Après les assassinats ciblant des personnalités d'horizons divers, la violence s'étend au Liban en devenant aveugle, avec cette fois l'objectif évident de semer la terreur. Et à l'occasion de rappeler de tristes souvenirs. Au mois d'avril, la guerre civile libanaise avait éclaté suite à l'attaque contre un bus transportant des Palestiniens. Et pratiquement au même endroit, dans le quartier d'Achrafyeh, dans le secteur chrétien de Beyrouth. Il n'y a pas lieu de parler déjà de mode opératoire, mais l'intention est la même avec toujours des mains anonymes, surtout que cela s'est produit à la veille de la commémoration du deuxième anniversaire de l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri. Hier donc, ce n'était pas une fusillade, mais deux bombes qui ont explosé dans des bus faisant au moins trois tués et 18 blessés. « Selon les premières informations, il s'agit de bombes qui ont explosé à bord des deux bus », a indiqué un porte-parole de la police sous couvert de l'anonymat. Il a fait état de trois morts, dont un Egyptien, et de 18 blessés dans l'attentat qui a eu lieu à Aïn Alak, dans la région chrétienne du Metn-Nord. Un précédent bilan, donné par les principaux médias libanais, faisait état de douze tués. L'attentat a eu lieu dans la région chrétienne résidentielle de Aïn Alak, dans le Metn-Nord, à 2 km de Bickfaya, village natal du ministre de l'Industrie, Pierre Gemayel, assassiné en novembre, et de son père, l'ex-président Amine Gemayel, chef du parti Kataeb (phalanges). Les bus, d'une capacité totale d'une soixantaine de passagers, circulaient dans la matinée dans la région de Aïn Alak, sur une route de montagne très fréquentée dans le Metn-Nord, lorsqu'une explosion a visé le premier véhicule. Le deuxième bus, qui roulait à quelques mètres derrière, a été visé par une deuxième explosion quelques minutes plus tard. « Une première explosion a visé un bus, puis un autre bus arrivé sur place a été visé par une deuxième détonation », a déclaré un porte-parole de l'armée. Les explosions ont lourdement endommagé les deux bus qui transportaient des passagers en provenance des localités chrétiennes de Bteghrine, Aïn al Touffah et Bikfaya. Le toit de l'un d'eux a été totalement soufflé. Les forces de sécurité ont immédiatement bouclé le secteur. Les deux bus appartenaient à des particuliers des familles Saliba et Gemayel. Pierre Gemayel, 34 ans, a été abattu le 21 novembre à bout portant en pleine rue dans une banlieue de Beyrouth. Accouru sur place, le député Ibrahim Kanaan, du Courant patriotique libre du général chrétien Michel Aoun (opposition), a affirmé qu'il était « inadmissible de viser des citoyens innocents ». « Il s'agit d'une grande catastrophe (...) Sans unité des rangs, nous ne pourrons pas surmonter cette phase », a-t-il dit, ajoutant que « tout le Liban est visé ». « Il n'est pas permis d'utiliser le terrorisme pour parvenir à des objectifs politiques », a indiqué pour sa part un haut responsable du parti Kataeb, Georges Serhal, en allusion au conflit politique qui oppose le gouvernement de Fouad Siniora à l'opposition. Ces explosions se sont produites au moment où le Liban traverse une grave crise politique, l'opposition menée par le Hezbollah réclamant le départ du gouvernement de Fouad Siniora, issu de la majorité parlementaire, ainsi que des élections anticipées. Cette majorité, menée par le député Saâd Hariri a appelé à un rassemblement massif aujourd'hui dans le centre de Beyrouth pour marquer le 2e anniversaire de l'assassinat de son père. Dans le même secteur, l'opposition tient un sit-in depuis le 1er décembre pour réclamer le départ du gouvernement Siniora. Intervenant à ce sujet, le président du Parlement libanais et ténor de l'opposition, Nabih Berri, a promis hier à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné en 2005, de faire du Liban une « oasis de démocratie » libre de « toute tutelle », dans un lettre ouverte. « Deux ans après ton assassinat, tu nous regardes et nous trouves divisés (...) Nous n'avons pas appris les leçons du passé, de la guerre », ajoute-t-il, en référence à la guerre civile (1975-1990). M. Berri est opposé au gouvernement de Fouad Siniora, un proche de Hariri, et le considère comme illégitime, après la démission en novembre 2006 de six ministres. Ce sont donc cette fois, tous les chefs politiques libanais qui sont interpellés. Il y a impérieuse nécessité de préserver leur pays d'un nouveau conflit.