L'onde de choc passée, de nombreux avocats constitués dans l'affaire Khalifa, tout en évitant de commenter la décision du tribunal, ont néanmoins estimé que ce dernier a été pour certains clément et pour d'autres sévère. Ils expliquent cela par le fait, par exemple, que le mandat de dépôt à l'audience a été décidé à l'encontre de 8 accusés reconnus coupables de corruption sur 10, alors que le tribunal a répondu non pour les circonstances atténuantes à tous les accusés, exception faite pour Rahal Omar, vu son âge avancé. Pour cette catégorie, même les peines diffèrent d'un cadre à un autre. Elles sont situées entre un minimum de deux ans de prison ferme, retenus contre Ali Aoun, PDG de Saidal, à 5 ans de prison ferme prononcée contre Jeddidi Tewfik, directeur de l'agence de CNR d'Oum El Bouaghi, contre lequel un mandat d'arrêt à l'audience a été décidé. A part Arifi Salah, directeur de la CNR, qui a écopé d'une peine de trois ans de prison ferme, sans mandat de dépôt, les autres responsables des caisses sociales ont tous été condamnés à des peines allant de 3 à 4 ans, avec mandat de dépôt à l'audience. Peut-être, diront certains avocats, que le tribunal a décidé des peines selon les montants des dépôts perdus. Ces mandats de dépôt ont été contestés par certains avocats, qui estiment que le tribunal criminel, dans ses décisions, ne peut motiver une telle décision, laquelle, selon le code de procédure pénale, doit être dûment explicitée en matière de délit. Pour d'autres avocats, le mandat de dépôt reste la fausse note de ce procès, car les condamnés ont depuis le début de l'instruction donné des garanties en se mettant à la disposition de la justice jusqu'au dernier moment du procès. Leur mise sous mandat de dépôt, affirment les avocats, ne se justifie pas. Toujours dans le volet des peines et des faits, les robes noires se sont interrogées sur le fait qu'Ighil Meziane Ali, par exemple, soit gardé en prison, malgré le fait que toutes les charges contre lui ont été annulées par le tribunal, qui a retenu uniquement l'abus de confiance, un délit pour lequel une peine de trois ans de prison ferme a été retenue. Or sept autres accusés ont été condamnés pour les mêmes faits à des peines allant d'un an à trois ans, dont quatre avec sursis. Ighil Meziane et les quatre autres, dont Réda Abdelwahab (deux ans ferme), Mir Ahmed (deux ans ferme), Ameghar Mohand Arezki (deux ans ferme), se retrouvent donc maintenus en détention pour des délits, parce qu'ils étaient concernés dès le début du procès par la procédure de prise de corps, du fait qu'ils étaient poursuivis pour des crimes, avant que le tribunal ne retienne qu'un délit à leur encontre. Il est important de signaler que la grande surprise dans ce verdict a été la sanction retenue contre Issir Idir Mourad, ancien directeur de la BDL de Staouéli. Le tribunal criminel l'a reconnu coupable d'association de malfaiteurs et l'a donc condamné à 12 ans de réclusion criminelle. Ce qui est lourd pour de nombreux avocats. Par ailleurs, la majorité de la défense a estimé que le tribunal a globalement bien qualifié les faits, en faisant tomber l'accusation d'association de malfaiteurs, mais aussi en décidant de prononcer l'acquittement pour une cinquantaine d'accusés. Ces derniers auraient dû bénéficier du non-lieu, précise-t-on, au moment de l'instruction, du fait de l'aberration des charges retenues contre eux. Pour l'ensemble des avocats, le procès restera dans les annales de la justice, du fait de son caractère inédit, de sa jurisprudence, des conflits d'intérêts entre les parties civiles qu'il a soulevés, du fait de la complexité et de la technicité de faits reprochés et surtout de ses retombées sur la crédibilité de la justice algérienne. Il est par ailleurs reconnu que le tribunal criminel est souverain dans ses décisions, prises par conviction et à l'unanimité avec les deux membres du jury. Les condamnés ont huit jours pour introduire des pourvois en cassation auprès de la Cour suprême. Celle-ci a ouvert un autre dossier en parallèle, pour poursuivre des personnalités dont les noms ont été cités lors du procès, à l'image de deux anciens ministres, Abdelmadjid Tebboune et Abdeslam Bouchouareb, lesquels, selon le procureur général du tribunal criminel de Blida, ont été inculpés dans le cadre de cette affaire. D'autres personnalités ont été convoquées en tant que témoins et risquent de voir leur statut se transformer en inculpé du fait des soupçons qui pèsent sur elles. Il n'est pas également surprenant que des poursuites soient engagées contre le premier responsable de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, par le parquet de Blida, du fait que les responsables des caisses condamnés ont agi sous ses ordres pour placer les fonds à El Khalifa Bank. Pour certains, ce n'est que le prolongement de la condamnation des dirigeants des caisses.