Un dispositif d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants devrait passer au vote de l'Assemblée nationale mercredi ou jeudi après avoir été voté à l'unanimité par le Sénat le 1er février. L'adoption définitive de ce texte constituera un acte d'équité et de reconnaissance envers une catégorie de migrants qui ont consacré leur force de travail au développement de l'économie de leur pays d'accueil. Et qui, une fois devenus vieux, ces « chibanis », comme on les appelle, se sont repliés dans la solitude d'une chambre de foyer ou d'hôtel pour célibataires, silencieux sur leur mal-être. Au nombre de 37 400, dont un peu plus de 20 000 Algériens, ces vieux migrants sont venus en France dans les années 1960/1970 pour travailler et envoyer une partie de leurs revenus à leur famille restée au pays. Ces hommes vivent donc seuls, sans leurs proches. Ils pensaient repartir, au plus tard à l'âge de la retraite. Malheureusement, ces chibanis ne peuvent, à ce jour, ni rentrer définitivement dans leur pays d'origine ni même y effectuer des séjours de longue durée. En effet, en cas d'absence du territoire français de plus de six mois, ils perdent le droit aux soins en France. De plus, certains d'entre eux, qui perçoivent le minimum vieillesse, perdraient également une part importante de leurs revenus. Après plus d'une année de travail et de combat, Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, a présenté au Conseil des ministres du 17 janvier dernier le dispositif d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants. Jean-Louis Borloo a tenu à conduire jusqu'au bout ce projet d'aide à la réinsertion des vieux migrants, qui lui tient à cœur, souligne Rachid Bouzidi, conseiller à l'intégration et aux relations avec les associations et d'ajouter qu' « il a toujours été attentif aux minorités quelles qu'elles soient ». Juste après le Conseil des ministres, Jean-Louis Borloo s'est rendu dans un foyer à Gennevilliers en région parisienne afin de rencontrer une cinquantaine de chibanis et avoir confirmation de leur sentiment sur la première version du projet de loi. Quand il leur demande autour d'un thé à la menthe si le projet répond à leurs besoins en matière de garantie des revenus et d'accès aux soins, l'un des chibanis répond : « Oui Monsieur le Ministre. Mais ce que vous nous donnez surtout, si votre projet passe, c'est la liberté… » En sortant du foyer, Jean-Louis Borloo confiera à son conseiller, Rachid Bouzidi : « Faire de la politique, c'est changer la vie des gens… Et ce projet, pour eux, il change tout… » Quinze jours plus tard, le 1er février, et malgré tous les obstacles rencontrés, ce dispositif, intégré dans le projet de loi « instituant un droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale », a été voté à l'unanimité — fait rarissime — par le Sénat, toutes tendances politiques confondues. Ce projet , nous explique Rachid Bouzidi, comporte deux articles : Le premier crée une « allocation de réinsertion familiale et sociale des anciens migrants » réservée à toute personne étrangère de plus de 65 ans, résidant depuis plus de 15 années en France. Le montant de cette allocation sera calculé en fonction des ressources du demandeur, mais ne sera en aucun cas inférieur au minimum vieillesse. Aucun chibani ne perdra donc d'argent. Aucune condition de résidence en France n'est imposée. Les anciens migrants pourront rentrer au pays d'origine comme ils le souhaitent et y rester le temps qu'ils veulent. La « réversibilité » est même prévue. En effet, les chibanis pourront changer d'avis s'ils souhaitent revivre définitivement en France et abandonner les allers et retours, puisqu'ils conservent leur carte de résident. Le second article concerne l'accès aux soins. Il décrit de la façon la plus claire possible que les vieux migrants restent couverts par le régime général de sécurité sociale et qu'ils peuvent donc se faire soigner lorsqu'ils sont en France, quelle que soit la durée de leur séjour. Ce projet sera examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale les 21 ou 22 février prochains. S'il est adopté, plus de 37 000 personnes cesseront d'être des « célibataires géographiques » et pourront enfin vivre normalement avec leur famille, dans la quiétude et la sérénité.