La tenue à Alger, la semaine dernière, du premier Salon national de l'emploi a permis de faire les bilans de tous les dispositifs mis en place depuis une dizaine d'années environ pour lutter contre l'inactivité des jeunes et des chômeurs de 35 à 50 ans. Dans les allées du pavillon central du palais des expositions de la Safex, où s'affairaient quelque 800 exposants, les affiches mentionnant les chiffres réalisés par tel ou tel organisme et structure d'aide à l'emploi et à la création d'entreprise étaient légion. Les bilans étaient d'ailleurs sans exception arrêtés au 31 décembre 2006, ce qui est assez rare dans le domaine des statistiques dans notre pays pour qu'il soit mentionné. Que ce soit du côté de l'Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes (ANSEJ), de l'Agence nationale de gestion du micro-crédit (Angem), de la Caisse nationale d'assurance chômage (CNAC), de l'Agence nationale de l'emploi (ANEM) de l'Agence du développement social (ADS) ou des cinq banques publiques, les moindres détails étaient mis bien en évidence. Cet effort de communication chiffrée a été doublé au plan médiatique par d'autres sorties officielles de la part de plusieurs ministères, dont le département de l'emploi et de la solidarité nationale. De nombreux responsables cités par la presse ont mis en avant les excellents résultats obtenus sur le front du chômage. Il ainsi été mis en avant le constat selon lequel le chômage n'a cessé de baisser depuis 1999 chutant de 30,7 à 17%, 7% en 2004, puis à 15,3% en 2005 pour atteindre en 2006, 12,3%, pour une population active estimée en octobre 2006 à 10,1 millions de personnes, selon les conclusions de l' Office national des statistiques (ONS). Très optimiste, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, M. Djamel Ould Abbas ,avait déjà tablé, lors de la visite du Salon du recrutement organisé l'été dernier à la Safex, sur un taux de chômage de 10% en 2008 et de 8% seulement pour l'année 2010. « La création de deux millions de postes d'emploi en 2009 n'est pas une utopie », a-t-il notamment soutenu. Intervenant sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, il y a quelques semaines, le directeur général de l'emploi et de l'insertion sociale au ministère de l'Emploi et de la Solidarité nationale, M. Saïd Anane, a abondé dans ce sens, mettant à plat une série de chiffres records. Il estimera que l'Algérie réalise une véritable prouesse dans ce domaine, son taux de chômage étant en baisse continue depuis 1999. En termes de budgets consacrés à la création d'emploi, il déclare qu'une enveloppe de 38 milliards de dinars a été consacrée par les pouvoirs publics en 2006 pour favoriser la création de l'emploi à travers des projets d'investissement, alors que pour l'année 1999 elle était de 12,3 milliards de dinars. Abordant le chapitre du contrat de préemploi (CPE), M. Anane se contentera de faire part de la volonté du gouvernement à oeuvrer à augmenter le salaire des jeunes diplômés travaillant dans ce cadre pour atteindre 10 000 DA. Précarité Des déclarations qui flairent les motivations politiques et qui laissent sceptiques bon nombre d'experts économiques. Il faut dire aussi que sur le terrain, le vécu quotidien des franges de la population les plus défavorisées ne cadre pas vraiment avec la palette de beaux chiffres exhibés par les responsables du département de l'emploi. Des responsables de l'ONS sollicités par l'APS n'ont pas manqué de confirmer, il y a quelques jours, ce que les politiques qualifient d' excellents résultats obtenus sur le front du chômage, suite à une enquête réalisée sur un échantillon de 14921 ménages répartis sur tout le territoire national. Ces chiffres certes flatteurs et réjouissants de prime abord ne peuvent pourtant pas taire la réalité de la précarité de l'emploi ni celui du travail informel et anarchique. Il faut dire que les milliers de jeunes qui s'accrochent aux wagons de l'Ansej ont envie surtout de stabilité et d'une situation professionnelle durable. Une possibilité qu'offre aux plus chanceux d'entre eux la création de micro-entreprises, mais que ne pourraient faire miroiter ou garantir le contrat de préemploi (CPE) ou des milliers d'autres placements temporaires proposés par l'ANEM par exemple. En décortiquant en effet les chiffres des demandes d'emplois satisfaites grâce à l'ANEM en 2006 on se rend compte que sur 87430 placements effectués, 18,36% seulement sont permanents alors que 81,64% sont temporaires. Une réalité alarmante qui prouve si besoin que si ces détenteurs de contrats de travail à durée déterminée ou ceux embauchés temporairement dans le cadre du CPE devaient être pris dans un échantillon d'enquête sur le chômage, ils gonfleraient certainement les chiffres mais ne renverraient pas forcément à une réalité stable et durable de l'emploi en Algérie. Les CDI en chute libre Pour comprendre les évolutions dans le domaine de l'emploi, il est important de souligner que, depuis les années 90, caractérisées par les réformes économiques dictées par le Fonds monétaire international (FMI) et d'importantes transformations de la législation du travail, le nombre de travailleurs occupant un poste en CDI n'a cessé de chuter au fil des ans. Aujourd'hui, c'est en fait le CDD qui prime. Il représenterait actuellement 70% du chiffre global de l'emploi, ce qui place de nombreux travailleurs en situation précaire, surtout que les termes de certains contrats sont loin d'être en faveur du détenteur d'un CDD, qui peut se retrouver du jour au lendemain sans travail. Le poids du travail informel chahute par ailleurs fortement les statistiques sur l'emploi et occasionne de nombreuses pertes à l'Etat. Des faits qui devraient tempérer un peu l'euphorie suscitée par les chiffres spectaculaires de la baisse du chômage. Le micro-crédit difficile à obtenir L'obstacle des crédits bancaires pour les jeunes promoteurs qui veulent s'en sortir en créant leur propre affaire est aussi un autre problème que nous avons eu à écouter souvent lors de notre visite des stands du Salon de l'emploi qui s'est déroulé du 20 au 26 janvier 2007. Il est à noter en effet que malgré quelques bons chiffres réalisés dans ce domaine, le financement de la micro-entreprise reste bien en deçà des attentes des jeunes. Ainsi malgré les accords signés avec l'Agence nationale de gestion des micro-crédits (Angem), les banques ne prêtent pas assez aux promoteurs qui sollicitent un crédit. Lors de l'ouverture du salon le 20 janvier dernier, la directrice de l'Angem, Mme Fatma Sedaoui, a d'ailleurs déploré le manque d'accompagnement de la part des banques. « Nous avons 25 000 bénéficiaires dans le cadre de l'Angem, mais nous avons des problèmes avec les banques qui n'ont octroyé, sur ce total, que 156 crédits. Nous avons dû prendre en charge tous les autres », a-t-elle encore dit.