Les médecins, à travers leur conseil de l'Ordre, continuent à revendiquer la levée des équivoques et approximations juridiques qui les donnent potentiellement en pâture quand il s'agit de cas d'erreurs ou de négligences médicales. Au vu des témoignages et autres rappels de certaines affaires, ayant été sanctionnées par des peines d'emprisonnement, faits par les participants à la journée d'étude sur la déontologie médicale à l'université de Béjaïa, jeudi dernier, il y a lieu en effet de croire que les médecins sentent une sorte d'épée de Damoclès suspendue sur leur tête du moins une appréhension plus ou moins permanente quand ils sont appelés à accomplir des gestes à risques. La journée organisée par le conseil régional de l'Ordre des médecins de Tizi Ouzou, délégation de Béjaïa, fait suite à d'autres rencontres initiées depuis l'installation du conseil national de l'Ordre, l'automne dernier. Elle s'est fixée comme thématique axiale la relation, décidément pas assez claire, entre la médecine et la justice. Les deux communications présentées sur le sujet par deux magistrats délégués par le parquet général de Béjaïa, au-delà peut-être du rappel utile de certaines notions en vigueur dans les tribunaux, ne semblent pas néanmoins avoir suffisamment édifié l'assistance sur la conduite technique des instructions, ni sur l'esprit et le sens des jugements rendus. On s'est ainsi demandé comment se fait-il que trois chirurgiens soient condamnés à trois mois de prison ferme, à l'issue d'une intervention qui a mal tourné, lors même où des agresseurs ayant fait aboutir leur victime à la mort n'en ont écopé que de deux. La mise en branle d'une autre procédure judiciaire, a-t-on par ailleurs illustré, en rappelant une affaire d'administration indue d'une substance à un malade qui avait communiqué des informations erronées sur ses traitements préalables, avait simplement conduit le jeune praticien au suicide. On évoquera même un cas où une condamnation a été prononcée à l'issue d'une instruction et d'un procès où l'on n'a pas recouru à une expertise. Ce qui a étonné les magistrats présents. Des expertises qui feraient généralement appel à l'appréciation du médecin légiste et ce choix est contesté par des médecins qui trouvent que le légiste peut ne pas avoir les spécialisations nécessaires pour tirer des conclusions fiables. Un médecin légiste présent, tout en défendant que l'on ne se contente pas toujours de l'avis de la médecine légale, « rajoutera » néanmoins une louche au scepticisme exprimé en avouant qu'il a souvent et « malheureusement » fait appel aux généralistes pour appuyer le travail d'expertise. Plus globalement, la revendication du conseil de l'Ordre, dans sa composante nationale et ses ramifications régionales, consiste en l'association de la structure dans le traitement des affaires parvenant devant les tribunaux. Un collège de médecins est plus à même de juger du travail d'un autre médecin, estime-t-on, en se défendant de toute tentation corporatiste qui peut être suggérée par la formulation. La journée, tenue en présence des présidents des conseil régionaux, notamment ceux du centre du pays, ainsi que du premier responsable du conseil national de l'Ordre, a par ailleurs vu la participation de l'Ecole nationale d'administration sur le sujet de l'administration et de la déontologie. On a également jugé utile de faire intervenir un journaliste sur la question du traitement médiatique des affaires liées à l'erreur médicale. L'échange engagé avec ce dernier a laissé clairement transparaître que les médecins se considèrent comme très souvent et trop facilement voués à la condamnation par les écrits journalistiques qui « ne prennent pas la peine des vérifications d'usage ».