Ahmed Bouzefrane était professeur de français au lycée de Tizi Ouzou. Aux abords de la retraite – il était âgé de 55 ans –, la grande faucheuse l'a emporté en ce début d'année 2007. Pour l'avoir connu pendant les belles années de jeunesse et côtoyé quatre années durant sur les bancs de l'Ecole normale d'instituteur, je ne peux m'empêcher de lui rendre hommage. Au début des années 1960, il accédait à l'Ecole normale. L'amour de ce métier chevillé au corps, il avait choisi cette orientation par vocation. Il aurait pu percer dans ses études de lycéen et atteindre les sommets de l'académisme universitaire dans une discipline où il excellait : les mathématiques. Non ! Il avait inscrit son bonheur et sa réussite professionnelle dans le passionnant cheminement de l'enseignement. Ce timide de nature, très réservé, laissait jaillir de ses lunettes de vue ce regard plein d'intelligence, curieux de toute chose intellectuelle. Il vouait à la lecture une véritable passion. Quarante années après me reviennent en mémoire les homériques concours de lecture qu'organisaient nos professeurs de lettres françaises, de philosophie et de psychopédagogie. Lui, le fort en maths- physique – il raflait les prix à chaque trimestre – le voilà jouer dans la cour des lettrés. C'était de l'insolite. A l'époque, nous croyons dur comme fer que la spécialisation était la règle et que la polyvalence de qualité ne pouvait être qu'utopie. C'était sans compter sur les miracles de la nature et de la volonté. A l'instar de Rachid Mimouni – lui aussi ancien normalien – et de Tahar Djaout, ces deux brillants charmeurs de prose, férus de mathématiques à l'origine, Ahmed Bouzefrane a succombé à la magie de la muse. Il a fini par devenir professeur de lettres françaises et non de mathématiques. Notre ancien directeur, Bitam Boukhalfa doit ressentir autant — si ce n'est plus — de tristesse en apprenant la mort d'un de ses anciens élèves. Tout comme tes camarades normaliens, tes anciens élèves et tes collègues garderont de toi l'image d'un homme pétri de qualités. Et en tête l'humilité, caractéristique des grands hommes. A ta famille nous présentons toutes nos condoléances. Ainsi va la vie en ce bas monde. Au revoir, cher professeur.