L'agression israélienne a dévoilé un certain nombre de faits auxquels il semblait difficile de croire. Il n'a tout d'abord jamais été question d'une guerre contre le Hezbollah, mais contre tout le Liban. Et l'autre vérité, liée à la première, c'est la réaction des Libanais absolument convaincus qu'il s'agit d'une guerre contre leur pays. C'est ce qui explique leurs réactions notamment celles des plus connus d'entre eux, décidés à apparaître comme des hommes politiques et non plus comme des chefs de clans ou de communautés. Et c'est ce qui fait mal aux Israéliens persuadés que les données avaient changé, ce qui est le cas pour le Liban, mais en aucun cas dans le sens qu'ils souhaitent. Celui d'une levée de canons contre le Hezbollah. Plus précisément, et cela apparaît très nettement, Israël entendait porter le coup fatal au Hezbollah, ou encore précipiter le débat que les Libanais ont pris sur eux d'ouvrir et qui porte justement sur des questions aussi sensibles que l'autorité de l'Etat et par extension l'avenir du Hezbollah en tant que mouvement politico-militaire. Israël a abrégé ce débat. « Je ne suis pas Hezbollah, mais depuis l'attaque israélienne, nous sommes tous devenus Hezbollah », a ainsi déclaré un Libanais qui fuyait le tapis de bombes israélien. Ou encore les réactions des différents ministres libanais qui n'ont pas cédé à l'urgence ou la facilité d'aller en guerre contre le Hezbollah. Eux et le premier d'entre eux Fouad Siniora avaient mis en évidence l'ordre des choses pour dire qu'ils peuvent avoir des divergences avec ce mouvement sur tout sauf sur l'occupation israélienne qui est un fait établi. Le Premier ministre a même énuméré les points de contentieux avec Israël, comme les Libanais détenus par Israël depuis trente ans, la violation par Israël de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Liban en permanence depuis 1949, et ce que le monde tend à ignorer, la poursuite de l'occupation israélienne. Pour ainsi dire, le Hezbollah existe par rapport à cette violence israélienne qui s'abat sur toutes les communautés libanaises comme le prouvent les bombardements pas aussi aveugles qu'on le dit. Qu'on en juge. Hier, pour la première fois depuis le début il y a huit jours de l'offensive israélienne au Liban, la plus grave depuis 1982, l'aviation israélienne a bombardé le centre de Beyrouth, détruisant un camion stationné dans le quartier chrétien d'Achrafiyeh, un endroit que les Libanais connaissent bien pour avoir été le lieu où a éclaté la guerre civile libanaise en avril 1975. Israël ne croit certainement pas aux symboles, mais aux faits, et là il s'agit de frapper indistinctement les communautés libanaises coupables de ne pas avoir accepté la version des faits israélienne, et ce qu'elle suggère comme conséquences. A vrai dire, le bombardement des quartiers à majorité chrétienne a commencé au quatrième jour de l'attaque israélienne en ciblant Zahlé, ensuite la localité côtière de Byblos à une trentaine de kilomètres de la capitale. Malgré cet acharnement, le Liban offrait au monde des images pour certains inattendues, comme si la guerre civile de sinistre mémoire avait élevé des murs de séparation entre les différentes communautés. Dans leur exil intérieur, des milliers de Libanais ont trouvé refuge chez d'autres Libanais sans distinction confessionnelle. Et cela pose problème pour Israël. Il y a trente ans, certains analystes n'excluaient pas le fait qu'Israël a joué un rôle prépondérant dans la guerre civile libanaise, au moins en armant des milices et en attisant le conflit. Jusqu'à ces années-là, ce pays était cité en modèle de coexistence des différentes communautés, le Liban en compte officiellement dix-huit. Dans le même temps, l'ONU dans une résolution qui fera date assimilera le sionisme au racisme. Justement, en refusant les différents plans de paix de l'ONU qui revenaient avec insistance depuis 1973, Israël s'engagea dans une fuite en avant et tenta par les moyens les plus criminels de prouver qu'un régime multiconfessionnel est impossible. Et l'idée a été relancée de manière insidieuse ces derniers mois, surtout avec la vague d'assassinats de leaders politiques dont l'ancien Premier ministre Rafic Hariri et de journalistes, pour insinuer que l'avenir du Liban réside dans la séparation entre les deux grandes confessions, chrétienne et musulmane. Rien n'exclut qu'Israël par son agression ait envisagé plusieurs objectifs. Démanteler d'abord les capacités militaires du Hezbollah qui mène la résistance libanaise. Priver semble-t-il la Syrie d'une capacité de nuisance contre Israël, en supposant bien entendu que Damas ait une réelle emprise sur ce mouvement. Affaiblir et soumettre ces entités qui viendraient à surgir de ce démembrement et les rendre totalement dépendantes de sa puissance. Un scénario à l'irakienne ou encore à l'image de ce qui se produit dans les Balkans et le Kosovo particulièrement. Dès le premier jour, l'effort devenait vain et la bataille était perdue. C'est pourquoi Israël s'acharne sur tout le Liban. Les Libanais ont remarquablement déjoué cette manœuvre et ils ont démontré un attachement élevé à leur pays. Ce sont là les effets de la guerre civile, et du reste les Libanais l'ont amplement démontré quand ils ont pleuré ensemble leurs symboles pour demander le retrait syrien par exemple, et cette fois prouver qu'ils ne se trompent pas d'ennemi. Malgré les pressions des... amis.