La Citadelle, un lieu de mémoire qui fait l'objet d'une opération de restauration depuis plus de 25 ans. Sa livraison n'est pas pour demain. Et pour cause. Les différents édifices du site, qui s'étale sur 1,3 ha, ont connu des phases dites de restauration qui, de l'avis du chef de projet, Yacine Ouagueni, ne répondent pas à une réhabilitation normative. Interrogé sur le sort de cet ouvrage historique et sa réhabilitation, le chef de projet tient à nous faire un cours sur la spécialité de restaurer des édifices historiques, tout en insistant sur la responsabilité partagée des différents acteurs — en amont et en aval — ayant intervenu sur les parties de l'ouvrage qui, selon lui, ont fait l'objet d'une opération de restauration expéditive et non étudiée. Dès lors, le ministère de la Culture se devait de rattraper les erreurs commises par les uns et les autres, car le constat des travaux dits de restauration menés jusqu'à présent n'est guère reluisant. Ce qui laisse supposer que tout est à revoir dans ce site « souffre-douleur », dont la restauration est, dans son ensemble, au stade de la protection et du confortement des édifices. « Le travail de revêtement frise l'aberration et l'utilisation de certains matériaux dans divers endroits est choquante », martèle sur un ton amer Yacine Ouagueni, relevant dans la foulée « les anomalies dans le traitement de la restauration qui a entouré les bâtisses de particuliers dans La Casbah, et ce, faute d'architectes spécialisés dans la restauration ». Des pans entiers sont altérés par l'usage du béton et autres mixtures inappropriées, note-t-il. Trêve de bidonnage et place aux spécialistes. Désormais, les choses évolueront selon une vision stratégique, dira en filigrane le chef de projet, rappelant qu'« à la faveur des nouveaux textes régissant le patrimoine des biens culturels immeubles, la restauration et la gestion, l'action du ministère de la Culture se veut plus rassurante ». Pas de secret d'alcôve, sinon l'opération restauration s'inscrit dans une démarche circonspecte et rigoureuse concernant la Citadelle, dont le bloc abritant l'entrée est en voie de consolidation au même titre que d'autres travaux d'urgence qui se résument dans l'étaiement provisoire d'autres édifices. « Nous entreprenons aussi des tests de revêtement avec des matériaux utilisés selon des techniques anciennes que nous soumettons à l'analyse. » « Rien ne presse et nous devons d'effecteur toutes les opérations dans une démarche collégiale », tient à assurer notre interlocuteur qui se donne du cœur à l'ouvrage pour débusquer les fabricants des matériaux appropriés qui, faut-il le signaler, ne courent pas les rues. N'est-ce pas que pour sauver le patrimoine, il faut sauter du bon pied ? Pour ce faire, laissera entendre M. Ouagueni, il s'agit de prendre du recul. Autrement dit, revenir en arrière et dénicher les potentielles manufactures de la chaux vive, la brique rouge pleine, etc. En fin connaisseur et maîtrisant son sujet, M. Ouagueni nous conduit sur le chantier pour confronter le crépi inadapté avec lequel sont revêtues médiocrement certaines parois extérieures à son expérience qui épouse l'aspect originel du matériau appliqué. PKZ est de retour. Détenant un fonds documentaire important sur le site, le bureau d'études polonais PKZ à qui a été confiée la prise en charge de l'étude de restauration (1979-1986) retourne sur les lieux. A pied d'œuvre depuis quelques jours, sa mission est la réactualisation de l'étude du palais du Dey et celui des Beys, qui nécessitera une année. « Il travaillera en étroite collaboration avec cinq bureaux d'études algériens qui s'attellent, ajoute Yacine Ouagueni, depuis six mois, à réaliser l'étude de restauration de la Mosquée du dey, la Mosquée des janissaires, la Poudrière, les casemates, le quartier des Aghas, les pavillons d'été et d'hiver du dey. » Le fait nouveau est que les architectes qualifiés dans la restauration seront omniprésents à la tête des bureaux d'études dont les travaux seront soumis à l'appréciation du comité de pilotage de la Citadelle. « Notre credo est d'homogénéiser les solutions pour conduire les opérations de restauration et d'aménagement des édifices à bon port », insiste le chef de projet, mettant en avant « l'échange d'expériences qu'engrangeront les techniciens impliqués dans la conservation et la mise en valeur du patrimoine ». Un défi que comptent relever les jeunes bureaux d'études dans cette opération qui servira de pôle d'expérience pour les autres sites. Quant à la finalité de ce site et pour quel usage il sera affecté, l'orateur nous esquisse un schéma en diagonale. « Nous avons un aperçu sur l'utilité des lieux qui seront aménagés avec un certain standing, dont le Palais du dey qui, bien que musée lui-même, abritera un musée avec des notions muséales et pédagogiques, les autres édifices auront une fonction intégrée avec la ville », dira en substance M. Ouagueni qui envisage, par ailleurs, d'organiser des rencontres régulières sur le patrimoine et sa prise en charge.