout droit vers une voie dont l'aboutissement s'annonce explosif. L'audition, dimanche, de deux anciens ministres, Abdelmadjid Tebboune et Abdeslam Bouchouareb, par la Cour suprême montre que le dossier vient à peine d'être ouvert et que les accusés, poursuivis actuellement par le tribunal criminel de Blida pour le détournement de plus de 3 milliards de dinars, représentent effectivement les « smicards », comme l'a si bien expliqué le liquidateur, M. Badsi, lorsqu'il a stratifié les niveaux de responsabilité dans cette affaire. Selon lui, le scandale Khalifa a pour auteurs les ordonnateurs des retraits de la caisse principale, à savoir les dirigeants du groupe, puis en seconde position se placent ceux ayant été destinataires de cet argent et qui, selon lui, restent majoritairement invisibles. Pour M. Badsi, les accusés viennent en troisième position, du fait qu'ils ont exécuté l'ordre de leur patron. Les deux anciens ministres, entendus par la Cour suprême sur cette affaire, se situeraient donc parmi les « invisibles » qui ont bénéficié des largesses de Abdelmoumen. En fait, à Abdelmadjid Tebboune, ministre de l'Habitat à l'époque des faits, il est reproché non seulement la détention d'une Mastercard, alors qu'il n'avait même pas de compte à El Khalifa Bank, mais également d'avoir probablement servi d'intermédiaire pour le dépôt des fonds des OPGI en contrepartie d'un pourcentage. Pour Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre également et membre influent au RND, il aurait bénéficié d'un crédit de plus de 12 millions de dinars, avec comme garantie un terrain situé à El Achour. Jusque-là, tout semble légal, mais il se trouve que quelque temps avant l'éclatement du groupe Khalifa, Abdelmoumen fait une mainlevée sur l'hypothèque sous prétexte que le crédit a été honoré. Or, dans les documents comptables, aucune trace de ce remboursement n'aurait été retrouvée. Le liquidateur aurait même convoqué l'ancien ministre pour le sommer de rembourser, en vain. Une plainte a été donc déposée. Il est important de signaler que la procédure du privilège de juridiction dont il a bénéficié a suscité de nombreuses interrogations chez les avocats, du fait que, lors des faits, Abdeslam Bouchouareb n'était pas en poste et, de surcroît, il ne l'est pas également aujourd'hui. Cette procédure ne s'applique qu'aux ministres en poste au moment des faits ou actuels. Ce qui fait dire à de nombreux avocats que les autorités sont en train de gérer administrativement ce qui relève purement du juridique. En effet, il y a comme une histoire de deux poids, deux mesures, du fait que la procédure du privilège de juridiction n'a pas été appliquée à Keramane Abdenour, lui aussi ancien ministre et actuellement à l'étranger, après avoir refusé de se présenter avec son frère, l'ex-gouverneur, Abdelwahab Keramane, et sa fille Yasmine, devant la justice. Ce qui est pour l'instant certain, c'est que les deux anciens ministres entendus par la Cour suprême risquent d'être inculpés. Il est même fort probable que d'autres révélations puissent pousser la justice à d'autres inculpations. De nombreux ministres auraient bénéficié des fonds d'El Khalifa Bank, de même que l'écrasante majorité des partis politiques ont été bénéficiaires de crédits, dont la procédure de remboursement et les garanties ne répondent pas à la réglementation en vigueur. La récupération de ces fonds n'a été possible que grâce au recours à la justice. Peut-on ouvrir un jour le dossier du financement des partis politiques ? Une autre question qui risque évidemment de mener vers un autre scandale politico-financier.