Pour atteindre Agouni Gueghrane, pittoresque village qui a vu naître le maître de la chanson kabyle Slimane Azem, il faut parcourir 8 km à partir des Ouadhias, chef-lieu de daïra. La route est étroite et sinueuse. Néanmoins, après les frissons d'une descente vertigineuse et d'une montée haletante, vous vous retrouvez non pas dans un village quelconque mais dans un univers extraordinaire dont l'imposant massif du Djurdjura vous coupe le souffle. Ainsi, c'est au pied de ces colosses de pierres et de granit qu'avait grandi l'illustre poète et chanteur dont l'œuvre demeure immortelle. « Ô huilerie qui domine le grand jardin ! », évoque-t-il dans l'une de ses nombreuses chansons. A notre arrivée au village, nous avons demandé à un jeune homme s'il existait une huilerie au village. « Bien sûr, c'est l'huilerie des Azem, elle est juste là, à proximité de la mairie », nous déclare notre jeune interlocuteur. Le lieu respire toute la solennité et le respect alors qu'une propreté certaine et un ordre impeccable des emplacements conçus pour recevoir les récoltes d'olives attestent de la grande culture et d'un savoir-faire certain des propriétaires des lieux. Un silence pesant règne. L'accueil est chaleureux. Azem Mohamed, l'héritier de l'huilerie, un septuagénaire, présente de gros traits de ressemblance avec feu Slimane Azem, son cousin. Il s'empresse de raconter l'histoire de l'huilerie familiale. Le récit est long. « C'est la première huilerie de toute la région. C'est en 1932 que cette huilerie entre en service avec un équipement de marque Gasképépincoq jusqu'en 1942 où nous fûmes obligés d'utiliser des bêtes de somme car avec la Seconde Guerre mondiale, le gasoil était non seulement rationné, mais introuvable », se souvient M. Azem qui reprend aussitôt : « Cette huilerie était la seule à fonctionner avec un moteur, c'était à l'époque une huilerie moderne pour ne pas dire industrielle. D'ailleurs, on venait d'Aït Bouadou, de Mechtras, de Beni Yenni pour voir cette merveille », enchaîne-t-il fièrement en précisant que cette situation avait duré jusqu'en 1949. La même année, un autre matériel de marque « Blachère » fut acquis et il fonctionne jusqu'à nos jours. Ainsi, depuis presque soixante années, la même cheminée avec son immense chaudron, les mêmes broyeurs, la même presse continuent de rendre d'immenses services aux oléiculteurs de la localité. Par ailleurs, Azem Mohamed, nous apprendra que c'est pour la première fois qu'il vit une si mauvaise campagne oléicole. En ce qui concerne l'avenir de cet héritage, le vieux Azem est décidé à continuer le travail de ses parents d'autant plus que l'huile produite de cette manière est très demandée par les consommateurs. Les nouvelles générations appelées à prendre la relève vont certainement opter pour une huilerie dite « moderne ».