Les élections municipales saoudiennes, les premières dans l'histoire du pays, se sont soldées par la victoire des islamistes. Un raz de marée. Après avoir ramassé la mise dans les provinces de Riyad, le 10 février, et dans celles de l'est et du sud du pays, le 3 mars, les islamistes ont fait le plein dans les villes saintes de la Mecque et de Médine et à Djedda, la capitale économique, et, de surcroît, la contrée la plus moderniste du royaume. Ce courant s'est accaparé de la moitié des sièges des 178 conseils municipaux. La monarchie tente de faire montre de sérénité parce que l'autre moitié doit être désignée par elle, et dit même se satisfaire des résultats. Au motif que les vainqueurs du scrutin sont des “islamistes modérés”, parrainés par d'influents oulémas toujours, selon les autorités, en phase avec le wahhabisme, le dogme officiel de l'Arabie saoudite. De fait, ces élections, que même l'Occident a présentées comme “une percée” dans le système verrouillé de l'Arabie et dont la contribution au glissement de l'islam politique vers sa phase terroriste avait été établi par ce même Occident qui l'a, par ailleurs, dénoncé violemment, ne pouvaient aboutir qu'à ce résultat. En Arabie saoudite, la caricature d'une royauté régnant selon le mode moyenâgeux, il n'y a pas de vie politique en dehors de la monarchie, de sa famille, de sa clientèle forgée pour l'affairisme et de dignitaires religieux choisis parmi les hérauts du wahhabisme. L'Arabie saoudite a beau rivaliser sur le plan architecturale et dans le domaine des commodités avec les grands pays modernes, il n'en reste pas moins qu'on y décapite publiquement les condamnés à morts et que les femmes n'y ont pas droit de cité en tant que femmes. D'ailleurs, les Saoudiennes étaient exclues de ces élections. Alors, les autres candidats, des fonctionnaires de l'Etat et des hommes d'affaires tentés par la politique, ont dû se contenter d'une poignet de sièges. Bien que ces conseils municipaux n'aient pas d'attributions explicites, le raz de marée islamiste est tout de même révélateur de l'image des wahhabites dans leur propre pays. Le wahhabisme, l'interprétation la plus rigoriste de l'islam, est contesté par des courants encore plus extrémistes qui lui reprochent ses accointances avec les Etats-Unis. C'est ce qui explique d'ailleurs ce terrorisme qui frappe depuis 2003 le pays. Apparemment, Al Qaïda a fait de l'Arabie saoudite son dernier théâtre. Son fondateur, Oussama Ben Laden, fils d'un richissime Saoudien, n'aura fait qu'approfondir la logique du wahhabisme en le retournant contre la monarchie qui l'a pourtant fondé, alimenté, couvé et exporté. Quand on promeut une idéologie faite d'anathèmes, d'interdits et d'exclusion, l'histoire révèle que, tôt ou tard, elle finit par générer plus monstrueuse qu'elle. D. B.