Les plaidoiries de la défense se sont poursuivies hier au procès de l'affaire BCIA. Oran. De notre bureau L'avocat de Bendjouka Djilali (6 ans requis), dans la longue introduction de sa plaidoirie, s'est distingué par son opposition à l'avocat du barreau d'Alger, constitué pour le compte de Adda Larbi et Selmane Abderrahmane, qui a clairement déclaré que si Kharroubi était là, tous les autres deviendraient automatiquement des victimes. « Tu n'as pas le droit de définir la stratégie de la défense et contente-toi de celle de ton mandant », lance-t-il. Implicitement, il se met du côté de Kharroubi pour dire : « Nous n'avons pas le droit de les citer (les Kharroubi) ici, car leur cas n'est pas encore tranché par la Cour suprême. » Cette volonté d'évacuer les responsables de la BCIA et ceux de la compagnie d'assurances Star Hana ne cadre pas, même dans la forme, avec les faits qui entourent ce procès, et ce, pour deux raisons. La première est que leur nom est cité dans l'arrêt de renvoi et la deuxième doit tenir compte du tout début du procès, lorsque le juge, évoquant les dossiers introduits en pourvoi de cassation et qui n'ont pas eu de réponse, a dit que les individus en question, sous réserve d'une mauvaise interprétation, « sont accusés, mais pas concernés par ce procès ». Le mot « accusés » fait toute la différence. « Il y a un problème entre deux banques. Nous n'avons rien à avoir là-dedans », dira-t-il à propos de son client pour revenir au fond de l'affaire qui le concerne. Il mettra en avant sa bonne foi et sa volonté de faire réellement du commerce pour suggérer de ne pas mettre tout le monde dans un même panier. Un deuxième avocat est constitué pour ce même accusé. Si aucun commentaire n'est permis au sujet du prévenu, certaines déclarations de son avocat demandent juste des clarifications. « Nous avons eu un crédit à la BCIA. » Ou alors : « Si on n'a pas exigé de nous des garanties, ce n'est pas notre problème », déclare-t-il. Il est utile de rappeler que certains dénomment cette affaire « l'affaire des traites avalisées ». En réalité, dans les cas traités ici, à de très rares exceptions, la BCIA a donné des crédits mais « par signature » et la banque qui donne réellement des crédits, de manière concrète, c'est la BEA avec l'escompte des traites. L'affaire, d'après tout ce qui a été dit dans ce procès et à ce stade, est difficilement réductible à « un incident de payement » car, d'après ce qui a été dit dans ce procès, la BCIA ne disposait pas, au moment des faits, d'une provision suffisante pour honorer sa signature. C'est pour cela que l'affaire a éclaté pour ensuite révéler les dysfonctionnements, complexes il est vrai. Ce qui rend la comparaison avec « l'affaire Bernard Tapie - Crédit Lyonnais, traitée commercialement » peu pertinente. A chacun son approche L'avocat de Bouzina Moulay (6 ans de prison requis) a souhaité qu'on ramène le PDG de la BCIA pour montrer que son mandant est « plutôt proche des victimes que des responsables ». Il a évoqué le fait qu'« une plainte contre la BCIA de Kharroubi Ahmed a été déposée le 19 juillet, mais n'a pas été acceptée », le prévenu ayant été entendu par la justice le 12 juillet. L'avocate de Belarbi Yahia (6 ans de prison requis) a reconnu : « Nous sommes cupides », parlant de son client qui gérait un tout petit commerce à Chtaibo, localité proche d'Oran, mais pour elle la signature de traites à blanc est à mettre sur le compte de l'ignorance. « Le niveau d'instruction joue un rôle dans ce genre de circonstances », a-t-elle expliqué avant de demander la relaxe. « Il y a des victimes parmi les accusés », a déclaré le premier avocat de Benoussad Slimane (6 ans requis), ce client de la BCIA de Sidi Bel Abbès, poursuivi pour « une seule traite qu'il a réclamée à la société Sotrapla lorsqu'il a su qu'il n'y avait pas de marchandise, mais celle-ci a été escomptée à la BEA », explique son avocat qui a insisté sur le fait que son mandant ne connaît pas Addou Samir et qu'il n'a pas été cité parmi les clients supposés avoir bénéficié de 10 millions de centimes en contrepartie de signature de traite. L'ignorance est un aspect également pris en compte par une avocate de ce même prévenu qui a déclaré : « Il avait fait opposition, mais il ne savait pas qu'on ne pouvait pas faire opposition à une traite avalisée. » Elle devait ensuite évoquer son état de santé, opéré du cœur. « La chance n'a pas été du côté de Belarbi Mokhtar (6 ans requis) », devait plaider un avocat qui a clairement laissé entendre que « les accusés principaux n'ont pas été entendus lors de ce procès pour parler du fait principal de l'affaire et déterminer la participation à la dilapidation de deniers publics », référence faite aux responsables de la BCIA. « Je ne vais tenir compte ni des considérations sociales ni sentimentales », devait entamer l'avocat de Khelifa Brahim, mais dans son introduction il a évoqué la mère du prévenu que celui-ci aimait et vénérait plus que tout et qu'il a perdue alors qu'il se trouvait en prison. Pour lui, son mandant « a été berné par un ami d'enfance qui détient réellement les clefs de la réussite pour être né et avoir grandi dans le milieu des affaires ». Pour demander la relaxe, il se basera sur l'ignorance, mais aussi sur les déclarations de cet ami d'enfance, Selka Samir, qui a endossé toute la responsabilité. « Quand il s'est rendu compte de ce qui se tramait autour de lui, il était déjà trop tard, il a été arrêté », estime-t-il. Lui succédant, le premier avocat de Selka Samir a d'abord émis une réflexion : « Ici, je ne suis ni dans une tribune religieuse ni dans une tribune politique. » C'était pour annoncer que sa plaidoirie portera essentiellement sur le droit. Il mettra en avant la bonne foi de son mandant qui, lors de son audition, n'a pas nié des faits en déclarant par exemple que « Abdelghani (non cité dans le procès) était le représentant de Fouatih Belkacem et qu'il ne se prenait pas lui-même pour tel », mais son approche a été surtout procédurale pour dire que, concernant ce cas précis, les droits de la défense ont été lésés en revenant sur les circonstances de la détention. Il reviendra lui aussi sur l'expert afin de faire une déclaration qui n'a pas forcément quelque chose à voir avec l'expertise en faisant remarquer que celui-ci est actuellement cadre à la Société Générale, une banque française installée en Algérie.