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Deux importateurs chargent Kharoubi
5e jour du procès de la BCIA au tribunal d'Oran
Publié dans El Watan le 04 - 02 - 2007

La comparution, hier, de deux des principaux accusés dans le procès de la BCIA, Ahmed Fouatih Belkacem, gérant d'un consortium de sociétés, dont l'activité converge vers le commerce, et Addou Samir, à la tête de l'entité Sotrapla, entreprise convertie dès 1994 à l'« importation des produits alimentaires de première nécessité », selon son gérant lui-même, donne un souffle nouveau au procès avec des accusations ouvertes contre Ahmed Kharoubi et son fils Mohamed Ali, respectivement fondateur et directeur régional de la BCIA.
La BEA, moi, ainsi que des clients tireurs sommes victimes de la BCIA et du service de la compensation (agence BEA El Emir), car les valeurs sont logiquement traitées dans un délai n'excédant pas 24 heures », s'insurge Addou Samir. Appelé à la barre, il est arrivé à l'épisode du retard pris dans le traitement des traites avalisées de la BCIA et qui, parvenues le 30 mai 2003 de l'agence Yougoslavie à la banque de compensation, n'ont été notifiées à la banque qui les a garanties (la BCIA) que le 12 mai. « Ceux qui sont responsables de tout cela sont à l'extérieur ou appelés uniquement comme témoins, et nous, nous nous retrouvons en prison », devait-il constater. Il a estimé que « la BEA est une banque performante, rapide, la meilleure dans le commerce extérieur ». Il explique : « On ouvre une ligne de crédit le matin, le télex est envoyé à Alger, on le décode et le jour même le fournisseur qui se trouve à Londres ou à Paris est notifié. » Pour lui, il est impossible que les traites présentées restent dans les tiroirs tout ce temps-là, c'est-à-dire du 30 avril au 12 mai 2003. Revenant aux faits le concernant, pour expliquer pourquoi il est impossible à la BCIA de rejeter ces traites (d'un montrant de 4,2 milliards DA), il estime que la BCIA doit au préalable provisionner un compte à la Banque d'Algérie de la même valeur pour justifier ensuite le fait de ne pas vouloir payer les traites qu'elle a avalisées, mais qui sont parvenues, il est vrai, en retard. Pour lui, cette provision aurait effectivement servi à faire face à sa (le responsable de la BCIA) signature (même ces traites doivent être payées puisqu'elles sont avalisées), mais cela n'a pas été le cas. Il poursuit : « J'étais à Oran les 12 et 13 mai 2003. Je suis parti en France pour le projet de la raffinerie de sucre que mon entreprise comptait réaliser à Oran, mais les Kharoubi ont lancé une information, et c'est de l'intox (diâya), disant que je me suis enfui à l'étranger et que j'ai pris l'argent. » Dans la présentation de sa société créée en 1984, en association avec Habour Sid Ahmed et Habour Omar, qui se sont retirés entre temps, il a déclaré qu'il était en pourparlers avec des Anglais autour d'un projet de création d'une raffinerie de sucre. Ce détail est important parce que, dira-t-il plus tard, Kharoubi était lui aussi sur un projet similaire, c'est du moins, dit-il, ce que le responsable de la BCIA avait déclaré à la presse. « Le dimanche 18 mai, poursuit-il, ma secrétaire m'appelle et me dit de rappeler en urgence la BEA qui a demandé après toi pour un problème grave, car les traites avalisées par la BCIA au nom de Sotrapla ont été rejetées. J'ai tout annulé. Lundi, j'ai pris l'avion et de l'aéroport, je me suis dirigé directement à la BEA. » Une délégation, composée de Adda Larbi, Ouad, Djaâfri, Medeghri (de la BEA) et lui-même, est allée s'enquérir de la situation à la BCIA. « Quand il m'a vu, le père Kharoubi a été choqué, car il croyait que je n'allais pas rentrer et qu'il pouvait ainsi me faire porter le chapeau », déclare Addou Samir, pour ensuite raconter l'épisode de l'altercation qu'il a eue avec le père Ahmed Kharoubi. Voyant son hésitation, le juge le rassure et lui répète : « Tu peux dire ce qu'il (Kharoubi) t'as dit. » Addou Samir répond : « Il m'a dit : djit ya bni lkalb (tu es venu fils de chien) ! Et il a voulu me frapper. » Il enchaîne : « Pendant tout ce temps, Mohamed Ali était devant la porte et Ahmed Kharoubi était furieux du fait que la direction de la BEA avait appelé la direction de la BCIA à Alger. »
« ILS ONT FAIT PEUR AUX CLIENTS »
Addou Samir confirme les propos de Adda Larbi, directeur de l'agence 74 (Yougoslavie) de la BEA, selon lesquels, au départ, le fondateur de la BCIA était d'accord pour payer les traites en question, notamment celles de Fouatih, mais pas celles de Sotrapla. Sur ce plan-là, même si plus tard la BCIA se rétracte et refuse de payer les traites dans leur intégralité, on ignore la raison ou la nature du conflit qu'il y a entre cette banque et Sotrapla. Dans son intervention, ultérieurement, le représentant du ministère public a posé la question à Addou Samir pour savoir si cet imbroglio n'avait pas pour origine un conflit de type personnel, ce à quoi le prévenu a déclaré que ses relations avec cette banque étaient purement professionnelles et que c'était elle qui l'avait « démarché » à sa création en 1999. « Je vous aurais tous avec la loi », aurait clamé Ahmed Kharoubi à la délégation qu'il a reçue dans le bureau de son fils. « Moi (Kharoubi) j'ai une ordonnance pour ne pas payer les traites de Sotrapla », rapporte l'accusé devant le juge pour expliquer ensuite comment Baghdadi Djamel Edine, directeur régional, a réagi pour annuler cette ordonnance qui a fini effectivement par être annulée pour présentation tardive. Il affirme également que la BCIA a intenté une action en justice pour annuler l'aval afin que le problème reste entre lui et les clients, mais, là aussi, après que le tribunal d'Alger s'est déclaré incompétent, l'affaire a été transférée à Oran qui a débouté la BCIA et maintenu l'aval. « Ils ont fait peur aux clients pour leur faire signer des oppositions », indique-t-il en expliquant que, selon lui, « Ahmed Kharoubi voulait créer une raffinerie d'huile et de sucre. Il lui fallait donc casser Sotrapla et il a réussi. » A ce sujet précisément, dans son intervention, le procureur de la République a émis la réflexion suivante : « Ne crois-tu pas qu'en cassant Sotrapla, la BCIA qui t'a ouvert ses portes allait, elle aussi, en payer les frais ? » Addou Samir limite ses crédits de la BCIA aux crédits douanes, c'est-à-dire à 100 millions DA, et affirme que la BEA, pour lui assurer un mouvement d'escompte des traites, lui a exigé de concentrer son mouvement d'affaires chez elle. Quoi qu'il en soit, pour revenir au problème des « produits alimentaires de première nécessité », le cas de Cevital (c'est vital) a été cité par Addou Samir. Selon lui, c'est la chute des prix du sucre en bourse, mais aussi l'implantation d'une raffinerie de sucre du groupe agroalimentaire spécialisé dans les produits de première nécessité (huile et sucre) Cevital qui ont été à l'origine de ses déboires à partir de 2002. « La raffinerie de Cevital ne pouvait pas encore couvrir toute la demande nationale, mais sa production qui débutait participait, avec la chute des prix en bourse, dans le chantage que me faisaient les clients au sujet des prix que je pratiquais », expliquera-t-il. Conséquence, pour la dernière livraison supposée, ses clients, qui ont payé avec des traites avalisées par la BCIA (56 des 400 clients de Sotrapla sont domiciliés à la BCIA), ne recevront pas leurs marchandises. Plusieurs d'entre eux déclareront avoir reçu dans leur compte vide de la BCIA, 10 millions DA pour avoir signé des traites. Chose que Addou Samir nie catégoriquement, disant que c'est impossible. Questionné par le juge au sujet d'un certain nombre d'entre eux, l'accusé déclare que, hormis certains, dont d'anciens clients activant avant la création de BCIA, il ne connaît pas la majorité des noms cités. Selmane Abderrahmane a été cité comme « le client qui prend de grosses quantités ». L'accusé travaille avec un autre, Sahraoui Boualem, depuis 1999, qui lui aurait dit un peu avant l'éclatement de l'affaire : « Je vais avoir un crédit, je veux 14 000 t de sucre. » C'est la charge d'un navire et le gérant de Sotrapla lui a répondu qu'il pouvait le livrer en deux fois. Celui-ci affirme qu'il lui a livré des marchandises pour lesquelles jusqu'à aujourd'hui il n'a reçu aucun centime. Un autre gros client cité est Ouala Abderrazak qui avait un crédit d'aval à la BCIA et qui, toujours selon Addou Samir, était devenu importateur de céréales. Il a qualifié de propos mensongers ceux stipulant qu'il était présent dans le bureau de Mohamed Ali Kharoubi lorsque certains clients cités ramenaient de l'espèce à hauteur de 3, 4, parfois 5 milliards DA pour les échanger contre des bons de caisse. Au sujet d'un certain Tamacha, il a laissé entendre que c'est un client fictif et qu'il n'a pas de dossier fiscal dans son entreprise. « S'il a signé des traites, il faut voir avec la BCIA », répond-il à ce sujet. L'accusé, qui a de tout temps nié avoir donné une procuration ou usé de ce procédé, a confirmé que 6 milliards de centimes ont été prélevés le 1er avril de son compte sans son autorisation. « J'étais en France quand cela s'est fait. Je me suis retrouvé devant le fait accompli. On a trouvé que cette somme prélevée à Oran par Mohamed Ali a été versée sur le compte de son père Ahmed qui l'a reversée pour Rym Airlines (la compagnie aérienne qu'il voulait créer). » A cela, le juge lui rétorque : « Pourquoi dans ce cas ne pas t'être retiré en lui retirant ta confiance ? » La réponse : « Il m'a ramené un chèque guichet. Il m'a dit : je vais te verser, mais depuis, rien. » L'accusé a perdu quelque peu de son assurance lorsque le procureur de la République lui demande ses avoirs, notamment à l'étranger, deux appartements à Paris. Au moment des faits, il dit disposer de 43 milliards de centimes à la BCIA dans un compte d'attente d'une provision pour aval. Avant lui, Ahmed Fouatih Belkacem a également incriminé la BCIA. A la question de savoir pourquoi il ne s'est pas retiré, il a déclaré : « C'est facile à dire monsieur le président, mais avec 387 millions DA en jeu, ou je les ramène ou je ferme boutique. J'étais engagé avec plusieurs sociétés, il y avait une boulimie et j'étais dans un tunnel. » Quand le juge lui demande s'il avait senti un danger, il répond : « Sincèrement, oui. » Il nie être impliqué dans la signature de traites à blanc et se défend de pratiquer le délit de cavalerie avec une traite qui couvre une autre et ainsi de suite. Pour lui, c'est parce que la BEA n'a pas accepté l'escompte de traites à échéance de 90 jours. « J'avais un besoin financier et c'est pour cela que je signais les traites de 20 jours que je faisais escompter au besoin. » Il ajoute : « Il n'y avait pas de cavalerie du moment qu'il y avait l'aval », mais il reconnaît que c'est à la limite de la légalité. Ahmed Fouatif Belkacem pense également que le client Selka Djaoued est fictif. Kharoubi sera absent à ce procès pour répondre des accusations formulées par ces deux importateurs.


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