C'est pour informer, dénoncer et témoigner de l'horreur commise par les grands pourvoyeurs de mort légale, tels que la Chine, les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite que des experts du monde entier de différents domaines : politique, juridique, droits de la personne, ainsi que d'anciens condamnés à mort, des familles de victimes, se sont donné rendez-vous à Montréal pour prendre part, trois jours durant, au deuxième congrès mondial contre la peine de mort qui a pris fin la semaine dernière, avec une marche à laquelle ont participé de nombreuses célébrités telles que l'actrice française Catherine Deneuve, Bianca Jagger, l'ex-épouse du rockeur Mick Jagger et ambassadrice bénévole pour la lutte contre la peine de mort au Conseil de l'Europe, et Mary Robinson, ancienne haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme. Si la présence de nombreuses femmes à cette manifestation a été remarquée, leur appui n'est pas anodin. Nombre d'entre elles, qui considèrent la peine capitale comme un archaïsme sanglant d'une autre époque, estiment que c'est par les femmes et par l'éducation que les mentalités vont évoluer. Certes, il y a un progrès inespéré qui s'est accompli ces vingt dernières années si l'on se réfère au nombre de pays abolitionnistes. « En septembre 1981, seulement 34 pays dans le monde avaient déjà aboli la peine capitale. A peine 23 ans après cette date, on compte aujourd'hui, aux Nations unies, 119 pays abolitionnistes sur 190 », rappelait Robert Badinter, ancien ministre de la Justice qui, en septembre 1981, a défendu et fait voter l'abolition de la peine de mort en France, dernier pays européen à avoir conservé la peine capitale dans son code pénal. Il n'en demeure pas moins que la situation, dans plusieurs pays, reste très préoccupante. En effet, la Chine détient en nombre absolu le triste record des exécutions des condamnés à mort - 15 000 exécutions par an selon les plus récentes estimations. En prévision des Jeux de Pékin de 2008, les organisateurs du congrès ont préparé une publicité-choc montrant des exécutions de condamnés à mort dans d'immenses stades. Dans un récent reportage à la télévision de Radio Canada, un journaliste rapportait que « les Chinois ont une conception bien à eux de la peine de mort. Une forte majorité est en faveur. Et la Chine ne veut pas que les étrangers se mêlent de cette question. En Chine, les condamnés à mort sont humiliés avant d'être exécutés, généralement d'une balle dans la nuque. Le code pénal chinois prévoit la peine capitale pour 68 chefs d'accusation - un record - qui vont du crime violent en passant par le simple vol, la fraude, le trafic de drogues, le complot politique ou même tuer un panda. » Le cas de la Chine ne doit pas occulter celui des autres pays asiatiques. Singapour, par exemple, a un régime répressif particulièrement dur et détient le taux le plus élevé au monde d'exécutions par habitant, soit six fois plus qu'en Chine ! Plus de 400 prisonniers y ont été exécutés depuis 1991. Aux Etats-Unis, c'est dans l'Etat du Texas où l'on exécute plus de la moitié des condamnés à mort du pays. Aucun gouverneur n'a fait mieux que l'ancien gouverneur du Texas, George W. Bush, qui est en tête du triste palmarès des gouverneurs ayant permis l'exécution du plus grand nombre d'Américains en cinq ans, soit 152. De plus, les préjugés à l'égard des Noirs et des pauvres et le peu d'attention apportée aux malades mentaux ne laissent pas beaucoup de place à l'impartialité de la justice, estiment les spécialistes. Bien que les Afro-Américains ne représentent que 11% de la population américaine, ils représentent 40% de celle des couloirs de la mort. Les pratiques judiciaires dans les pays musulmans sont également passées au peigne fin par les congressistes. L'attitude de l'Iran, qui a interdit à l'un de ses ressortissants de se déplacer à Montréal pour prendre part au congrès, a fortement été dénoncée. Ainsi le sociologue iranien Emadeddin Baghi, qui était invité à prendre la parole, a été intercepté à l'aéroport de Téhéran et s'est fait enlever son passeport. En outre, il a été possible d'apprendre que la vidéo que l'Iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix 2003, envoyée de Téhéran aux organisateurs montréalais du congrès, ne s'est jamais rendue à destination. L'un des participants a raconté l'histoire d'une fille de 16 ans condamnée à mort pour une activité sexuelle non précisée. La mère de la fille aurait fait valoir, en vain, que l'état mental de sa petite fille ne lui permettait même pas de donner un consentement libre. Depuis le début de cette année, au moins 115 personnes ont été exécutées en Iran, a ajouté un autre participant. De tous les pays musulmans, seule la Turquie a renoncé au meurtre d'Etat, tout récemment, pour satisfaire à une condition d'adhésion posée par l'Union européenne, ce qui fait dire au coprésident du congrès, Ahmed Othmani, que le retrait de la peine de mort dans le monde arabe et musulman nécessitera « une longue marche » attribuable à l'état de misère du plus grand nombre et au faible niveau d'éducation. « C'est d'abord un problème culturel et économique et, dans une moindre mesure, religieux. Le problème religieux rend les débats beaucoup plus difficiles », a-t-il affirmé. Finalement, les congressistes lanceront un appel aux Etats pour ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, seule convention internationale visant à abolir la peine de mort.