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Un stratagème pour faire signer des traites à blanc ?
7e jour du procès de la BCIA à Oran
Publié dans El Watan le 06 - 02 - 2007

Bellazrag Abdellah travaillait avec le groupe Cevital qui l'approvisionnait en huile et en sucre, mais, dit-il, étant donné que le sucre de ce groupe n'était pas de qualité extra (moumtaza, dit-il en arabe), il a décidé de changer de fournisseur et est allé ouvrir un compte à la BCIA de Gambetta.
Il dit avoir rencontré Ouala Abderrezak dont il connaissait la société et qui l'a orienté vers Sotrapla. « Il m'a dit : moi, j'ai arrêté le sucre, mais je t'oriente vers Sotrapla », rapporte-t-il au sujet de ce gros commerçant qui a débuté dans les matériaux de construction à Chtaïbo, à Oran. Ouala Abderezak a été appelé avant lui à la barre et a raconté qu'il activait dans les matériaux de construction depuis 1987 (avec le fer que lui fournissait, entre autres, Rebrab), mais qu'il s'est converti en 1996 aux produits alimentaires dont le sucre et, plus tard, le blé. Il lui arrivait de commander des navires entiers de marchandises. Ceci pour montrer l'ampleur de l'activité de cet opérateur du commerce qui travaille lui-même avec des petits grossistes comme Bellazrag Abdellah. Celui-ci a donc eu beaucoup de facilités pour ouvrir son compte BCIA avec 50 millions de centimes, selon lui. La banque lui demande de préparer un dossier pour bénéficier d'un crédit sous forme de traites avalisées pour élargir ses activités. Le crédit a été assuré par Star Hana, une compagnie d'assurance gérée par un des fils de Kharoubi, Chakib, à laquelle il verse 169 millions de centimes. La première traite qu'il a signée est d'un montant de 12 milliards de centimes avec présentation de factures proforma. « Cela s'est fait dans le bureau de Henni Samir en présence de Mohamed Ali Kharoubi, directeur régional de la BCIA », déclare-t-il avant d'enchaîner : « Ils m'ont dit : tu nous signes une traite à blanc, et comme ça, s'il y a un problème, nous allons tout de suite rectifier l'erreur à notre niveau sans te déranger. » Il dit avoir également signé une deuxième traite de 7 milliards de centimes, et là aussi, il a affirmé qu'on lui avait également demandé de signer une autre traite à blanc. Questionné plus tard par le procureur de la République, on apprend que ces traites ont été signées à un mois d'intervalle, c'est-à-dire début avril et début mai. Après l'éclatement de l'affaire, il soutient que Mohamed Ali Kharoubi l'a appelé en urgence pour lui dire : « Nous avons un problème, votre fournisseur s'est enfui en France avec l'argent, il nous faut une opposition (disant que les clients n'ont pas reçu de marchandise pour pouvoir la vendre et rembourser le montant des traites escomptées au profit de Sotrapla). » Mais poursuit-il, « deux jours après, je reviens à la banque et je rencontre Addou Samir de Sotrapla ; j'ai couru vers lui. Après que je me suis présenté, il m'a dit : j'ai un problème avec mon fournisseur en Belgique, mais va voir ton compte, tu trouveras que je t'ai remboursé. » Bellazrag Abdellah serait monté au bureau du directeur régional de la BCIA, Mohamed Ali, mais déclare qu'il a trouvé son frère Badredine qui l'a insulté et lui a dit de ramener l'argent qu'il a pris. « Je suis le premier à avoir déclaré cet incident à la police », se vante-t-il après qu'une de ses connaissances l'aurait informé qu'il connaissait le DG de la sûreté de wilaya. Il dit s'être rendu à la police pour raconter sa mésaventure et qu'il a rencontré l'adjoint du DG en présence d'un commissaire chargé des affaires économiques.
« Faites une confrontation »
Résidant à Mascara, il devait, selon ses dires, être convoqué une semaine plus tard et trouve d'autres commerçants comme Merhoum Mokhtar et Akouir Cherif, tous impliqués dans cette affaire et devaient eux aussi être cités à comparaître. En réponse aux questions du juge, il s'avérera que deux autres traites, en plus des quatre déjà citées, ont été signées, mais leur destination reste inconnue. Hormis deux signées au profit de Sotrapla (12 et 7 milliards de centimes), deux traites sont signées au profit de Reffas. « Je ne connais pas Reffas, mais je sais juste que j'ai laissé deux traites à blanc à Mohamed Ali », indique-t-il. Le prévenu a montré beaucoup d'hésitation quand le juge cherchera à connaître le tonnage de la commande faite chez Sotrapla. L'écart entre le montant d'ouverture du compte et celui de l'assurance n'a pas échappé à la cour. Tout en expliquant que cet écart allait être comblé par la traite, il nie avoir reçu, comme d'autres l'ont déclaré à l'instruction, 10 millions de centimes pour faire opposition contre Sotrapla. Cet accusé n'a pas pu expliquer pourquoi le frère de Mohamed Ali Kharoubi l'a insulté. La partie civile a fait en sorte de relever cependant que ce n'est pas là une manière de se comporter dans les relations d'affaires et en banquier par dessus le marché. Questionné sur des détails en rapport avec l'accusé Bellazrag Abdellah, un client, Selmane Abderrahmane est revenu à la charge : « Kharoubi s'est joué de moi et d'eux (ses clients) ; ramenez-le ici et faites-nous une confrontation. » Merhoum Mokhtar est un autre prévenu qui a comparu hier devant le juge. Ayant un registre de commerce qui date de 1999, lui aussi a commercé avec Cevital avant de rencontrer Mohamed Ali à l'agence BCIA de Chéraga qui lui a proposé de travailler à Oran.
Probables tractations à l'intérieur de l'établissement pénitenciaire
Il dit connaître déjà le distributeur de Sotrapla (pour écarter toute relation avec Addou Samir, le directeur, un aspect pris en compte dans l'accusation qui établit un lien entre Sotrapla, la BCIA, des opérateurs du commerce et des employés de la BEA). Début avril, il signe deux traites de 12 et 19 milliards de centimes (31 milliards en tout) avalisées par Mohamed Ali pour une commande qu'il évalue à 8000 t de sucre, une marchandise jamais arrivée à bon port. Il s'en est suivi la signature d'une opposition comme les autres clients convoqués par le directeur régional de la BCIA. Le juge lui demande ensuite s'il a signé une traite à blanc. Là il se souvient : « Ce jour-là, à la signature de la première traite du mois d'avril 2003, Samir Mhenni (employé de la banque) me rattrape et me dit : je crois, qu'il y avait une erreur et qu'il fallait rectifier. » C'était pour laisser entendre qu'il était possible qu'il n'y avait pas d'erreurs, mais qu'il s'est retrouvé, par ignorance, avec une signature sur une autre traite. Curieusement, lorsqu'il enchaîne pour répondre au sujet d'un autre prévenu (Merabti) qui a dit le connaître que de réputation et par son surnom, Kamel Marlboro, le concerné, sans crier gare, se lève dans le box des accusés, et malgré l'intervention du juge et celle de ses codétenus, crie : « Je sais combien il t'a donné hier, je sais combien ils vous a donné à tous ! » Cet incident, inédit jusque-là, n'a pas perturbé le déroulement du procès, mais renforce l'idée de probables tractations à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire concernant l'orientation des réponses. Ceci s'explique peut-être, mais cela reste une simple probabilité : pourquoi certains accusés nient-t-ils ce qui est supposé avoir été déclaré devant le juge instructeur ? Ainsi, Merhoum Mokhtar nie lui aussi avoir reçu 10 millions de centimes en contrepartie de la signature d'une opposition contre Sotrapla. A une question du juge au sujet d'une traite de 12 milliards au sujet de laquelle le prévenu a dit au juge instructeur qu'il ignorait sa destination, Merhoum Mokhtar semble moduler ses propos : « J'ai dit au juge d'instruction : je n'ai pas signé pour Merabti El Hadj, j'ai signé pour Sotrapla. » L'intervention du représentant du ministère public a permis de relever certains détails comme la date de l'opposition (27 avril 2003) à l'appel de Mohamed Ali Kharoubi, le nombre de commerçants retrouvés le même jour à la BCIA (une quinzaine) et le montant de l'assurance des traites (171 millions de centimes, toujours chez Star Hana). Khaldi Boudjelal, le 4e prévenu de cette même journée d'audience, a lui aussi avoué avoir signé une traite à blanc. D'un commerce familial, il a ouvert seul, et fin avril 2003, il signe trois traites dont une à blanc. Il fait partie du groupe appelé par le même responsable de la BCIA pour signer une opposition pour la marchandise de Sotrapla qui n'a pas été débarquée. Selon lui, ce sont ses fournisseurs de Sotrapla qui l'ont dirigé vers la BCIA (il était à la BNA) en lui disant que celle-ci donnait des traites avalisées. Les 2 et 3 avril 2003, il bénéficie d'une traite de 12,7 milliards puis d'une autre de 4,3 milliards de centimes, mais il y en a d'autres avant et après opposition. « C'est Samir qui m'a dit de signer, c'est une négligence de ma part », devait-il indiquer pour signifier qu'il ne connaît ni Selmane ni Reffas qui sont supposés être destinataires de traites.
ANOMALIES
« Si j'ai orienté des commerçants vers telle ou telle institution, ce n'est pas une infraction », a déclaré Ouala Rezak, cité plus haut, quand il a été cité à comparaître en premier durant cette même journée de procès. Il déclare que la BCIA a ses propres démarcheurs et délégués commerciaux et que lui a juste orienté vers Sotrapla. Son compte à la BEA ainsi que celui de cette dernière société sont liés par des ordres de virement permanents. « Je verse à Sotrapla qui me donne de la marchandise, et dès qu'il y a un problème quelconque (quantité insuffisante, défaut de marchandise, etc.) je lui demande de me rembourser mon argent », définit-il sa relation de travail. Il dit que lui n'a pas signé un ordre de virement permanent de son compte vers celui de Sotrapla, mais cette mention existe à la banque et même Adda Larbi, directeur de l'agence BEA Yougoslavie, n'a pas pu expliquer cette anomalie. Sa relation avec Addou Samir remonte à la période où la société importatrice de sucre n'était pas encore intégrée à Sotrapla et sa première commande est de 14 000 t. A la BCIA, il a donné comme garantie une villa pour un crédit de 2,8 milliards de centimes puis un dépôt de 5000 m2 en 2001 pour un crédit de 9 milliards de centimes augmenté à 15. A la question « Kharoubi t'a contacté pour lui trouver des clients ? », la réponse a été par la négative. Certains des chèques qu'il donnait pour couvrir ses traites sortaient pourtant impayés. Ce détail a été relevé par la cour et n'a pas été nié, et Adda Larbi l'a même convoqué pour le menacer de régulariser sa situation à défaut de se voir éjecter de cette banque. A une question précise sur les escomptes, à ses débuts, il affirme avoir escompté chez ABC que dirige Lahcène Zerhouni, un ancien cadre de la BEA, à la BEA (très peu), et qu'à la BCIA, il lui arrivait d'escompter des chèques de banque. Cet opérateur est à la tête de trois sociétés commerciales dont une avec son épouse. La cour a relevé le fait qu'il achetait et revendait à sa propre société. « C'est pour doubler les marges », devait expliquer Addou Samir, appelé à répondre à cette pratique curieuse. Ouala a nié avoir demandé à des clients cités, comme Belarbi Mokhtar, Chibane Bouziane, Akouir Cherif, Lazrag Abdellah, de signer à blanc pour recevoir en contrepartie 10 millions de centimes chacun. L'un deux, lui annonce le juge, a même déclaré avoir reçu en tout 700 000 DA pour avoir signé à plusieurs reprises. Le représentant du ministère public, pour ce cas, a également fait en sorte de relever le fait suivant, en se demandant pourquoi Sotrapla n'escomptait pas elle-même des traites : « J'ai escompté des bons de caisse parce que le portefeuille de crédit de Sotrapla est arrivé à son plafond. »
Oran. De notre bureau


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