Le patron du groupe Cevital a révélé, hier, lors d'une conférence de presse, que le système FIFO qui a entraîné le rush des importateurs est à l'origine de cette hausse importante. Cependant, Issad Rebrab tient à rassurer les ménages quant à la disponibilité du produit et annonce une baisse des prix pour le mois de Ramadhan. Cevital procédera, durant le mois sacré de Ramadhan, à une opération promotionnelle en baissant le prix du sucre blanc. C'est ce qu'a annoncé hier le président-directeur général de Cevital lors d'une conférence de presse. “Nous allons baisser les prix pour aider nos concitoyens durant ce mois sacré”, souligne Issad Rebrab. Le patron de Cevital a expliqué avec force détails le pourquoi de l'augmentation du prix du sucre sur le marché local. En fin connaisseur du secteur, M. Issad Rebrab souligne que le citoyen algérien a cru que le sucre et certains produits exonérés de droits de douane allaient en principe connaître une baisse des prix. “Nous venons de constater après simplement 15 jours de l'entrée en vigueur de l'accord d'association que les prix du sucre, contrairement à ce qui a été avancé, ont augmenté.” Que s'est-il passé ? Le président-directeur général de Cevital indique qu'un grand nombre de contingents sont déjà consommés. La précipitation, le rush des importateurs algériens, qui ont passé leur commande en même temps et qui veulent bénéficier du contingent, c'est-à-dire du quota de sucre qui ouvre droit à une éxonération des droits de douane, a fait exploser les cours du sucre sur les marchés internationaux. “Quand il y a une forte demande, les prix augmentent”, souligne Issad Rebrab. Chiffres et graphes à l'appui, le patron de Cevital explique cette hausse à l'international par les augmentations spectaculaires de la prime physique du sucre blanc, de la cotation de ce produit ainsi que du fret maritime. La prime physique du sucre blanc, précise le conférencier, a doublé passant de 20 dollars le 21 juillet à 40 dollars la tonne le 1er août, et s'est maintenue à ce niveau “excessivement élevé” durant tout le mois d'août. Cette envolée de la prime physique est due à la faiblesse des disponibilités du sucre blanc en cette période de fin de cycle de production. Sur le marché européen, la cotation du sucre blanc a évolué de près de 30 dollars la tonne entre le 9 et le 30 août. La tonne de sucre blanc est passée de 212 dollars à 234 dollars. Flambée des cours du sucre sur le marché international La flambée de la Bourse de Londres a entraîné une hausse du sucre roux au niveau de la Bourse de New York. Le fret maritime aussi suit la loi de l'offre et de la demande. La raréfaction des bateaux a engendré une augmentation du fret maritime d'Europe vers l'Algérie de près 25 dollars la tonne. “Tout le monde pensait que la suppression par l'Algérie des 30% des droits de douane allait logiquement conduire à la baisse des produits concernés. C'est une logique trop simpliste. Non seulement le sucre n'est pas descendu de 30%, mais au contraire il a augmenté de 30%”, précise le patron de Cevital. Ce dernier relève que 120 000 tonnes de sucre ont été importées par des opérateurs nationaux, en peu de temps, avec des surcoûts de la cotation boursière de près de 30 dollars la tonne, des surcoûts de la prime physique de près de 20 dollars la tonne et des surcoûts du fret maritime de près de 25 dollars la tonne. “Cette démonstration illustre le fait que le discount de 30% de droits de douane accordé par l'Algérie a été récupéré quasi intégralement par les opérateurs européens et n'a pas d'incidences positives pour le consommateur algérien”, note Issad Rebrab. “C'est l'exportateur européen qui a profité de l'aubaine, de la précipitation des Algériens dans le cadre du contingent au détriment de l'Algérie”, regrette le patron de Cevital. Sur le marché national, explique Issad Rebrab, l'annonce de l'entrée en vigueur de l'accord d'association dès le 1er septembre a entraîné, au début du mois d'août, un déstockage du sucre blanc par les distributeurs se prémunissant d'éventuelles baisses de prix de ce produit du fait de l'exonération totale de droits de douane. Malgré le prix attractif, Cevital a enregistré des méventes durant cette période et a dû ralentir sa production après saturation de ses capacités de stockage. “Vous ne pouvez pas imaginer combien la rumeur peut influer sur les cours”, affirme le président-directeur général de Cevital. Le 3 septembre, le marché s'est vidé et les prix ont commencé à augmenter. Tout le monde voulait prendre du sucre. Du 1er au 12 septembre, l'offre nationale en sucre blanc est évaluée à 24 419 tonnes commercialisées par Cevital à 37 dinars TTC, et l'importation de sucre de l'Union européenne en exonération s'élevant à 50 992 tonnes dédouanées entre le 3 et 11 septembre. Ce niveau de 75 000 tonnes en 12 jours représente plus de deux fois la demande nationale pour la période. Malgré ce niveau d'offre, il est constaté une augmentation très importante des prix (prix cessions importateurs entre 41 et 42 dinars le kilo, prix de cession sur le marché de gros entre 43 et 46 DA et le prix consommateur oscillant entre 53 et 56 dinars). Les causes de cette situation sont à rechercher, explique le patron de Cevital, essentiellement dans l'assèchement du marché national durant le mois d'août et la rétention des stocks de sucre blanc par les importateurs pour susciter une hausse de prix en période de forte demande et faciliter l'écoulement des quantités de sucre acquises hors contingents. Cevital affirme avoir “sorti son stock et remis à plein gaz sa production”. “Nous n'avons jamais vendu autant de sucre que durant cette période. Nous faisons presque 175 semi-remorques dans la journée”, soutient Issad Rebrab qui ajoute que Cevital “voulait justement calmer le marché”. CEVITAL a tenté de calmer le marché Le patron de Cevital rassure qu'il n y'as pas de pénurie de sucre. “Ce n'est pas le sucre qui manque. Je vous rassure, il y a trop de sucre, même deux fois et demi les besoins immédiats du marché”, souligne le président-directeur général de Cevital. Il explique que les 120 000 tonnes d'importations qui sont rentrées ne sont malheureusement pas sur le marché et si elles le sont c'est au compte-gouttes. “Nous avons essayé de tirer les prix vers le bas en inondant le marché”, affirme le patron de Cevital. “À nous seuls, avec un marché vide, d'autres qui ont fait rentrer 120 000 tonnes sans mettre ces quantités sur le marché. évidemment, à l'approche du Ramadan la tension a été maintenue”, ajoute-t-il. Cevital s'engage à déployer tous les efforts nécessaires pour la stabilisation rapide du marché national du sucre par la commercialisation régulière de 2 200 tonnes/jour, soit 66 000 tonnes/mois, par ses propres moyens et avec le concours de l'Enasucre. Les trois usines de l'Enasucre ont été remises en route, Guelma est déjà en production, Mostaganem est prévue pour ce vendredi et khemis Miliana est programmée pour le 20 septembre. Cevital aurait pu, à l'instar des importateurs, suivre les prix de vente de l'importation, et saisir cette aubaine pour s'enrichir. Mais Issad Rebrab, précise que “Cevital est avant tout une entreprise citoyenne. Nous ne voulons pas nous enrichir sans cause. Nous n'en avons pas besoin. Nous produisons pour l'intérêt du pays et fournir au consommateur algérien un produit de qualité à un prix compétitif”. Le système FIFO à l'origine de la spéculation sur le sucre Le patron de Cevital explique que c'est le système FIFO (c'est-à-dire l'accès au quota suivant le principe “premier arrivé, premier servi” donnant droit à l'exonération de droits de douane) qui est en cause dans le dérèglement du marché. Du coup, il recommande instamment l'abandon de cette méthode étant spéculative par essence et ne générant que des effets négatifs. Issad Rebrab affirme que le Trésor public perd dans cette affaire 150 milliards de centimes. Cevital suggère soit la mise à disposition du contingent à l'Enasucre pour la régulation du marché. Ce qui permettra la préservation de l'outil de production de l'Enasucre ainsi que les postes d'emploi directs et indirects liés à l'activité de l'Enasucre, soit la mise en vente par adjudication des quotas afin de limiter les importations au contingent arrêté et de permettre aux importateurs d'effectuer leurs achats au moment le plus approprié. C'est ce que fait l'union européenne et la Russie. “Ainsi il n'y aura plus d'augmentation du prix du sucre, il n'y aura pas une très grande sortie de devises en un aussi court laps de temps”. Cevital suggère également la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité tels que le sucre blanc et les huiles végétales au même titre que la farine et le lait, actuellement exonérés de TVA au profit des ménages. Le patron de Cevital est revenu longuement sur les larges concessions accordées par l'Algérie à l'union européenne. Il cite l'exemple des céréales ; l'Algérie, dit-il, octroie un contingent de 400 000 tonnes de blé (100 000 tonnes de blé dur et 300 000 tonnes de blé tendre) à l'union européenne, en échange d'un contingent de 4 000 tonnes de produits céréaliers transformés en Algérie dont 2 000 tonnes de couscous et 2 000 tonnes de pâtes alimentaires. Soit 1% de l'avantage consenti. Concernant la pomme de terre, l'arrangement prévoit l'octroi à l'Algérie d'un contingent de 5 000 tonnes de pommes de terre fraîches à exporter entre le 1er janvier et le 31 mars. En contrepartie, l'union européenne bénéficie d'un quota de 45 000 tonnes de semences représentant en valeur plus de 600 000 tonnes de pommes de terre fraîches qu'elle peut exporter à n'importe quel moment. L'UE a octroyé, de surcroît, à l'Algérie des facilités pour des produits virtuels. L'Algérie a obtenu un contingent illimité d'exportations vers l'UE pour des produits tels que whisky, cognac, brandy, calvados, qui sont des produits d'appellation d'origine contrôlée. Elle a aussi obtenu une autorisation d'exportations vers l'UE, sans limitation de contingent, pour les confitures de fruits tropicaux à 13% de sucre. Ce qui induira un problème d'origine, du fait que notre pays n'est pas producteur de ces fruits. Le déséquilibre des intérêts, le plus frappant au profit de l'Union européenne, est dans le sucre. L'UE a octroyé un contingent de 150 000 tonnes de sucre blanc à l'exportation vers l'Algérie, en exonération totale de droits de douane. L'Algérie ne bénéficie pas d'une mesure réciproque, bien qu'elle soit en position exportatrice, à compter de juillet 2006. Par ailleurs, le producteur national de sucre est assujetti, pour ses importations de matières premières (sucre roux), à 5% de droits de douane. Il s'agit d'une situation de concurrence déloyale au détriment de la production nationale. En effet, l'UE subventionne son sucre à l'exportation à hauteur de 70%. En outre, l'UE maintient sa politique restrictive et protectionniste dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), en maintenant des barrières tarifaires sous forme de droits spécifiques afin de protéger ses filières agricoles et agroalimentaires. A titre d'exemple, le producteur de sucre européen bénéficie d'un prix minimum garanti de 631,90 euros la tonne et les droits spécifiques à l'importation pour ce produit sont de l'ordre de 400 euros la tonne, soit 200% du prix du produit. L'UE a d'ailleurs été condamnée, en 2004, par l'OMC, suite à la plainte de l'Australie, du Brésil et de la Thaïlande, décision confirmée en avril 2005, pour l'octroi de subventions et le dépassement de quota dans le cadre de ses exportations de sucre. Paradoxalement, c'est un pays en développement, l'Algérie, qui octroie des concessions sans contrepartie aux 25 pays de l'UE, alors que dans l'esprit de cet accord, elle aurait du bénéficier du soutien de cette dernière. Aujourd'hui, Il ne s'agit pas de remettre en cause l'accord d'association conclu avec l'Union européenne, affirme le patron de Cevital. “L'Algérie a toujours respecté ses engagements internationaux”, souligne le patron de Cevital. L'accord en question stipule qu'en cas de perturbation du marché, le pays peut demander la suspension provisoire du contingent. Meziane Rabhi